Société

Qu’est-ce qui rend un contenu viral?

Les conférences RDV Média 2015 ont posé la question, à l’heure où tous les médias de la planète aimeraient connaître le secret pour que la sauce prenne. Alors, que faut-il faire pour qu’un contenu devienne viral? Et d’abord, pourquoi est-ce si important?

Annie Colbert, rdv médiaContenu viral = voie de survie pour les nouvelles

« S’il vous plaît, faites que ce contenu devienne viral. » Cette demande, Annie Colbert l’a entendue des dizaines de fois. Mais d’abord, qu’est-ce qu’un contenu viral? « C’est tout simplement un contenu que les gens partageront, jusqu’à ce que votre grand-mère le mette sur son compte Facebook », explique Mlle Colbert avec humour.

« Si vous réfléchissez au potentiel viral d’un article, d’une vidéo ou d’un billet seulement après l’avoir créé, il est déjà trop tard », avertit la jeune femme. Elle sait de quoi elle parle : elle est éditrice du contenu viral de Mashable, un site de nouvelles orienté vers la génération Y qui compte plus de 42 millions de visiteurs par mois.

Selon elle, il est essentiel de penser au potentiel de partage d’un contenu avant de le créer, parce que notre consommation des médias a évolué. Il y a 25 ans, les nouvelles nous étaient livrées par la radio, les journaux ou la télé. Aujourd’hui, dit Annie Colbert, elles peuvent nous parvenir d’une multitude de sources grâce à Internet : « On peut joindre plus de gens, plus rapidement qu’à aucun autre moment de l’histoire. Le problème? Nous sommes en compétition avec tous ceux qui essaient d’en faire autant. »

Comment se distinguer de la masse? « Il faut comprendre notre auditoire, et saisir intuitivement ses émotions, dit Annie Colbert. Il faut essayer de prévoir ses réactions et créer ensuite des contenus qui l’interpelleront. » Elle recommande de se servir de l’humour, de proposer des angles inattendus ou un éclairage inusité sur une nouvelle et d’adapter un contenu en fonction de sa plateforme de diffusion (une vidéo conçue pour Snapchat, par exemple, sera différente d’une vidéo diffusée sur le site de Mashable). Et elle conseille surtout de trouver sa voix : « Bientôt, votre travail sera peut-être fait par des robots. Alors trouvez un ton qui vous soit personnel. »

Photo: Liran Okanon

Photo: Liran Okanon

Les leçons d’Elizabeth Plank

Originaire de Montréal, Elizabeth Plank roule depuis quelque temps sa bosse à New York, où elle est rédactrice pour le site de nouvelles Mic. Grâce à ses textes décalés et intelligents, ses vidéos drôles et engagées, elle a fait exploser les clics depuis son arrivée à Mic, devenant ainsi une nouvelle icône du féminisme 2.0. Conférencière invitée aux RDV Média 2015, elle a profité de son passage dans sa ville natale pour réfléchir à ce qui interpellait les Y, cette « génération ultra éduquée et diversifiée, qui ne s’engage peut-être pas activement dans la politique, mais qui s’investit autrement dans la société ».

« Pour rejoindre les millenials, dit-elle, il faut d’abord que vous compreniez où ils se trouvent: sur leurs téléphones mobiles. Ils ne les utilisent pas uniquement quand ils sont en déplacement, mais aussi pour se détendre ou pour magasiner en ligne, quand ils sont à la maison. » Et il faut saisir ce qui les fait réagir. « 85 % des gens partagent des articles qui les représentent ou sur les causes qui les intéressent, dit Elizabeth Plank. Par exemple, quand vous publiez un article sur les changements climatiques sur votre compte Facebook, vous communiquez quelque chose sur vous-même et ce qui vous tient à cœur. » « Je ne crois pas qu’on devrait écrire des articles uniquement en fonction du critère de partage, a-t-elle ajouté, mais ça devrait faire partie de la réflexion. »

Avec l’apparition de nouvelles plateformes de diffusion comme Snapchat (où les contenus s’effacent après avoir été publiés), ou Periscope (où les vidéos sont diffusées en direct), le futur des médias passera de plus en plus par la création de contenu vidéo, selon elle. « Je crois que les jeunes ne sont pas intéressés que par des vidéos filmées dans un studio, avec un éclairage et des coiffures parfaits. Ils sont intéressés par quelque chose de moins léché, mais de plus authentique », dit-elle.

À LIRE: Notre entrevue avec Elizabeth Plank

Le facteur humain

Le site Upworthy doit son existence à un pari : réussir à rendre les nouvelles sexy. Pas de vidéos de chats qui jouent au piano ici. Pour attirer l’attention sur des réalités importantes, le site mise sur des nouvelles sélectionnées avec soin aux quatre coins du web, des titres (très) accrocheurs et… sur le facteur humain.

« Aujourd’hui, la une des journaux a été remplacée par le fil de nouvelles de notre compte Facebook, dit Sara Critchfield, l’une des fondatrices d’Upworthy. Mais le problème, c’est que le shower de bébé de ma sœur côtoie la crise au Soudan : tout est mêlé, rien n’est hiérarchisé. Pour qu’une nouvelle importante émerge, il faut se servir de données quantitatives et de données émotionnelles. »

Chez Upworthy, par exemple, un outil permet d’estimer le pourcentage de partage d’un article en fonction des différents titres proposés. La salle de rédaction s’en sert donc pour tester des titres, en remplaçant certains termes par d’autres. « Mais dans les médias sociaux, le côté « social » est plus important que le côté « médias », affirme Sara Critchfield. Ce sont les émotions qui nous poussent à partager des articles : l’indignation, la joie, l’émerveillement, la tristesse… Pour trouver ou créer des contenus que les gens voudront partager, il faut donc partir d’abord de ce qu’on ressent. » C’est ainsi que l’un des contenus les plus partagés de l’histoire d’Upworthy a été une vidéo sur les derniers jours d’un adolescent malade du cancer, qui voulait laisser des chansons en héritage. Repérée par un éditeur de contenu dont le propre père était décédé du cancer, la vidéo en question, reprise par Upworthy, a fait exploser tous les chiffres… Elle a récolté plus de 300,000 abonnés pour le site en l’espace de trois jours, et catapulté les chansons du jeune Zach Sobiech en tête du palmarès iTunes.

« Notre mission est de profiter des outils technologiques et des données à notre disposition, mais de rester humains avant tout », conclut Sara Critchfield. Bien dit.

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