
Marie-Claire Kirkland en juillet 1970 | Photo: Bibliothèque et archives nationales du Québec/Jules Rochon
Claire Kirland-Casgrain (1924 – 2016)
En 1961, Claire Kirkland-Casgrain, la seule femme élue députée, fait une entrée remarquée au Parlement de Québec : robe noire, tête haute… mais sans chapeau ! Pourtant, la règle veut à cette époque que les dames qui se présentent dans les galeries de l’Assemblée nationale se couvrent le chef. « Moi, dit-elle aujourd’hui, à 83 ans, je ne me voyais tout simplement pas travailler avec un chapeau!» Surtout que de ses 70 collègues masculins, pas un seul n’en portait.
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La cause des femmes
Très tôt, la fille unique de Rose Demers et de Charles-Aimé Kirkland, médecin à Ville Saint-Pierre et député libéral de Jacques-Cartier (1939-1960), s’intéresse à la politique et à la cause des femmes. Son père, qu’elle accompagne souvent dans des assemblées, est libéral au sens pur du terme : sous le gouvernement Godbout, en 1940, il se prononce en faveur du droit de vote des femmes au Québec. « Il devrait y avoir des femmes au Parlement, dit-il à Marie-Claire, ajoutant rapidement: mais ça serait si difficile pour elles!» Il était loin de se douter que sa fille incarnerait son rêve.
Brillante avocate – elle tient tête à Maurice Duplessis dans un comité de bill privé –, Me Kirkland-Casgrain (du nom de son premier mari) est parachutée en politique : au décès de son père, les organisateurs du parti libéral voient en elle un successeur. Elle remporte la majorité à l’élection partielle du 14 décembre 1961 dans Jacques-Cartier. Aux élections de 1962, elle est réélue haut la main. Avec trois enfants en bas âge, elle hésite à la perspective de déménager seule à Québec. Mais son désir de faire avancer la cause des femmes l’emporte.
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Des années enrichissantes
Nommée ministre d’État par le chef libéral Jean Lesage, elle se fixe un objectif: amender le Code civil pour supprimer l’incapacité juridique des femmes mariées. Son projet de loi, le Bill 16, est adopté en 1964, un an après la mort de Thaïs Lacoste-Frémont, une militante pour les droits des femmes dont elle s’est inspirée. Partout, les associations féminines l’invitent à donner des conférences. «On travaillait très fort. Pour gagner du temps et ne pas avoir à me faire coiffer, je portais une demi-perruque. Et toujours, je m’inquiétais de mes enfants. »
Au bout de quatre mandats (1961-1973), pendant lesquels elle a dirigé deux ministères et marrainé la création du Conseil du statut de la femme, Marie-Claire sent le besoin de rentrer auprès de ses enfants restés à Ville Saint-Pierre avec sa mère. La Crise d’octobre 1970 précipitera sa décision de quitter la scène politique. Car, fédéraliste, elle figure sur la liste noire du Front de libération du Québec (FLQ).
Aujourd’hui, Claire Kirkland-Casgrain vit à Montréal avec son deuxième mari, un confrère de classe revu après de nombreuses années. De son passage au Parlement, nulle nostalgie. Car étant la seule femme, « j’étais obligée de surveiller mes moindres gestes». Mais la politique l’intéresse toujours autant.
Cette entrevue a été réalisée en 2008 par notre journaliste Mylène Tremblay.