Reportages

Bloguer le poing levé

Cinq blogueuses québécoises qui n’ont pas peur des luttes à mener.

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Léa Clermont-Dion,  Blogue Léa et Louise – Châtelaine ;
Catherine Voyer-Léger, Blogue Détails et dédales (cvoyerleger.com) et participation à la section Zone libre du Journal de Montréal ;
Judith Lussier, Journal Métro ; Aurélie Lanctôt, Voir.ca et L’actualité ;
Sarah Labarre, Urbania.

Armées de leur intelligence matraque et de leur verve coup de poing, elles ont investi le Web. Et leurs mots ont du pouvoir, comme l’a constaté Léa Clermont-Dion, lors de l’épisode des mini-miss, en septembre dernier. Un concours de beauté destiné à des fillettes de 5 à 11 ans devait avoir lieu à Laval, à la fin de novembre. Inadmissible, s’est dit Léa. Avec deux complices, elle a publié un texte dénonçant la situation dans Le Journal de Montréal, puis lancé une pétition qui a récolté plus de 51 000 signatures. L’événement a été annulé. Preuve de la pertinence de la parole citoyenne.

Les sujets ne manquent pas : la santé sexuelle des femmes, la violence conjugale, la pauvreté, les iniquités, la culture du viol, qui protège les agresseurs et rejette la responsabilité sur les victimes, les blagues douteuses de commerçants, par exemple le bar montréalais Nacho libre, dont la publicité utilisait des blagues de viol (oui, ça existe). Le sexisme, quand on s’y attarde, on s’aperçoit qu’il est un peu partout.

Avec sa grande gueule (c’est elle qui le dit), Sarah Labarre revendique l’étiquette de « féministe enragée » et se fait un devoir d’intervenir dans les débats qui, sous le couvert de l’humour, souvent, banalisent la violence. Et chaque fois, elle s’attend à une vague d’insultes.

Car aucune des blogueuses n’échappe aux trolls désagréables, aux réactions des masculinistes. « Frustrée, mal baisée, lesbienne, poilue, hystérique… » : la brutalité des attaques laisse un goût amer. « Les commentaires vont de la recon­naissance au paquebot de “schnoutte” », admet Marie-Christine Lemieux-Couture, qualifiée d’« intellectuelle méprisante » dans un message ironique. Cesser de bloguer ? « Jamais ! dit-elle. Si quelqu’un est agressif, s’il vous injurie pour vous museler, se taire, c’est lui donner raison. »

Pour sa part, Judith Lussier collectionne dans un fichier informatique les captures d’écran de commentaires haineux. Qu’en fera-t-elle ? Elle ne le sait pas encore. Mais cela lui donne le sentiment de ne pas être totalement impuissante devant cette rage. Pour elle aussi, continuer d’écrire est une forme de résistance.

Heureusement, elles ont la couenne dure et de l’audace à revendre. Et elles peuvent compter sur l’appui d’une communauté forte et solidaire. Ainsi, Catherine Voyer-Léger a pu saisir la portée de ses mots quand une lectrice lui a avoué que ses écrits l’aidaient à vivre. Elle y repense souvent.

Certains confrères blogueurs et chroniqueurs ne les considèrent pas comme suffisamment « aimables ». Elles s’en fichent un peu. Ce qu’elles visent, ce n’est pas d’être polies et lisses, c’est de déranger le convenu, montrer que le féminisme est pluriel, multiple. Aurélie Lanctôt souhaite que ses mots permettent à d’autres jeunes femmes de s’identifier comme féministes. Elle écrit pour contribuer à amplifier la voix de celles qui portent l’étiquette avec fierté.

Alors, on les lit parce que leurs regards nous éclairent sur ce qui nous entoure, parce qu’elles osent, parce qu’elles sont fortes et surtout parce que leurs mots doivent secouer le cocotier des mentalités.

À lire aussi

Marie-Christine Lemieux-Couture : Toutes mes solitudes !, Les Éditions de ta mère

Catherine Voyer-Léger : Détails et dédales, Hamac-Carnets

Léa Clermont-Dion : La revanche des moches, VLB Éditeur. Lisez un extrait en cliquant ici!

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