Reportages

Une femme voilée à la Maison-Blanche

L’équation islam = violence est un mythe. Cette question, Dalia Mogahed l’étudie depuis des années, et elle doit maintenant la faire comprendre au plus grand nombre de personnes possible.

Photo: Lynn Goldsmith/Corbis

Photo: Lynn Goldsmith/Corbis

Quand les Américains musulmans sont montrés du doigt en bloc pour un acte violent, Dalia Mogahed est personnellement offensée. Comme en avril dernier, lors de l’attentat du marathon de Boston, que ses coreligionnaires et compatriotes se sont sentis obligés de condamner… avant même que les responsables soient connus.

L’islam n’est pas violent, soutient-elle. Pour elle, il ne s’agit pas d’une opinion mais d’une vérité, établie par un travail minutieux effectué pendant qu’elle dirigeait le Centre Gallup pour les études sur l’islam. Elle avait alors décortiqué les résultats du plus vaste sondage jamais réalisé dans les pays musulmans avant de cosigner Who Speaks for Islam ? What a Billion Muslims Really Think, publié en 2008.

L’une des conclusions : plus un musulman est pieux, moins il approuve la violence. « Ce n’est pas dans la nature de l’islam, souligne-t-elle. La religion n’est pas la cause des actes de brutalité perpétrés par les musulmans. »

Le président Obama a aimé ce qu’il a lu. Assez pour la choisir, en 2009, avec 24 autres personnes, afin de le conseiller pendant un an sur les questions communautaires et religieuses aux États-Unis.

Elle avait 35 ans. Partie d’Égypte 30 ans plus tôt, elle avait passé son enfance dans le Wisconsin, décroché un MBA à l’Université de Pittsburgh et s’était vu confier, en 2006, la direction du Centre Gallup pour les études sur l’islam.

La nouvelle de son entrée à la Maison-Blanche a fait le tour du monde : jamais une musulmane coiffée d’un hijab n’avait atteint de si hauts sommets dans les sphères du pouvoir washingtonien. Dans le monde arabo-musulman, sa nomination lui a valu des titres prestigieux en rafales, dont celui de femme arabe la plus influente de la planète, décerné par le magazine Arabian Business. Dans son Égypte natale, la presse a été prise d’excitation de voir une compatriote accéder au Saint des Saints : on y voyait le signe d’un renouveau entre les États-Unis et les pays musulmans.

Il y avait d’ailleurs un peu d’elle dans le discours de Barack Obama au Caire en juin 2009, qui a fait mouche dans tous les pays musulmans. Récemment élu, le président avait insisté sur la nécessité d’un « nouveau départ pour les États-Unis et les musulmans du monde entier » fondé sur « le respect mutuel » et sur le fait que « l’Amérique et l’islam ne s’excluent pas ». Ces mots, Dalia Mogahed les avait soufflés à l’oreille du rédacteur de discours du président.

Son mandat à la Maison-Blanche est terminé, mais Dalia Mogahed poursuit sa mission de démystifier l’islam. Elle vient de fonder Mogahed Consulting, qui offre ses services aux leaders américains désireux de mieux comprendre le monde musulman.

« Il n’y a pas de clash fondamental des civilisations entre l’Occident et l’Islam », dit-elle à l’autre bout du fil, depuis son bureau en banlieue de Washington. « À bien des égards, les musulmans partagent les mêmes valeurs que les Occidentaux. Le printemps arabe a montré, malgré les difficultés rencontrées, qu’ils veulent aussi la démocratie. »

Mais il y a encore du boulot à abattre. Le regard d’autrui le lui rappelle chaque matin dès qu’elle quitte son mari et ses deux enfants et franchit le seuil de sa maison pour aller travailler. « Le hijab que je revêts avant de sortir crée une barrière psychologique entre moi et les autres. Plusieurs personnes ont des préjugés à son égard. » Loin de se sentir abattue, Dalia Mogahed y voit une possibilité : celle d’aller vers les autres et, qui sait, de les éclairer un peu plus sur l’islam.

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