Dans une perspective de prévention et de sensibilisation, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale (RMFVVC) lance cette semaine le site Web Vivre la violence conjugale. Il réunit les témoignages de femmes qui ont subi une forme ou une autre de violence.
« Au début de ma relation, mon tortionnaire ne me frappait pas […], mais avec les années, j’ai vite compris que ses gros mots remplis de cruauté et de méchanceté sont devenus pires qu’une “volée”. Il passait son temps à me traiter de bâtarde, de chienne, même devant mon enfant, ses amis […] Il m’a déjà fait coucher dans la remise sous prétexte qu’il n’était plus capable de voir ma “crisse de face laitte” […] J’ai pu le larguer parce que j’ai finalement eu ma pension de vieillesse.
D’une “poquée” qui espère finir ses jours dans une vie meilleure. »
Ce genre d’histoire de « poquée », les intervenantes en entendent régulièrement entre les murs des centres d’hébergement et de soutien pour femmes violentées.
« Quand les femmes se présentent à notre porte ou nous appellent, elles ne savent pas nécessairement qu’elles subissent de la violence. Plusieurs viennent vers nous perplexes, incertaines de ce qu’elles vivent à la maison, pour s’informer et pour obtenir un avis extérieur », explique Nathalie Villeneuve, présidente du Regroupement.
Les intervenantes des quelque 45 maisons membres du Regroupement ont mis plusieurs mois à recueillir les 125 témoignages qui se trouvent sur le site Vivre la violence conjugale. Les histoires sont racontées avec les mots des victimes, crus, sans artifices. Une incursion poignante dans ce qui s’avère le lot quotidien de milliers de femmes chaque année au Québec.
« Certains récits présentés sur le site sont troublants, c’est vrai, mais notre but n’est pas de faire du sensationnalisme. Nous croyons qu’en livrant ainsi le vécu des femmes qui passent par nos maisons, en exposant, avec leur accord, des drames qui, autrement, demeureraient confidentiels, nous arrivons à mettre des mots – les vrais – sur ce qui est, encore en 2013, un tabou, pour elles comme pour la population générale. »
« Au-delà des faits divers qu’on présente dans les médias, le vécu de violence qui les entoure est encore méconnu et tabou », ajoute Mme Villeneuve. « Les femmes ont honte ou ont tendance à relativiser les sévices qu’elles subissent en se disant que d’autres vivent bien pire qu’elles. Les préjugés persistent aussi : “Pourquoi avoir attendu aussi longtemps avant de réagir?” “Il devait avoir une raison d’agir comme il l’a fait.” »
Ce qui a néanmoins convaincu la majorité des femmes de surpasser leur peur et de confier leur expérience dans le cadre du projet, croit Nathalie Villeneuve, c’est la possibilité qu’elles puissent ainsi changer la vie d’autres femmes, les convaincre de prendre les décisions nécessaires pour s’en sortir. C’est aussi pourquoi certaines victimes ont voulu livrer des témoignages d’espoir et relater les changements positifs qui ont découlé de leur démarche.
« Dans les quatre dernières semaines, les bulletins de nouvelles nationaux ont fait état de trois meurtres ou tentatives de meurtre contre des femmes par leur conjoint. Et ça se reproduira. C’est alarmant, mais ça reste pourtant souvent au niveau du fait divers. La sensibilisation est un travail de tous les jours, et nous espérons que l’outil du site Internet nous aidera à répondre à une partie des besoins. »
En plus de consulter les histoires déjà recueillies, le public peut témoigner directement sur le site Internet. « Nous souhaitons aussi attirer l’attention des amis, de la famille ou des voisins sur ce que peut représenter concrètement un cas de violence conjugale et les inciter à demeurer vigilants. »
Le site Vivre la violence conjugale s’inscrit dans le cadre de la campagne nationale « 12 jours d’action pour l’élimination de la violence envers les femmes », qui débutait le 27 novembre et qui culmine le 6 décembre, date anniversaire de la tuerie de Polytechnique.
Pour trouver une maison d’hébergement : maisons-femmes.qc.ca
Des services téléphoniques, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 : 1 800 363-9010
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