Quoi lire cet été? Voici une sélection des livres que nous aimons
Quoi lire cet été? Voici une sélection des livres que nous aimons
La femme de Valence, Annie Perreault, Alto, 2018
Première phrase: «C’est un grand froid qui te traverse le corps quand tu te remémores Valence.»
Mon appréciation: Une femme s’approche de Claire Halde, assise au bord de la piscine, sur le toit de l’hôtel Valencia Palace. Elle lui remet son sac à main puis se jette en bas de l’immeuble. Pour Claire, le choc est brutal. Elle ne se remettra jamais de ce jour où elle a laissé quelqu’un se suicider en Espagne. Quelques années plus tard, Laure tente de comprendre sa mère en retournant à Valence, courir un marathon. Annie Perreault signe un roman sombre — inspiré d’une histoire qu’elle a elle-même vécue — qui bouscule notre rapport à l’empathie et à l’attachement. (Marie-Pier Gagnon)
N’essuie jamais de larmes sans gants, Jonas Gardell, Alto, 2018
Premières phrases: «Cette journée d’août s’en est allée sans un nuage dans le ciel, mais à travers les fenêtres condamnées du service d’isolement l’été ne pénètre pas. L’homme dans le lit est terriblement amaigri et marqué par un sarcome de Kaposi au stade avancé. Il n’a plus que quelques jours à vivre.»
Mon appréciation: Stockholm, années 1980. Rasmus et Benjamin, deux Suédois dans la vingtaine, vivent ensemble une fulgurante histoire d’amour que leurs parents n’acceptent pas.
Le roman se sépare en trois parties : l’Amour, la Maladie et la Mort. À cette époque, la mort était souvent la seule issue pour les gens infectés par le virus du sida. Ils mouraient isolés et rejetés. Le milieu médical ignorait encore presque tout de cette maladie, et on traitait souvent les sidéens comme des pestiférés.
L’auteur fait se côtoyer la beauté et l’horreur dans un style magnifique. Ce roman est aussi très bien documenté, on y parle entre autres de la lutte pour les droits des gais, de l’épidémie du sida et de l’inertie des gouvernements face à ce fléau, sans que cela nuise au récit. Une œuvre essentielle pour la mémoire collective. J’ai beaucoup pensé à mes amis disparus pendant cette lecture, les Jeannot, Gilles, André, Florent, Michel, Joseph, Jean-Gilles et tous les autres. Nous aurions fait de si beaux vieux… (Pierre Durand)
Treize à table, recueil de nouvelles, collectif, Druide, 2018
Premières phrases: «Nous étions au Royal, en train de siroter un cocktail de liqueur de framboise, chartreuse et bulles espagnoles, et nous regrettions que nos amis ne soient pas avec nous pour célébrer la vie, la passion et notre amour de ces mots sensuels qui savent dire tout ceci.»
Mon appréciation: L’invitation est alléchante. Convier des auteurs québécois autour de la table – et d’une même thématique. Cette idée lancée par les écrivaines Chrystine Brouillet et Geneviève Lefebvre met en appétit. Le résultat ? À la fois léger et rassasiant. Il y en a pour tous les goûts, d’exquis plats de résistance (la nouvelle de Michel Marc Bouchard qui raconte un petit-déjeuner avec la chorégraphe Pina Bausch) comme de savoureuses mignardises (Un Mirage à Malaga d’Érika Soucy, El hambre de mi corazon de Geneviève Lefebvre…). Avec ses descriptions gourmandes, Chrystine Brouillet, elle, nous invite à La Dame de Pic, le resto parisien de la cheffe étoilée Anne-Sophie Pic – on salive avec elle. Pour digérer, on court sur les traces de l’auteur-comédien Patrice Godin dans un ultra-marathon délirant (plus de 300 km!), la faim et la peur au ventre.
Une belle lecture à déguster à petite lampée avec un vin d’orange – dont on trouve la recette à la fin du recueil. (Johanne Lauzon)
Faire campagne, joies et désillusions du renouveau agricole au Québec, Rémi Bourdillon et Pierre-Yves Cezard, Atelier 10 et La Pastèque, 2018
Premières phrases: «La campagne, les grands espaces, la forêt en arrière, l’érablière… Je te dirais qu’à une certaine époque de ma vie, ça a été salutaire.»
Mon appréciation: Le bédéreportage est une nouvelle forme de littérature en pleine expansion. Dans ce format long, il devient un véritable documentaire où on visite une dizaine de fermes, explorant l’état de l’agriculture québécoise. Pour démystifier les principes de la gestion de l’offre ou le monopole de l’Union des producteurs agricoles, cette lecture est plus que pertinente. Pour mieux saisir les nombreux obstacles auxquels font face les petits producteurs qui tentent de tenir une ferme diversifiée et écoresponsable, elle est essentielle. (Andréanne Moreau)
L’Archipel du Chien, Philippe Claudel, Éditions Stock, 2018
Premières phrases: «Vous convoitez l’or et répandez la cendre. Vous souillez la beauté, flétrissez l’innocence. Partout, vous laissez s’écouler de grands torrents de boue. La haine est votre nourriture, l’indifférence votre boussole.»
Mon appréciation: Les cadavres de trois Noirs échouent sur une plage de l’Archipel du Chien, situé quelque part en Méditerranée. Dès lors, la vie paisible de ses habitants sera chamboulée, tout comme le vaste projet de développement touristique auquel le maire tient mordicus. Une solution s’impose donc: faire disparaître ces trois corps coûte que coûte, quitte à maquiller la vérité… Philippe Claudel, déjà auréolé de nombreux prix littéraires, signe ici une critique féroce de l’hypocrisie européenne — et mondiale — face au sort des migrants. Un sujet sombre, évidemment, mais que Claudel traite avec un humour incisif et une ironie qui laissent pantois. Voilà un roman magnifiquement écrit, truffé de rebondissements spectaculaires, dont on ne sort pas indemne. (Daniel Chrétien)
Jumelles, jumeaux – Une histoire de miroirs, Isabelle Lortholary, Albin Michel, 2018
Premières phrases: «… Jumelles? jumeaux? vrais, ou faux?… Il paraît que… On m’a dit que…» La gémellité fascine, la gémellité attire et tout le monde a un avis sur les jumeaux ou une anecdote à raconter, ils sont comme ci, ils font comme ça…
Mon appréciation: Je suis jumelle… normal que ce livre m’ait tapé dans l’œil. Pour autant, il peut intéresser tout le monde, car on y parle beaucoup de la façon dont nous nous construisons tous: par rapport à l’Autre. Chez les jumeaux, la relation serait simplement amplifiée, grossie au microscope. La parole est ici donnée aux premiers intéressés. Ils et elles nous racontent leur histoire, lumineuse ou sombre, émouvante, singulière. Chacune brièvement complétée par les commentaires fort éclairants d’experts (psychanalystes, anthropologue, échographiste…).
Et c’est comment la gémellité? S’il fallait retenir une définition, ce serait celle-ci: c’est être deux, à l’origine et d’emblée. En relation (car, déjà in utero, les jumeaux jouent ensemble, sont en constante interaction).
La révélation pour moi, qui ne ressemble pas à ma jumelle: cette expérience prime, et le fait de partager ou non le même bagage génétique (homozygote vs hétérozygote) a peu à y voir. Plus de vrais ou faux qui tiennent, alors? J’ai très hâte de passer ce livre à ma sœur! (Céline Fortier)
L’orphelin des docks, Cay Rademacher, Éditions du masque, 2018
Premières phrases: «Vendredi, 30 mai 1947. Le sang du garçon mort recouvre comme un voile la bombe anglaise de deux cent kilos.»
Mon appréciation: J’adore l’histoire, et ce thriller m’en a fait découvrir un pan rarement mis en lumière. Qu’est-il arrivé au peuple allemand après la Deuxième Guerre mondiale? Hambourg est dévastée, contrôlée par les Britanniques. Ses habitants font de leur mieux pour survivre, entre les tickets de rationnement et les pénuries d’eau potable. Les enfants-loups, des orphelins venus de l’Ouest, peuplent ses rues en ruines et vivent des fruits de la prostitution, du vol ou du marché noir. À travers une enquête pour meurtre, on suit l’inspecteur Frank Stave, qui doit faire la lumière sur la mort mystérieuse d’un adolescent. Si l’action est parfois un peu lente, l’auteur dessine avec un réalisme frappant le paysage hambourgeois d’après-guerre et la réalité de ses citoyens. (Andréanne Moreau)
Debout, Rose McGowan, HarperCollins, 2018
Premières phrases: «Il était une fois une actrice célèbre qui s’appelait Frances Farmer. Elle détestait sa vie artificielle, elle rêvait de s’en libérer. Elle a essayé de fuir la notoriété et la toxicité du patriarcat de Hollywood, mais le studio l’a rattrapée et l’a fait interner dans un asile.»
Mon appréciation: À l’inverse de Frances Farmer, l’actrice Rose McGowan s’en est sortie. Dans cette autobiographie, celle qui a été l’une des premières à dénoncer publiquement le producteur déchu Harvey Weinstein pour agression sexuelle (à l’origine du mouvement #metoo) brosse un portrait accablant de la misogynie à Hollywood. Elle raconte comment cette industrie bien rodée, cette secte pour rependre ses mots, connaissait les agissements du Monstre (comme elle l’appelle) et fermait les yeux. Comment les réalisateurs abusent de leur pouvoir. Comment les personnages féminins sont pensés et définis par ces hommes et comment la façon qu’ils représentent la femme a des impacts néfastes sur l’ensemble de la société qui les prend pour modèle. Tout le glamour de Hollywood part en fumée à la lecture de ce livre ô combien nécessaire qui nous dévoile l’envers du décor. (Mylène Gagnon)
Au pays des purs, Kenizé Mourad, Fayard, 2018
Première phrase: «“Espionne!“ Le mot a claqué comme un coup de fouet. L’homme en noir s’est dressé, menaçant.»
Mon appréciation: Dès les premières pages, j’ai compris que ce roman accrocheur est une fiction remplie d’humanité et d’espoir. L’auteure raconte un pays et son peuple au travers des enquêtes d’une jeune reporter française au Pakistan.
Kenizé Mourad, née à Paris d’une mère ottomane et d’un père indien, se promène entre l’histoire, la politique et la fiction avec tant de finesse et d’intelligence que j’ai appris à voir le Pakistan différemment, sans m’en rendre compte. (Ann Ross)
Nos silences, Wahiba Khiari, Éditions XYZ, 2018
Premières phrases: «Je suis née à retardement, une alerte à la bombe, une grenade dégoupillée par la nature, une déflagration annoncée, un danger. Je suis née quelque part où il me fut bon de vivre, jusqu’au jour où je réalisai que, autour de moi, rester en vie était devenu un projet de société, le régime en vigueur.»
Mon appréciation: Nos silences relate le drame des «filles de la décennie noire», ces milliers de femmes enlevées et violentées lors de la période sanglante du conflit algérien, dans les années 1990. Dans ce récit, deux voix se superposent: celle de la narratrice, qui raconte sa culpabilité d’avoir choisi l’exil, et celle d’une jeune femme au moment même où elle subit l’horreur. Un roman très dur, oppressant, qui bouleverse autant qu’il fait réfléchir, première œuvre coup de poing d’une écrivaine d’origine algérienne qui vit maintenant au Québec. (Nathalie Elliott)
Mille petits riens, Jodi Picoult, Actes Sud, 2018
Première phrase: «Le miracle s’est produit dans la maison de la soixante-quatorzième rue où travaillait maman.»
Mon appréciation: Ce roman fait partie des lectures que je recommanderai probablement jusqu’à la fin de mes jours. Avec comme point de départ la mort du bébé d’un couple de suprémacistes blancs et la poursuite que le père entame contre l’infirmière afro-américaine qui a soigné son fils, le récit présente chacun des personnages sans jugement et nous les fait découvrir dans toute leur fragilité. Tantôt bruyant et revendicateur, tantôt insidieux et inconscient, le racisme est le fil conducteur du roman, sans pour autant le rendre moralisateur. Cette histoire en est d’abord et avant tout une de bonté et de compassion. Vibrant d’une humanité profonde, il présente le récit d’une histoire infiniment triste avec tant de tendresse et de bienveillance qu’il redonne foi en la beauté du monde. (Andréanne Moreau)
Le dating dans tous ses états (confidences de deux filles qui n’ont plus vingt ans…), Andrée-Anne Guénette et Katleen Busque, Éditions La Semaine, 2018
Première phrase: «D’abord, ce que ce livre n’est pas: 1. Un guide autoritaire qui prétend vous enseigner quoi faire, quoi dire et qui être pour trouver l’âme sœur»
Mon appréciation: Bienvenue en 2018. Une époque où de plus en plus de célibataires peaufinent l’art de la rencontre virtuelle. Besoin d’un guide pour (re)trouver l’amour au temps de Tinder? En voici un, truffé d’autodérision. Amies de longue date, Andrée-Anne Guénette et Katleen Busque racontent avec humour et sincérité les hauts et les bas de leurs expériences de dating. Elles parlent sans tabou de cette ère où pleuvent les applications conçues pour trouver l’âme sœur. Mais surtout, elles partagent leurs trucs pour faire le grand saut dans cet univers numérique. À travers les anecdotes et les conseils, c’est de relations humaines qu’il est question finalement.
Un livre qui lève le voile sur le dating virtuel et accompagne la lectrice dans cette grande aventure humaine. (Paule Claveau)
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