Aussi occupée que l’urgentologue qu’elle campe dans Au secours de Béatrice
(de retour à TVA), Sophie Lorain a pourtant trouvé le temps de nous révéler ses choix de Sophie... littéraires.
Ma sœur avait la collection complète des Tintin de Hergé et j’ai lu cette bédé vers l’âge de sept ans. Mais c’était un peu trop vieux pour moi. Je ne comprenais pas tout et j’étais terrorisée. Ça parlait d’un pays que je ne connaissais pas, pendant la guerre sino-japonaise. Tintin était méconnaissable dans son habit chinois. On y décrivait l’impression que les Européens avaient de la Chine. Les dessins étaient rouge sang. Et il y avait ce personnage qui disait : « Je vais te couper la tête ! » C’était à la fois beau, mystérieux et épeurant. Le colonialisme de l’histoire, l’ascendant d’un peuple sur un autre, a néanmoins influencé mes choix de lecture par la suite.
Quand j’étais jeune, ma mère m’a beaucoup parlé de Gabrielle Roy, à qui elle vouait un grand respect. Cette écrivaine a été mon premier contact avec la culture québécoise et ma propre histoire, même si elle venait du Manitoba. Ce côté « né pour un petit pain », maladroit, notre espèce de réflexe de colonisés... Je pense à sa description du Montréal crasse pendant la guerre dans Bonheur d’occasion, par exemple. À ses parents invités au bal du gouverneur, mais qui, trop gênés, préfèrent regarder la fête par la fenêtre. Cette autobiographie m’a fait découvrir d’autres facettes de Gabrielle Roy. Elle s’adressait au Québec au complet.
J’ai lu ce roman de William Styron avant de voir le film. C’est son titre qui m’a interpellée. Le récit m’a jetée par terre : un jeune auteur qui arrive à New York est très sensible à ce qui se passe à côté de chez lui. C’est long avant que le choix de Sophie soit dévoilé... On ne devine pas la suite. Toute l’histoire est teintée des croyances religieuses et du background des personnages. Un livre profond et bouleversant. Un très grand roman.
Graham Greene, qui a été journaliste et a signé des récits de voyage ainsi que des romans, dont plusieurs ont été adaptés au cinéma, est un écrivain très spécial. C’est un romancier fin, intelligent, qui écrit sur la nature profonde de l’être humain. Ici, c’est l’histoire d’un banquier à la retraite un peu plate et conventionnel qui s’occupe de son jardin en banlieue de Londres. Un jour, il part avec sa tante. Ça m’a marquée, ado, car elle est complètement flyée et fume du pot. Avec elle, l’homme d’affaires se retrouve dans des pays où il n’aurait jamais mis les pieds. J’ai aimé la confrontation de leurs deux mondes.
Je me suis reconnue dans ce livre de la comtesse de Ségur, par mon prénom. Et parce que Sophie n’était pas une enfant impeccable. Différente des fillettes modèles, elle faisait des gaffes, préparait du thé avec l’eau du chien. Ça me rassurait de constater que le monde n’était pas parfait. Ça se situait à une autre époque, mais je comprenais le texte, ce qu’on attendait des filles, soit la perfection et une espèce de sagesse. Ça m’impressionnait de voir que Sophie y dérogeait. Elle avait un côté rebelle sans méchanceté. J’avais enfin une relation avec un personnage attachant !
Écoutez Sophie parler de cet auteur dont l'ensemble de son oeuvre figure au sixième rang de ses lectures incontournables en cliquant ici.
Inscrivez-vous aux infolettres de Châtelaine