RETOUR EN ARRIÈRE : au tout début de la pandémie de COVID-19, Clara perd son emploi de serveuse au moment même où elle commençait à apprivoiser la vie de célibataire, après une rupture. Elle est au début de la trentaine, l’époque de la vie où l’on commence à bien se connaître soi-même. Alors que d’autres sont prêts à fonder une famille, elle recommence à la case départ. Nouvel appartement, nouveau rythme de vie sans liens sociaux. Elle décide alors d’aller travailler dans un CHSLD du quartier Rosemont, à Montréal. Derrière sa visière, elle fait la connaissance de dizaines de patients encore plus seuls qu’elle. Au fil du temps, les couches de protection disparaissent, au rythme de sa propre reconstruction. Elle s’inscrit sur des applications de rencontres dans l’espoir de briser sa solitude et repousse les avances déplacées d’un collègue marié. Une autre vague frappe, puis un confinement est imposé. Les conditions de travail déjà difficiles se détériorent. Clara fait des quarts de travail doubles et fait tout ce qui est en son pouvoir pour répondre aux besoins des patients qu’elle a appris à aimer. Avec sa plume sobre et poétique, l’écrivaine humanise ceux qu’on a surnommés « les anges gardiens » ainsi que les patients dont ils s’occupent chaque jour. Si certains passages arrachent des larmes, ils sont souvent suivis d’une lueur d’espoir : une caresse ou une phrase bien sentie qui insuffle une vitalité nouvelle.
Ce premier roman s’est imposé comme une évidence, au fil du temps et des rencontres que Clara Grande a faites dans le CHSLD où elle travaillait. « Il y a quelque chose d’extrêmement vivant et sincère dans la vieillesse, dit-elle. Il n’y a plus de game, plus de faux semblants. Souvent, on voit ça comme quelque chose de drabe. C’est d’ailleurs ce que l’environnement des CHSLD reflète. Oui, le rythme y est lent, mais il y a de la vie et c’est ce que j’ai voulu montrer: la beauté de cette intensité dans la lenteur, dans les petites choses, qui sont en fait immenses.» C’est mission accomplie pour l’autrice de ce premier roman qui nous fait réfléchir au culte de la jeunesse tout en revalorisant la vieillesse.
L’écrivaine née à Montréal en 1989 est partie étudier les arts en Allemagne à l’âge de 17 ans. Elle a ensuite été attirée par le théâtre et a poursuivi sa formation dans le sud de la France avant de revenir dans sa ville natale, où elle s’est lancée dans le théâtre acrobatique. Mais le besoin d’être sur scène a fini par s’éteindre. « Ce sont les histoires qui sont restées », dit-elle. Aujourd’hui diplômée en scénarisation et création littéraire, Clara Grande enseigne le français aux nouveaux arrivants. Son parcours atypique s’est construit sans plan, au fil de ses envies, tout comme ce livre.
Un jardin l’hiver, de Clara Grande, Cheval d’août Éditeur, 168 pages. En librairie.
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