Culture

Les plus célèbres controverses des Oscars

Le 26 février, lors de la 89e cérémonie des Oscars, certaines stars profiteront sans doute de cette formidable tribune pour se prononcer sur les décisions du nouveau président américain, Donald Trump. Elles ne seront pas les premières à créer la polémique. Tour d’horizon des controverses qui ont jalonné son histoire depuis 1929.

Décrier le manque de diversité

Le mot-clic #OscarsSoWhite a été créé en 2015 par l’activiste April Reign. Mais, en 2016, l’actrice Jada Pinkett-Smith et le réalisateur Spike Lee le remettent de l’avant. La raison ? Pour la deuxième année consécutive, sur les 20 acteurs et actrices nommés dans les catégories principales (meilleur acteur, meilleure actrice, meilleur acteur dans un rôle de soutien, meilleure actrice dans un rôle de soutien), on ne compte aucune personne de couleur.

Pire encore, si on ajoute les réalisateurs, il n’y a que le Mexicain Alejandro González Iñárritu qui n’est pas Blanc. Pour beaucoup, ce n’est pas une surprise puisque l’Académie est blanche à plus de 90 % (et les membres votants sont composés de 70 % d’hommes). La présidente Cheryl Boone Isaacs, une femme noire, a promis de changer les choses dans les prochaines années et de faire élire des femmes et des personnes de couleur.

Revendiquer l’égalité des sexes

Après avoir remercié l’Académie, l’équipe du film, sa famille, et ses amis, l’actrice Patricia Arquette y est allée en 2015 d’une charge sentie contre les inégalités salariales entre les hommes et les femmes.

« À toutes les femmes qui ont donné naissance, à tous les contribuables et à tous les citoyens de ce pays, nous nous battons pour l’égalité des droits de chacun, et il est temps, pour nous les femmes, d’obtenir l’égalité des salaires et des droits aux États-Unis. »

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La comédienne, qui venait d’être sacrée meilleure actrice dans un second rôle pour sa brillante performance dans Boyhood (Richard Linklater), en a surpris plus d’un. On l’a même traitée de féministe. Meryl Streep, finaliste dans la même catégorie, s’est levée d’emblée pour appuyer la gagnante.

Défendre les droits des homosexuels et le droit à la différence

Deux moments ont marqué la lutte pour la reconnaissance des droits des homosexuels aux Oscar. En 2009, l’acteur Sean Penn, qui vient de remporter la statuette dans la catégorie Meilleur acteur pour sa formidable prestation dans Milk, demande avec une éloquence remarquée la légalisation du mariage entre conjoints de même sexe, six ans avant qu’elle advienne enfin.

En 2015, le scénariste Graham Moore, reçoit l’Oscar de la meilleure adaptation pour Le jeu de l’imitation (Morten Tyldum). Dans son discours de remerciement, il exhorte les jeunes à ne pas sombrer dans la dépression s’ils se sentent différents des autres : Stay weird. Stay different. And when it’s your time on this stage, pass the message along.  (« Soyez bizarres. Soyez différents. Et quand ce sera votre tour sur cette scène, passez le message. »).

Dénoncer la guerre en Irak

En 2003, la cérémonie des Oscar opte pour la sobriété. Les vedettes ne foulent pas le célèbre tapis rouge et, à la place de paillettes et de diamants, on demande aux invités de porter du noir. On voit même certaines célébrités arborer des signes pacifistes. C’est que l’intervention militaire en Irak a débuté quelques jours plus tôt. Les discours sont restreints à 45 secondes et plusieurs stars prennent la parole pour dénoncer cette « invasion » qu’ils jugent injustifiée.

Michael Moore remporte le prix du meilleur documentaire pour Bowling for Columbine (brûlot contre les armes à feu) et ne rate pas l’occasion de critiquer les décisions de George W. Bush. Pendant qu’à l’extérieur du théâtre, opposants et partisans de la guerre en Irak s’affrontent, Michael Moore accuse le président de mener une « guerre fictive ». Les encouragements se mêlent aux huées alors que l’on presse le réalisateur de quitter la scène.

Lors de la même soirée, la foule ovationne debout Roman Polanski (absent de la cérémonie car toujours poursuivi par la justice américaine pour le viol présumé d’une mineure en 1977), récompensé pour Le pianiste. Adrien Brody, star du film et gagnant du prix du meilleur acteur, cause la surprise dans l’auditoire et chez Halle Berry, chargée de lui remettre la statuette dorée, en lui collant un baiser aussi impétueux qu’imprévu.

Diriger les projecteurs sur Haïti et le Tibet

En 1993, deux causes sont portées sur le devant de la scène au Dorothy Chandler Pavilion. Alors qu’ils présentent les artisans sélectionnés pour le prix du meilleur montage, les acteurs Susan Sarandon et Tim Robbins profitent du feu des projecteurs pour parler du sort de quelque 260 Haïtiens détenus à la prison de Guantanamo, à Cuba. « Avoir le sida n’est pas un crime », dit Susan Sarandon, qui réclame leur libération et leur accueil aux États-Unis.

Le même soir, Richard Gere s’adresse au président chinois pour lui demander de réfléchir aux droits de la personne, tant en Chine qu’au Tibet. L’acteur demande également à la puissance chinoise de retirer ses troupes du pays et de laisser les Tibétains vivre en paix.

Défendre la cause des Palestiniens

L’actrice Vanessa Redgrave est une femme engagée. En 1977, elle apparaît dans le documentaire The Palestinian (Roy Battersby), qu’elle a également produit. Elle est par ailleurs connue pour son militantisme d’extrême gauche – dans les années 1970, elle a entre autres contribué avec son frère au financement d’un parti trotskiste. En 1978, elle obtient l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle pour son interprétation d’une militante antinazie dans le film Julia (Fred Zinnemann).

Lorsqu’elle reçoit le prix des mains d’un tout jeune John Travolta, son discours est à la hauteur de son engagement. Elle dénonce « l’intimidation et les menaces d’un petit groupe de truands sionistes, dont le comportement est une insulte aux Juifs du monde entier et à leurs grands et héroïques combats contre le fascisme et l’oppression ». Au même moment, des militants de la Ligue de défense juive brûlent des photos d’elle devant le théâtre où a lieu la cérémonie.

Donner une voix aux Indiens

Afin de protester contre le sort réservé aux Indiens, Marlon Brando, qui doit recevoir l’Oscar du meilleur acteur en 1973, envoie une jeune militante apache refuser le prix en son nom. Sacheen Littlefeather monte alors sur scène en tenue traditionnelle devant un Roger Moore et une Liv Ullman médusés :

« Je représente Marlon Brando ce soir et il m’a demandé de vous informer… qu’il regrette, mais qu’il ne peut accepter ce prix très généreux. Les raisons de ce refus sont le traitement des Indiens d’Amérique par l’industrie cinématographique. »

Le comédien, qui venait de faire un retour triomphal dans Le parrain — Don Corleone, c’est lui —, est devenu par ce geste la cible de nombreuses critiques du milieu du cinéma. À compter de cette année-là, il a été interdit d’envoyer quelqu’un chercher un prix à sa place.

Réclamer la fin de la guerre du Vietnam

En 1972, Jane Fonda remporte l’Oscar de la meilleure interprète féminine pour son rôle dans Klute (Alan J. Pakula). L’actrice milite depuis plusieurs années contre la guerre du Vietnam. Ainsi, quand elle monte sur scène, le public s’attend à ce qu’elle dise quelques mots sur la cause chère à son cœur. Elle ne dit rien. Ses remerciements sont brefs et polis, sans allusions à l’implication américaine au Vietnam.

C’est plus tard, devant la presse, qu’elle se montre plus loquace : « Alors que nous sommes réunis ici pour récompenser le milieu du cinéma avec des prix importants, des meurtres sont commis en notre nom en Indochine. » Elle ajoute que cette guerre a assez duré, et qu’elle croit que la plupart des Américains veulent, comme elle, que ce conflit se termine le plus rapidement possible. Trois mois plus tard, une photo d’elle assise sur un canon au milieu de soldats vietnamiens lui attirera les foudres de la classe politique américaine et son surnom de « Hanoi Jane ».

 Être honoré par l’Académie

La chasse au communisme a laissé de profondes cicatrices dans le paysage artistique américain. Dans le cadre de la Commission de la Chambre des représentants sur les activités antiaméricaines (House Committee on Un-American Activities), en 1952, le réalisateur Elia Kazan (Un tramway nommé Désir, À l’est d’Éden) dénonce des membres du parti communiste, ce qui lui vaut d’être boudé par les membres de la communauté cinématographique.

Quand l’Académie décide de lui décerner un Oscar hommage en 1999, des protestations se font entendre dans le milieu. Le soir de la remise du prix, plus de 500 personnes manifestent bruyamment leur désaccord devant les portes du théâtre. À l’intérieur, des personnalités appuient l’hommage, d’autres applaudissent froidement et plusieurs restent assises en signe de contestation. Les blessures ne sont pas tout à fait guéries, malgré les 40 années qui se sont écoulées.

Incarner la ségrégation 

Gone With The Wind (1939) - Vivien Leigh & Hattie McDaniel (https://www.flickr.com/photos/39527581@N07/15385801366)

Vivien Leigh et Hattie McDaniel dans Autant en emporte le vent

En 1940, la ségrégation raciale est pratique courante aux États-Unis, y compris pour les actrices acclamées. Autant en emporte le vent connaît cette année-là un immense succès populaire. Le film de Victor Fleming reçoit huit Oscar, dont celui du meilleur film, du meilleur réalisateur, de la meilleure actrice, pour Vivien Leigh, et de la meilleure actrice dans un second rôle, pour Hattie McDaniel, l’inoubliable nounou.

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C’est une première pour une interprète noire, mais la société n’est pas aussi évoluée que l’Académie. Hattie McDaniel ne peut même pas assister à la première du film, car on lui interdit l’accès au Loew’s Grand Theater d’Atlanta. L’attribution des Oscar a lieu quelques mois plus tard dans un restaurant de Los Angeles, le Coconut Grove, et on y fait une exception pour recevoir l’actrice, à condition qu’elle reste assise à une table en retrait de la foule. Quelle honte !

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