Notre voyage en Grèce s’est déroulé pendant les jours cruciaux entourant le référendum au cours duquel le premier ministre Tsipras a demandé au peuple de rejeter les réformes proposées par les créanciers. Les banques étaient fermées, les retraits limités à 60 euros par jour pour les résidants (mais illimités pour les étrangers) et les files devant les guichets automatiques s’éternisaient. Le plus grand inconvénient que nous avons dû subir? Attendre une dizaine de minutes devant un distributeur pour faire un retrait à notre tour. On a déjà vu pire! Si, à Athènes, les manifestations se sont parfois muées en émeutes pendant cette période, il régnait un calme plat dans les îles. Le seul moyen de savoir qu’un désastre économique se pointait à l’horizon était d’en parler avec les gens. Alors et seulement alors, on sentait poindre leur angoisse, leur colère ou… leur sens de l’autodérision. « Vous pensez que la crise change quoi que ce soit pour nous? m’a lancé un serveur de café. Même avant la fermeture des banques, personne ne pouvait se permettre de retirer plus de 60 euros par jour! Franchement, on ne voit pas la différence… » Aujourd’hui, la situation semble être sous contrôle, et les scénarios catastrophes ressemblent de plus en plus à de la science-fiction. Heureusement.
Sur cette photo: Un café dans la ville de Chania en Crète. Lors de notre passage en Grèce, il y avait de la place dans tous les restaurants et presque tous les hôtels, beaucoup de touristes ayant annulé leur séjour par crainte de la crise.
L’été, la Méditerranée est bondée, chaotique, trop chère. Et personnellement, j’ai souvent eu affaire à des serveurs ou à des chauffeurs bourrus ou impolis, qui faisaient l’erreur de « mal compter » ma monnaie. Hum… Mais, en Grèce, j’ai découvert une Europe différente. D’abord, presque tout le monde y parle anglais, quand ce n’est pas français ou allemand en plus. Et puis, les Grecs sont hospitaliers. Dans les petits villages, il n’est pas rare que le propriétaire d’un restaurant parte en courant chercher l’ingrédient qui manque, si on en a demandé. Ça, c’est sans compter qu’on nous a souvent sorti du pain et des mezzes pour accompagner un simple café (à 2,50 euros)… et que ces « extras » ne sont jamais apparus sur notre facture. Dans tous les restaurants, l’addition nous a été présentée avec des verres de raki (une eau-de vie) et un dessert offerts par la maison. Dans un pays qui reçoit plus de 17 millions de visiteurs par année (sur 11 millions d’habitants!), cette générosité a de quoi étonner!
Sur cette photo: Une abondance de poissons et fruits de mer prêts à être grillés en brochettes, dans une taverne au bord de la mer à Santorini.
Dans les îles, des pieuvres sèchent au soleil devant les restaurants. Le soir, on les sert grillées, souvent accompagnées d’une salade grecque et de frites maison croustillantes. Il y a aussi les plats d’aubergine fondue au four, nappée de sauce tomate et d’un fromage blanc local; les poissons entiers, qu’on choisit soi-même parmi les prises du jour; les moussakas (aubergine, viande, fromage et sauce béchamel); les souvlakis juteux faits sur le gril… Et c’est sans compter la cuisine de rue : partout où l’on se tourne, on découvre des gyros pour emporter à 2,50 euros , des spanakopita ou des tyropita (pâtes phyllo farcies de fromage ou épinards) à 1,80 euros, ou des bretzels chauds à 50 centimes. Le soir, si on évite les endroits plus chers comme Santorini ou Mykonos, on mange comme des rois pour une trentaine d’euros (à deux, avec alcool). Et même dans les restos les moins prometteurs – dans le port, en attendant le ferry, par exemple – on peut être sûr d’une chose : la salade grecque, avec ses tomates sucrées, ses concombres fermes, ses oignons doux et ses épaisses tranches de feta (ici, on ne lésine surtout pas sur la feta), sera à se lécher les doigts.
Sur cette photo: Des pieuvres fraîchement pêchées sèchent devant un restaurant à Parikia, sur l’île de Paros.
Eau bleue ou turquoise? Des vagues ou le calme plat? Une crique semi déserte ou une grève de sable avec wi-fi? En Grèce, on a le choix. Nous avons adoré les plages presque désertes et intouchées de l’île de Naxos: la mer, dont la route épouse les courbes sinueuses, forme tantôt des bassins d’eau calme prise entre deux grands rochers, tantôt une vaste étendue houleuse bordée de sable blond et ourlée de restaurants. Sur la plage d’Agia Anna, on a observé un coucher de soleil magnifique, assis à des tables plantées dans le sable. Et près de Kastraki, tout près du parc national Alyko Dimou Naxou, on a découvert des grands rochers plats trempant dans une eau cristalline, parfaits pour la bronzette.
Sur cette photo: Une crique presque privée, comme il y en a mille le long de la route à Naxos.
Sur l’île de Paros, on a passé un après-midi à déambuler dans les ruelles piétonnières de Lefkès, autrefois capitale de l’île, aujourd’hui petite bourgade isolée plongée dans une atmosphère somnolente. Murs badigeonnés de blanc, ruelles construites en terrasses, maisonnettes envahies de bougainvillées, portes et volets peints en bleus… On se serait cru dans une carte postale. À Naxos, on a découvert la minuscule Halki, dotée d’une seule rue principale entourée de galeries, de cafés, de boutiques touristiques et d’une distillerie qui produit une liqueur locale à base d’un citron vert, le kitron. Mais notre vrai coup de cœur est allé à Apiranthos, village construit au pied du mont Fanari qui nous a semblé hors du temps. Les tavernes nichées le long des ruelles en pente offrent des vues vertigineuses sur les collines environnantes. Les habitants y parlent un dialecte local et ont la réputation d’un peuple fier, politisé et farouchement attaché à ses traditions. On s’est promis d’y retourner.
Sur cette photo: Le village de Lefkès, très traditionnel avec ses maisons blanches et ses portes et volets peints en bleu.
Oui, l’île de Santorini ressemble en tous points à ses portraits dans les guides touristiques. Avec ses maisons troglodytes creusées dans le roc rouge, ses terrasses en escaliers suspendues au-dessus de la mer, ses piscines à débordement et ses mille et un cafés offrant une vue imprenable sur la grande bleue, elle en jette. Mais elle est aussi extrêmement touristique et souvent transformée en un simple fond pour selfies par les innombrables visiteurs (ne devrait-on pas imposer une taxe sur les selfie sticks?). N’empêche, le spectacle du soleil couchant à Oia ou à Fira – ce moment où il enflamme les façades blanches des maisons – vaut à lui seul le déplacement. Sans compter qu’il faut absolument monter à bord d’un des « taxis » de Fira ou d’Oia : il s’agit d’ânes, qu’on emprunte moyennant 5 euros pour éviter de gravir les quelque 300 marches reliant le port de ces villes à leur centre. Décoiffant!
Sur cette photo: Coucher de soleil sur la ville de Fira, à Santorini.
À Athènes, avant même de se rendre jusqu’à l’Acropole, nous nous sommes arrêtés pour admirer les ruines exhumées à tous les coins de rue, ou presque : il suffit de se pencher pour observer tantôt un cimetière ancien, tantôt des ruelles datant de la Grèce antique, découvertes pendant des travaux d’excavation quelconques. Mais Athènes ne détient pas le monopole sur l’histoire; à Santorini, le site d’Akrotiri recouvre une ville datant de plus de 3500 ans, enfouie sous une éruption volcanique. Impressionnant de constater le degré de civilisation déjà présent à cette époque : les maisons étaient souvent décorées d’œuvres d’art et comportaient à l’étage des salles de bains reliées à un système d’égout. En Crète, le site archéologique de Cnossos mérite lui aussi le détour, même si les rénovations entreprises par le Britannique Arthur Evans au début du 20e siècle sont fortement controversées aujourd’hui (il s’est permis des reconstructions ma foi fort libres). Reste un vaste ensemble de bâtiments construits autour d’un palais, témoins du raffinement de la civilisation minoenne à une époque aussi lointaine que le 3e millénaire avant Jésus-Christ.
Sur cette photo: Vue à partir des hauteurs de la vieille ville de Parikia, à Paros.
La Grèce ne se résume pas à ses ruines. Le soir, les cafés et les bars de la capitale se déversent dans les rues. À Pláka, un quartier vibrant et bondé d’Athènes, des bars à cocktails chics et des cafés joliment vintage sont au coude à coude; la nuit, des concerts improvisés ont lieu dans les ruelles. À Exarchia, nous avons découvert un coin bohème et contestataire aux murs couverts de graffitis, envahi de jeunes au style alternatif (la Plateia Exarhion, un petit square au centre du quartier, était remplie à craquer de monde le samedi où on y est allés). La modernité se goûte aussi dans l’assiette : à Yiantès, une élégante taverne du coin installée tout près de l’un des plus vieux cinémas en plein air d’Athènes (le Riviera), nous avons dégusté une salade de roquette, de poire marinée et de fromage et un plat de pieuvre braisée faits avec des ingrédients bios et locaux, qui tranchaient avec les plats grecs traditionnels. La tradition en prend d’ailleurs pour son rhume au tout nouveau musée de la Gastronomie grecque, à Athènes, qui organise des expos comestibles autour de thèmes comme #TheReflectionOfThePlate (jusqu’au 30 septembre 2015), une réflexion autour de la bouffe et des réseaux sociaux.
Sur cette photo: La ruelle de Pittaki, en plein centre d’Athènes, était abandonnée jusqu’à ce que deux organismes locaux, Imagine the City et Beforelight, aient l’idée de mobiliser les gens de la communauté pour la transformer. Ces derniers ont fait don de leurs lampes usagées, qui ont ensuite été suspendues pour illuminer la ruelle. Bel exemple de revitalisation!
Dans la mythologie grecque, on raconte que Zeus, puis son fils Minos seraient nés en Crète. Pas étonnant que la plus grande des îles grecques, située aux confins de l’Europe et de l’Orient, ait été le berceau des dieux : entre les montagnes, les oliveraies, les vertigineuses gorges de Samaria et les plages de sable fin, la Crète est époustouflante, et pas aussi fréquentée qu’on le croirait. Sa ville la plus intéressante, Chania (ou La Canée), porte encore les traces des nombreuses civilisations qui l’ont occupée : elle est passée du règne romain à l’empire byzantin, a été occupée par la dynastie arabo-musulmane puis est devenue vénitienne. Ce n’est qu’en 1913 que la Crète a été rattachée à la Grèce, ce qui explique qu’elle ait gardé une personnalité et une culture entièrement distinctes. Son régime est célèbre : on cultive sur l’île énormément de légumes (tomates, concombres, aubergines, artichauts, etc.), de fines herbes (la dictame pousse naturellement ici, mais il y a aussi l’origan, la sauge et le romarin) et d’olives. On en a goûté un échantillon au restaurant Peskesi, situé à Heraklion, la capitale. Cet établissement contemporain et chaleureux revisite la cuisine traditionnelle crétoise en utilisant des ingrédients locaux et des variétés de plantes indigènes, dont beaucoup proviennent de sa propre ferme. Dé-li-cieux.
Sur cette photo: L’architecture de Chania, en Crète, témoigne des différents régimes qui se sont succédé dans la région.
Le tourisme représente 18% du PIB de la Grèce et emploie plus de 900 000 personnes, soit 1/5 de la main-d’œuvre du pays. Lorsque nous y étions, pourtant, il y avait de la place dans tous les hôtels, et les vols étaient à moitié pleins. Beaucoup de touristes avaient annulé leur séjour à cause de l’instabilité économique, nous a-t-on dit. Évident mais quand même vrai : le meilleur moyen de soutenir ce pays en temps de crise, c’est d’y aller. En profitant d’un voyage incroyable au passage…
Sur cette photo: Une poissonnerie à Chania, en Crète.
Il vaut mieux planifier son voyage juste avant ou après la haute saison touristique en Grèce (soit août et septembre), alors que la plupart des Européens sont en vacances. On profitera alors de plus de disponibilité et de meilleurs prix. Inutile de louer des chambres à l’avance (surtout si on voyage à l’extérieur de la haute saison) : on peut les réserver la veille grâce à des sites comme Skyscanner, Hotels, Trivago, Booking, etc. Et le jour même, les propriétaires de pensions et d’hôtels viennent accueillir les visiteurs à leur descente de ferry pour leur proposer des chambres. Par contre, il faut penser à dresser son itinéraire à l’avance et à décider quelles îles on veut visiter : certaines sont connectées entre elles par voie maritime, d’autres non. Pour se déplacer d’île en île, le mieux est de prendre des ferrys. Les horaires sont fiables et les départs, nombreux. Pour revenir à Athènes d’une île éloignée à la fin d’un séjour, il peut être plus pratique de prendre un avion local qu’un ferry; la compagnie Aegean Airlines offre de bons prix. Attention: il faut payer un extra pour tous les bagages enregistrés. Il faut prévoir de l’argent comptant, car rares sont les établissement (hormis les hôtels) qui acceptent les cartes de crédit ou de débit.
Sur cette photo: Des chats errants dans le village de Halki, à Naxos. Partout, en Grèce (à Athènes comme sur les îles), les chiens et les chats errants se promènent librement en ville et dorment à l’ombre des cafés. Les locaux leur laissent parfois des bols d’eau ou de nourriture remplis.
La preuve qu'en Grèce, la tradition côtoie la modernité...
Des bougainvillées poussent un peu partout, au détour des rues.
Vue sur la ville à partir des hauteurs de la vieille ville de Parikia, à Paros.
Un café dans la minuscule Halki, à Naxos.
Une eau cristalline sur l'île de Naxos.
Une taverne de bord de mer a planté ses tables dans le sable, pour offrir aux clients une vue parfaite sur le soleil couchant.
Inscrivez-vous aux infolettres de Châtelaine
ABONNEZ-VOUS À CHÂTELAINE
Joignez-vous à notre communauté pour célébrer la riche histoire du magazine Châtelaine, qui souligne ses 65 ans en 2025. Au programme : de nouvelles chroniques, une couverture culturelle élargie, des reportages passionnants et des hommages touchants aux femmes inspirantes qui ont eu une influence positive et durable sur notre société.