Voyages et escapades

Exquise Bourgogne

En pays bourguignon, pas besoin d’être experte en vin pour se régaler ! La table et l’hospitalité y sont aussi délectables que les grands crus.

Lundi de Pentecôte. Le cœur de la Bourgogne bat au ralenti : c’est jour férié. À Nitry, près de Chablis, rien ne bouge. Sur la terrasse de La Beursaudière, l’adorable auberge où loge notre petit groupe (quatre journalistes et une photographe), le silence règne. Moment parfait pour évacuer le stress du voyage. Le premier verre de chablis fera le reste… Je me sens gagnée par la fameuse lenteur bourguignonne, celle qui fait qu’on attend avec sérénité que la pluie daigne arroser les vignes, que le soleil mûrisse le raisin et que le vin vieillisse lentement dans les barriques. C’est ici le point de départ de notre virée gastronomique. Déjà, avec l’apéro, on nous sert des gougères, des bouchées de pâte à chou au fromage. Je goûterai également des beursaudes, de petits carrés croquants cousins de nos oreilles de crisse – panne de porc cuite et pressée… Vite, un kir pour noyer ma culpabilité ! Comme les beursaudes, le kir est typiquement bourguignon. On le prépare avec deux produits régionaux : bourgogne aligoté et crème de cassis de Dijon. Kir royal ? On remplace l’aligoté par du crémant de Bourgogne, bien meilleur que le champagne, foi de Bourguignons !

Les douceurs de Chablis

Mardi. C’est en deux-chevaux Citroën que nous sillonnons les vignobles du Chablisien. La visite est instructive. J’apprends que plus de 60 % des vins produits ici sont des blancs. Et que les grands crus, premiers crus et autres appellations inscrites sur l’étiquette des bouteilles désignent d’abord des parcelles de terre.

Entre ses vignes, qui s’étendent à perte de vue sur le flanc des coteaux, Nathalie Fèvre nous propose quatre des vins qu’elle produit. Je m’initie en apprenant à « grumer » : on prend une gorgée de vin, on laisse entrer un filet d’air par la bouche et on fait rouler le liquide. On émet ainsi un son peu élégant que ma mère aurait interdit à table ! Après avoir tourné sa gorgée dans la bouche, en principe, on recrache le vin. En Bourguignonne rompue à cet usage, Nathalie renvoie un jet net et poli vers la cuvette en inox. Moi, je n’ai absolument pas envie de recracher le grand cru de Nathalie Fèvre. J’en aurais des regrets toute ma vie !

Il est 11 h, nous redescendons vers Chablis. Aussi petite que célèbre, la ville compte 3 000 habitants, dont une quantité phénoménale de marchands de tonneaux et de verres, de négociants, d’exportateurs, de producteurs. Nous entrons au Laroche Wine Bar, un hôtel-restaurant branché installé dans un ancien moulin à grains. Trônant sur les tables, les seaux à glace translucides en forme de sac ont une classe folle. Mon assiette de légumes du jardinier a tant de style qu’au moment de l’attaquer, je ferme les yeux. Je ne veux pas voir se défaire ce splendide assemblage de radis, de rabioles et de carottes laquées. Je quitte le restaurant charmée. J’aurais bien rapporté un seau à glace. Il aurait fait fureur sur ma terrasse. Après-midi de promenade autour de Chablis. Dans le village d’Irancy, tout près de Saint-Bris-le-Vineux, de petites tables à nappe blanche sont disposées devant certaines maisons de vignerons, invitant à goûter leur production. J’entre chez les Colinot. La famille figure parmi la quarantaine de producteurs de ce village de 332 habitants. Non sans fierté, M. Colinot me propose son vin. Merveilleux ! Puis il me verse une bonne rasade de ratafia, une liqueur de cassis qui titre dans les 18 % d’alcool. Aussi forte qu’un solide calvados… Au sortir de chez lui, je plisse les yeux tant les collines d’Irancy m’éblouissent de soleil !

Précieux terroir

Mercredi. Direction Hautes-Côtes de Beaune. Nous contournons Dijon avant de traverser un chapelet de villages dont les noms se retrouvent sur autant de bonnes bouteilles : Meursault, Gevrey-Chambertin, Aloxe-Corton (il faut prononcer « à l’os »), Vougeot. Et Nuits-Saint-Georges, où, tous les cinq mètres, nous interpelle une enseigne de négociant, de cave ou de boutique de vins.

Nous rencontrons aujourd’hui Sacha Renard, formateur de l’École des vins de Bourgogne, dans un vignoble du village de Vosne-Romanée. Ce jour-là, les plantations sont prises d’assaut par une armée d’ouvriers, dos courbé. C’est que les vignes sont en fleurs et qu’il est temps de les élaguer de leurs grappes les moins robustes pour laisser de l’espace aux plus fortes.

Adossés à un « clos », un muret de pierres, nous dégustons avec Sacha trois vins que je ne me résous toujours pas à recracher. Pensez-y, le prix d’une seule de ces bouteilles équivaut à ce que je dépense en un mois pour du vin ! Je comprends mieux la valeur de ce que je goûte quand notre formateur explique combien la terre bourguignonne est précieuse. Elle vaut 1,5 million d’euros l’hectare et sa singularité s’étend jusqu’à la nappe phréatique, où s’abreuvent les racines des vignes. Elles-mêmes se transmettent de génération en génération, comme un trésor, et leur culture est rigoureusement réglementée : pas d’arrosage autre que la pluie, interdiction de transporter la terre d’une parcelle à une autre, aucun engrais ou quelque autre ajout visant à enrichir le sol. On laisse la nature faire son œuvre.

Au château de Corton André, Ludivine Griveau, maître de chais, se présente. Son travail ? Assurer la qualité des produits, en commençant par celle des raisins. Corton André achète ses fruits d’une centaine de producteurs. C’est avec eux que Ludivine fait affaire. À Puligny-Montrachet (prononcer mon-rachet), un village de 400 habitants, Julie Leflaive nous accueille au Domaine Olivier Leflaive. La jeune femme s’apprête à prendre le relais de son père à la tête de l’entreprise. Le Domaine ouvre ses portes aux amateurs de vin. Nous nous joignons à un groupe pour une visite commentée par Olivier Leflaive lui-même. Ce Bourguignon de 64 ans parle du vin en termes simples, avec amour et humour. Deux heures plus tard, nous voilà parfaitement instruits du processus de fabrication du vin.

 

Le soir venu, mon expérience de l’art de vivre bourguignon prend une tournure inoubliable. À deux coins de rue de chez Leflaive, nous nous attablons au Montrachet. Cadre exquis, menu de roi ! Jamais je n’oublierai les langoustines rôties, la côte de veau d’une parfaite délicatesse et les desserts, véritables œuvres d’art, qui couronnent cette belle soirée de printemps.

Plaisirs gourmands

Jeudi. Rien qu’à la perspective de passer l’avant-midi en compagnie du chef Thomas Lecourbe, qui offre un cours de cuisine au château Chassagne-Montrachet, je salive. Nous y préparons puis dégustons un menu complet. L’avantage de ce type de cours ? Apprendre à cuisiner des plats chics et faciles à apprêter en profitant des conseils du pro : comment manipuler les feuilles de brick sans les déchirer, cuire les magrets de canard uniformément, réussir un baluchon. À midi, je me contente d’une bouchée de chacun des mets. Heureusement, car nous passons une soirée ultra gourmande à l’élégante Hostellerie de Levernois, près de Beaune. Devant un filet de charolais mijoté au pinot noir, je tente de percer le secret des Bourguignonnes pour conserver leur taille fine – et la santé – en dépit d’une gastronomie si généreuse. « On ne mange pas comme ça tous les jours, quand même ! » répondent Nathalie Bergès-Boisset et Véronique Destaing, hôtesses de la maison Boisset. Cette maison produit des vins dans plusieurs villages de Bourgogne et possède de grandes sociétés comme Jaffelin, Bouchard Aîné et Fils et Mommessin.

L’accent de Bourgogne

Vendredi. Nous voici à la Table de Pierre Bourée, à Gevrey-Chambertin, en Côtes-de-Nuits. Nous partageons le repas du vigneron Jean-Christophe Vallet et de son père, Louis. Ce dernier, à 85 ans bien sonnés, a un bel accent bourguignon rappelant celui de Charlevoix. Il raconte que son oncle Pierre – dans la famille, tout le monde est vigneron – a baptisé l’une de ses parcelles le « Clos de la Justice » parce qu’on y pendait autrefois les brigands. Pendant ce temps, on nous apporte du jambon persillé (terrine à la gelée de persil), puis un authentique coq au vin. Dense et goûteuse, la volaille est presque rouge. Le bonheur avec un B majuscule. « Autrefois, on faisait le coq au chambertin mais, au prix où est le chambertin aujourd’hui, on préfère le vendre ou le boire ! » conclut Louis Vallet en rigolant.

Voir Beaune et… partir

Samedi. Notre séjour tire à sa fin. Nous sommes à Beaune, charmante ville fleurie de 22 000 habitants. C’est jour de marché. Une gourmandise pour les yeux : étals chargés de fromages – époisses crémeux comme on n’en voit jamais au Québec, brillat-savarin ou chaource à tomber par terre (à 50 % de matières grasses !) –, de miel, de jambon cru du Morvan, d’authentique moutarde de Dijon et des fameuses poules de Bresse, dont l’appellation est protégée « comme le bon vin », dit la marchande.

C’est le genre de produits que nous goûterons, le soir venu, à Ma Cuisine. Ce minuscule resto doit sa réputation à sa cave exceptionnelle. Coude à coude, nous nous régalons de pigeonneau grillé, de lapin à la moutarde, d’escargots et, bien sûr, de bœuf bourguignon, offerts par Pierre Escoffier (sans parenté avec le célèbre chef Auguste) et son épouse, Fabienne, des passionnés du terroir. Tandis que je goûte un magnifique Morey-Saint-Denis, que je peux maintenant « grumer » comme une pro, ou presque, Fabienne confirme ce qui sera sans doute pour moi la plus belle révélation du voyage : le meilleur vin du monde, c’est celui que l’on aime. Pas besoin de tout savoir de la question œnologique. Il suffit de se laisser séduire. Et la Bourgogne séduit, c’est indéniable.

Trois bons vins de Bourgogne à prix abordable

  • Un chablis qui égaiera les papilles par sa vive acidité et, en trame, sa minéralité racée. Chablis, Les champs royaux William Fèvre, 2008 (Code SAQ : 276436) 21,50 $.
  • Un rouge à découvrir. Ce vin élégant, gouleyant et séduisant est issu de vieilles vignes de pinot noir. Bourgogne, Pinot noir vieilles vignes Albert Bichot, 2007 (Code SAQ : 10667474) 17,35 $ .
  • Un cidre mousseux parfait pour accompagner les desserts avec une note de légèreté. Cidre mousseux gazéifié, Domaine Lafrance, 2008 (Code SAQ : 10994782) 14,95 $

Mariez ces vins à des plats typiques ! Le blanc accompagne la salade de crottin de Chavignol, le rouge, le bœuf bourguignon et le mousseux, la flamusse.

Par Jessica Harnois, sommelière des services Signature SAQ.

Recettes

Hébergement

Auberge-restaurant La Beursaudière
9, chemin de Ronde
89310 Nitry
beursaudiere.com
Tél. : (33) 03 86 33 69 69

Hostellerie de Levernois
Relais et Châteaux
Rue du Golf
21200 Levernois
levernois.com
Tél. : (33) 03 80 24 73 58

Hostellerie Le Cèdre
10-12, boul. Maréchal-Foch
21200 Beaune
lecedre-beaune.com
Tél. : (33) 03 80 24 01 01

Restauration

Anita et Jean-Pierre Colinot
89920 Irancy
earlcolinot@aol.com
Tél. : (33) 03 86 42 33 25

Laroche Wine Bar
18, rue de Moulins
89800 Chablis
larochehotel.fr
Tél. : (33) 03 86 42 47 30

La Table de Pierre Bourée
40, route de Beaune
21220 Gevrey-Chambertin
pierre-bouree-fils.com
Tél. : (33) 03 80 34 13 97

Restaurant le Conty
5, rue Ziem
21200 Beaune
leconty.fr
Tél. : (33) 03 80 22 63 94

Restaurant Le Montrachet
10, Place des Marronniers
21190 Puligny-Montrachet
Tél. : (33) 80 21 30 06

Restaurant Ma Cuisine
Passage Sainte-Hélène
21200 Beaune
Tél. : (33) 03 80 22 30 22

Vignobles, visites, cours, etc.

Au cœur du Vin (visite de vignoble en 2 CV)
1, rue Neuve du Prieuré
89800 Chichée
aucoeurduvin.com
Tél. : (33) 06 80 68 23 76

Château de Chassagne-Montrachet
5, rue du Château
21190 Chassagne-Montrachet
michelpicard.com
Tél. : (33) 03 80 21 98 57

Château de Corton André
21420 Aloxe Corton
pierre-andre.com
Tél. : (33) 03 80 26 44 25

Château du Clos de Vougeot
21640 Vougeot
tastevin-bourgogne.com
Tél. : (33) 03 80 62 86 09

Domaine de la Vougeraie
Rue de l’Église
21700 Premeaux-Prissey
domainedelavougeraie.com
Tél. : (33) 03 80 62 69 30

Domaine Nathalie et Gilles Fèvre
Route de Chablis
89800 Fontenay-près-Chablis
nathalieetgillesfevre.com
Tél. : (33) 03 86 18 94 47

Domaine Taupenot-Merme
33, route des Grands Crus
21220 Morey-Saint-Denis
Tél. : (33) 06 10 18 84 82

La Maison d’Olivier Leflaive
Place du Monument
21190 Puligny-Montrachet
maison-olivierleflaive.fr
Tél. : (33) 03 80 21 37 65

Les Hospices de Beaune
21203 Beaune
hospices-de-beaune.com
Tél. : (33) 03 80 24 44 54

TOMA – Chef Thomas Le Courbe
toma-cuisine.fr
Tél. : (33) 06 61 82 12 99

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