Voyages et escapades

Sainte-Lucie : l’île aux mille plaisirs

Moins connue que la Martinique et la Guadeloupe, ses voisines, Sainte-Lucie n’en est pas moins attrayante. Avec sa mer turquoise, ses volcans couverts de végétation, ses plages intimes, l’île invite au farniente. Bienvenue au paradis.

Cocoapuffs m’accueille sur la plage, le visage fendu d’un sourire étincelant. « Prêt pour une balade sur la Lune? » me lance-t-elle, moqueuse. Sans attendre la réponse, elle me débite les mesures de sécurité inhérentes au Sea Trek, la promenade inusitée à laquelle elle me convie. Puis, elle m’enserre la taille d’une ceinture de plomb et dépose sur mes épaules un genre de cloche de verre qui me donne l’air d’un poisson dans un aquarium. Elle m’intime de la suivre, ce que je fais, docile, m’enfonçant dans l’eau chaude et turquoise de la mer des Caraïbes.

À quelques mètres sous la surface, me voilà en état d’apesanteur, un peu comme les astronautes sur la Lune, naguère. Ainsi délesté de mon poids, chacun de mes pas devient léger. J’avance par petits bonds, les pieds tantôt dans le sable, tantôt sur un tapis d’algues vert fluo. Autour de moi, pas de vide cosmique, mais de petites bêtes étranges et colorées – hippocampes, calmars, poissons-lunes, poissons-papillons… – qui viennent voir quel animal se cache sous cet improbable scaphandre. Cocoapuffs – Corinne, de son vrai nom – m’avait convié à une promenade sur la Lune: promesse tenue.

Je suis à Pigeon Island, dans l’une des nombreuses criques de sable grège qui bordent la petite île de Sainte-Lucie. Pendant toute cette semaine passée au soleil, à cinq heures de vol au sud du Québec, mes journées seront composées presque exclusivement d’activités liées à l’eau. Comme les 1,2 million de touristes qui s’y rendent chaque année, je ne me ferai pas prier pour plonger dans l’onde salée à la moindre occasion.

Sainte-Lucie fait partie des minuscules États et dépendances qui forment l’archipel des Petites Antilles. Comme plusieurs de ses voisines, elle est d’origine volcanique. Les jumeaux Petit Piton et Gros Piton, volcans aux pentes abruptes qui émergent de la mer dans le sud de l’île, en sont des preuves manifestes. Ici, pas de longues plages de sable blanc qui s’étirent à l’infini. Plutôt de coquettes anses couvertes de sable gris – gracieuseté des volcans –, intimes traits d’union entre l’aqua de l’eau et le vert tendre des montagnes.

Poisson Ste-Lucie

La faune marine est spectaculaire autour de l’île. (Photo: Robert Harding/Reinhard Dirscherl)

Jouer dans la boue

«Demain, on part à 7 h, tu devrais te coucher tôt », me conseille Mélissa Chamberlain, gestionnaire des réseaux sociaux du complexe Stonefield. Elle a pour mission de me divertir pendant mon séjour à Soufrière, la plus grande ville du sud de l’île. C’est que le lendemain, je vais à Sulphur Springs prendre un bain de boue sur les flancs d’un volcan. L’idéal est d’arriver de bonne heure, avant les hordes de touristes qui y débarquent chaque jour par autocars entiers.

Acadienne d’origine, Mélissa rêvait d’épicer sa vie d’une pincée d’aventure. Elle a été servie. Sans la moindre hésitation, elle a tout quitté en 2017 pour suivre un bel Américain rencontré quelques semaines plus tôt, au hasard d’un voyage dans les Antilles. Installés sur un voilier, ils se promettaient de faire ensemble le tour des îles paradisiaques dispersées çà et là, au confluent de l’océan Atlantique et de la mer des Caraïbes.

Sauf qu’un vent défavorable s’est levé et a balayé l’amour naissant. L’esquif n’a finalement jamais quitté le port et le bel Américain s’est envolé. Mélissa, elle, s’est amarrée à Sainte-Lucie. Au moment de notre rencontre, elle y est depuis plus d’un an. «Je ne regrette rien, regarde où je vis!» s’exclame-t-elle, attablée au resto-terrasse du Stonefield, sous un manguier lourd de fruits. Droit devant nous, un soleil clémentine glisse peu à peu derrière l’horizon. Difficile de la contredire. Le lendemain matin, nous arrivons aux bains de boue aux aurores, mais bien après les gens du coin, déjà installés dans les bassins remplis d’une eau chaude, sombre et sulfureuse offerte par le volcan. Et peu importe si la boue grisâtre dont on se tartine le corps et l’eau dans laquelle on marine sentent les œufs pourris… On en ressort ragaillardi et la peau satinée. Une bonne douche aura tôt fait de faire disparaître ces relents fétides issus des entrailles de la terre.

Bains de boue - Sulphur Springs, Ste-Lucie

Les bains de boue de Sulphur Springs. (Photo: Office de tourisme de Ste-Lucie)

Massage nature

À quelques kilomètres de là, l’eau fraîche et limpide de la chute Toraille me fait de l’œil. On l’atteint après une promenade au cœur d’une forêt luxuriante et saturée d’humidité, en suivant un sentier bordé de grands hibiscus, de bougainvilliers en fleurs et d’autres plantes aux couleurs éclatantes. L’eau jaillit du haut d’un escarpement rocheux et s’abat 10 mètres plus bas dans un bouillonnement assourdissant. Par cette chaleur, c’est invitant. Toute résistance est vaine. J’enfile mon maillot et hop! je m’élance dans le bassin peu profond sculpté par les assauts de l’eau. Encouragé par Mélissa – qui me jure que c’est la chose à faire ici –, je m’approche de la chute et me laisse flotter, sur le ventre, jusque sous la colonne d’eau. Me voilà secoué sans pitié. Mais quel massage!

La chute Toraille, dans le sud de l’île.

Identité mixte

Sainte-Lucie a été une colonie française ou britannique en alternance jusqu’à son indépendance de la Grande-Bretagne en 1979. Cette dichotomie se voit et s’entend partout. La langue officielle a beau être l’anglais, la langue de la rue – le patois – marie l’anglais, le français et le créole. Le passé colonial français est d’ailleurs bien visible, notamment dans l’appellation des hameaux: Gros Islet, Soufrière, Jalousie, Fond Doux, Malgretoute, Savannes…

Même le nom de la capitale, Castries, qu’on prononce à l’anglaise, réfère à celui d’une famille de la noblesse française: de La Croix de Castries. Avec ses quelque 12 000 habitants, Castries est l’épicentre du tourisme de croisière. Les paquebots y déversent leurs milliers de passagers en plein centre-ville. Voilà qui donne une allure étrange aux bâtisses de briques colorées qui composent ce quartier: leur cour arrière semble occupée par des navires qui font, au bas mot, quatre fois la hauteur des maisons!

Castries, c’est aussi la porte d’entrée de l’opulent secteur Rodney Bay, où les tout-inclus de grand luxe se succèdent comme les perles d’un collier. Pour ma part, je débarque pour quelques jours au Royalton Saint Lucia, propriété de la canadienne Sunwing. Ici, l’animation ne manque pas. Le contraste avec le Jade Mountain – où j’ai dormi la veille, dans un « sanctuaire » sans murs (oui, oui!), avec salon, piscine privée et panoramas à se pâmer –, est presque violent. Au Royalton, du balcon de ma chambre, j’ai aussi une vue sur la merdes Caraïbes, mais surtout sur les nombreuses et vastes piscines. Des vacanciers extrêmement volontaires y rivalisent d’efforts pour se faire asperger par des giclées de mousse projetées par un canon, au son d’une musique disco tonitruante. Il n’y a pas à dire, on s’amuse ferme ici. Évidemment, ceux et celles que la mousse laisse de glace peuvent se prélasser sur la plage, gin (s) tonic (s) à la main, s’offrir un soin à l’impressionnant spa, aller sculpter leurs biceps au gymnase… Ou encore, pourquoi pas, partir à la découverte de Castries, capitale à l’histoire riche.

Marigot Bay, Ste-Lucie

Marigot Bay. (Photo: Getty Images/Wildroze)

Virée culturelle

La ville regorge d’attraits, dont le musée Derek Walcott, consacré à la vie et à l’œuvre de ce poète et dramaturge – et fierté nationale –, Nobel de littérature en 1992. La cathédrale de l’ImmaculéeConception vaut également une génuflexion. D’allure austère, elle ne séduit pas d’entrée de jeu. Mais dès qu’on y entre, on est soufflé par la folie qui se dégage des fresques saturées de couleurs qui couvrent murs et plafond. L’artiste Dunstan St. Omer, qui en est l’auteur, s’est inspiré de l’art caribéen et africain.

Envie de goûter aux spécialités du coin? Le Royalton, avec sa multitude de bars et restos, en foisonne. Mais un arrêt au Chef Robby’s Caribbean Pirates, au centre-ville de Castries, s’impose tout de même. On est loin – très loin – du raffinement de la table du Jade Mountain, à Soufrière, ou du Pink Plantation, sur les hauteurs de Castries, mais les assiettes sont généreuses, la bouffe, délicieuse, et le service, cordial et enjoué, à l’image de Robby, le proprio.

Le midi où j’y suis, il manque une serveuse. Qu’à cela ne tienne, un agent des douanes, en uniforme s’il vous plaît, offre spontanément un coup de main sitôt son repas avalé. Il faut voir le visage étonné des clients devant ce serveur inusité, chargé de plats de poisson, de soupes et de riz créole! C’est un ami du propriétaire, bien sûr…

Malgré son menu caribéen typique, ce resto très couru – merci aux croisiéristes en quête d’exotisme – ne me dépayse pas autant que le Pier 28, à Soufrière, où j’ai pris un verre quelques soirs auparavant. Installée en bord de mer, cette minuscule bicoque de bois à la peinture malmenée par les embruns accueille une clientèle locale. On y sirote une bière, assis sur l’un des rares bancs qui ceinturent le bar où Denzell, maître des lieux, règne sur ses sujets. Autour, au son d’une musique reggae et dans les volutes de cannabis, des jeunes dansent bière à la main.

Et c’est là, parmi les visages souriants des Saint-Luciens, que j’ai compris ce qui charme tant ici: la chaleur des gens et la douceur d’une vie de farniente, gorgée de soleil. Comme l’a fait Mélissa, j’y serais bien resté toute une année, moi aussi…

Les frais de ce voyage ont été assumés par l’office de tourisme de Sainte-Lucie, qui n’a eu aucun droit de regard sur le contenu du reportage. Le transport a été assumé par Air Canada.

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