Voyages et escapades

Une virée dans les vignobles de Californie

Rien de plus éblouissant que de découvrir des rouges, des blancs et des rosés là où ils sont conçus. Ce voyage dans les vallées de Napa et de Sonoma, en Californie, a été riche en belles trouvailles.

Photo: Getty Images / YinYang

Le matin est doux dans la vallée de Napa. Particulièrement pour une fille qui vient de quitter les froids polaires. Le jogging matinal, sans tuque ni mitaines, y est une bénédiction même en «saison froide».

Les rues de Yountville se dévoilent au rythme de mes foulées. Ici, le potager du restaurant The French Laundry – trois étoiles selon le Guide Michelin – prend des airs de jardin de givre. Le soleil californien aura tôt fait de lacérer cette délicate dentelle de cristaux de glace.

Quelques touristes paressent aux tables des restos de la rue Washington. D’autres se pressent pour un café et des croissants au Bouchon Bakery du grand chef Thomas Keller, aussi propriétaire du French Laundry. Heureusement, la vingtaine de bars de dégustation ne sont pas encore ouverts à cette heure matinale…

Partout flotte une tranquille joie de vivre. Comment pourrait-il en être autrement dans pareil décor? Les amandiers sont en fleur, et les citronniers comme les orangers ploient déjà sous le poids de leurs fruits mûrs. Des kilomètres de vignes ceinturent la municipalité de 3 000 habitants… Quel bon point de départ pour une virée dans les vignobles de Napa et de Sonoma!

La maison Robert Mondavi (Photo: Robert Mondavi)

La grande maison Robert Mondavi

Avec ses coteaux verdoyants, la vallée de Napa rappelle la Toscane. On s’y sent si loin de l’Amérique – à part les week-ends de l’été, quand afflue une flopée de touristes venus de San Francisco, à une heure de route.

Ce matin, cap sur le vignoble Robert Mondavi, à Oakville. On connaît les vins de la maison surtout pour sa gamme à bon prix Woodbridge. Ce qu’on ignore, c’est la tradition qui se cache derrière ce nom.

Quand il achète le plus vieux vignoble des environs en 1966, Robert Mondavi, un Américain de descendance italienne, aspire à créer non seulement des vins typiquement californiens, mais un terroir. «C’était un visionnaire», répète Inger Shiffler, éducatrice vinicole, en me faisant visiter le domaine.

Chaque fois qu’elle évoque l’ex-propriétaire, décédé à 94 ans en 2008, on sent toute son admiration pour ce pionnier qui a su allier le savoir-faire traditionnel à la technologie de pointe. Dès le départ, le vigneron ne cherche pas à imiter les Français et les Italiens avec leurs châteaux. «Il veut produire des vins qui reflètent l’histoire de la vallée de Napa», insiste-t-elle en souriant.

D’ailleurs, le porche, les chais et les caves que l’on aperçoit sur l’étiquette de plusieurs produits Robert Mondavi sont de style «Mission Revival», un style qui s’inspire de l’architecture des missions établies par les Espagnols en Californie, entre la fin du 18e siècle et le début du 19e. Les congrégations catholiques étaient très présentes dans cet État américain. Elles y ont laissé leurs marques: bâtiments peints en beige aux lignes simples, arches, colonnades, poutres de bois apparentes…

Robert Mondavi a gagné son pari. On reconnaît aujourd’hui la signature californienne de ses vins et de son vignoble. Chaque année, 126 000 touristes de partout dans le monde se succèdent dans la propriété au typique beffroi. Ce matin, comme des écoliers dissipés, des Chinois suivent à la hâte leur guide, qui s’exprime en mandarin. Ils se dirigent vers l’une des trois salles de dégustation ouvertes au public – une quatrième est réservée au club VIP de l’établissement.

J’ai l’impression de faire moi aussi l’école buissonnière. Il n’est pas encore midi que déjà je me promène avec un verre à la main.

Dans les chais de la maison Robert Mondavi. (Photo: robertharding.com / Ingo Schulz)

Fumé blanc ou cabernet-sauvignon?

Dans une pièce aux murs enduits de chaux et à l’ameublement de bois sombre, Inger m’invite à déguster une sélection en vente à la SAQ. Visiter un tel endroit ouvre à d’étonnantes découvertes. Moi qui déteste les nectars sucrés, je craque pour le Moscato d’Oro, un muscat bien équilibré, quoiqu’un tantinet liquoreux, qui évoque à la fois le miel, le cantaloup, la pêche. Idéal pour terminer un repas.

Mon coup de cœur va au Fumé Blanc Oakville. «Comment le trouvez-vous, ce blanc? Mais ne vous sentez pas obligés de le finir», lance Inger au groupe. Devant chaque place, des crachoirs sont alignés stratégiquement. Recracher? Désolée, celui-là, je le boirai jusqu’à la dernière goutte.

Fait intéressant, on doit ce sauvignon à Robert Mondavi lui-même. À la fin des années 1960, le sauvignon californien n’est qu’un blanc sucré sans subtilité. Le vigneron lui donne ses lettres de noblesse en s’inspirant du sancerre de la vallée de la Loire, en France, mais en travaillant la spécificité californienne. Il crée donc un vin avec une touche côte ouest, c’est-à-dire plus citronné et plus floral que le sauvignon français en raison du doux climat des alentours.

«J’adore ces vins… Depuis 20 ans, c’est toujours un privilège pour moi d’accompagner les touristes qui les découvrent en poussant des “Oh!” et des “Ah!”», ajoute la guide, qui se régale de mon enthousiasme.

La marque est reconnue pour ses cabernets-sauvignons, des rouges aux notes complexes dont les plus chers coûtent autour de 175 $ US. (En partenariat avec la société viticole Baron Philippe de Rothschild, la maison produit Opus One, un rouge haut de gamme, vendu à la SAQ au prix de 634,75 $.) Pour ces crus, les raisins sont cueillis à la main et déposés dans de grandes cuves en inox où, par gravité, le jus se sépare du fruit. L’extrait obtenu est ensuite mis dans des tonneaux de chêne où il se transformera en vin. Une installation unique au monde, au dire d’Inger Shiffler.

L’un de ces rouges, le Cabernet Sauvignon Oakville se révèle en bouche avec délicatesse – on y perçoit la cerise noire et la mûre. Il se compare à de grands bordeaux.

Tous ces nectars sont signés par la Franco-Américaine Geneviève Janssens. La vinificatrice prend soin de choisir le bon moment pour la cueillette du raisin. «Les vins conçus par Geneviève sont fins. Malheureusement, parce que nous ne sommes pas considérés comme un établissement-culte, on nous associe surtout à des vins d’entrée de gamme», déplore Inger.

Sa collègue Anne LeBlanc renchérit. «Les vins de Geneviève, ce n’est que de l’élégance! » s’exclame-t-elle. La Québécoise est arrivée à Napa avec une petite valise et une raquette de tennis. «Je devais rester ici une saison et j’y suis encore 17 ans plus tard. Quel endroit incroyable!» Chez Robert Mondavi, elle s’occupe des événements spéciaux, comme les concerts estivaux, les visites en vélo ou les cours de yoga dans le vignoble, l’une de ses initiatives qui connaissent un franc -succès.

L’idée me plaît bien: dérouler un tapis de yoga dans cet endroit bucolique… Il faudra donc revenir.

Le décor contemporain de la Prisoner Wine Company impressionne les visiteurs. (Photo: Prisoner Wine Company)

Photo: Johanne Lauzon

The Prisoner: des vins urbains branchés

Si les vins Robert Mondavi sont associés au terroir, ceux de la Prisoner Wine Company correspondent davantage à une faune urbaine branchée. Bien que géographiquement voisines, les deux maisons vinicoles sont à mille lieues l’une de l’autre. Pas de cadre champêtre ici. Plutôt une entrée digne d’un musée d’art contemporain.

À mon arrivée, on me glisse un rosé dans les mains. Je confesse y avoir à peine mouillé les lèvres malgré le mélange rafraîchissant de cépages du coin (Calistoga, Napa Valley et Carneros) qui le composait. La journée avance, et j’ai déjà trop bu, même si j’ai fait bon usage du crachoir.

Aux tables, autour de moi, de jeunes couples. On s’y arrête pour prendre un verre, ou deux, dans un décor mariant fer forgé, métal, béton, miroirs et bois noir. Ou pour déguster les produits proposés, 10 en tout, qui rivalisent de saveurs. Pour 125 $ US, on peut aussi s’offrir la totale: un repas accords vins et mets.

«On n’est ouvert que depuis quelques mois et on a déjà beaucoup de touristes locaux qui viennent», dit Logan Michaud, qui travaille depuis 12 ans chez Constellation, le groupe new-yorkais propriétaire de la Prisoner Wine Company et du vignoble Robert Mondavi. (Bien sûr qu’avec un nom comme le sien, je lui ai demandé s’il parlait français! Malheureusement, la langue de Vigneault s’est perdue quelque part entre deux générations après que son arrière-grand-père se fut installé aux États-Unis…)

Tout, ici, est pensé pour les urbains en quête d’expériences fortes. D’où ces produits audacieux aux étiquettes noires, pour la plupart, qui mettent en vedette des œuvres d’artistes. Le vin le plus vendu de la maison, The Prisoner, arbore sur sa bouteille un prisonnier enchaîné. Pour ma part, j’ai beaucoup apprécié le Saldo Zinfandel: tant le contenu que le contenant au lettrage imitant celui des estampeuses d’étiquettes qu’on utilisait jadis pour identifier les effets scolaires.

Aucune prétention dans cet espace magnifique. Est-ce cela, la coolitude à la californienne? «J’essaie le plus possible de défaire cette image bourgeoise associée au vin. On n’a pas besoin d’être éduqué et riche pour apprécier le vin», renchérit le jeune homme à la barbe bien soignée.

La Prisoner Wine Company n’a pas de vignes. L’entreprise crée ses nectars en achetant le raisin des producteurs des vallées de Napa et de Sonoma de même que de Mendocino, sur la côte du Pacifique. Quelques-unes de ses bouteilles se retrouvent à la SAQ, même si la production est en grande partie engloutie par les Californiens eux-mêmes.

Photo: Getty Images / NightAndDayImages

Ravenswood: rustique et convivial

Reprenons la route vers le sud-ouest pour rejoindre Sonoma et le vignoble Ravenswood. Ce dernier est reconnu pour ses zinfandels et… son logo formé d’un trio de corbeaux, devenu l’un des tatouages les plus populaires dans le monde. «Les jeunes tripent fort sur ce tatouage», dit d’entrée de jeu David Miles, l’un des éducateurs vinicoles de l’entreprise. Il faut dire qu’afficher le logo Ravenswood leur permet de boire gratuitement au vignoble…

Et qu’en est-il de son zinfandel? «C’est le meilleur en Californie!» précise David, les yeux rieurs. Je suis prête à le croire, mais ouvrons d’abord ces quatre bouteilles de zin, comme disent les gens par ici. Elles partagent une même intensité, des notes de cacao, de fruits rouges et d’épices, tels le poivre, la cannelle et la cardamome, chacune ayant néanmoins sa personnalité propre.

Ma préférée? Difficile de trancher. Une chose est sûre, j’accompagnerai maintenant des plats costauds, à base d’agneau par exemple, d’un Ravenswood Lodi Zinfandel 2016.

Dans les chais, le vin vieillit dans des barriques de chêne provenant de Bordeaux, en France. Au bout des rangées, la sélection est identifiée selon les producteurs de raisins – ici le vignoble Old Hill avec la photo du propriétaire, Otto Teller; là, la famille Teldeschi, originaire de la Toscane. Le raisin est ainsi acheté dans des parcelles précises qui figurent sur une carte que l’on peut consulter.

Convivial à souhait, le vignoble accueille plus de 20 000 visiteurs par an. «En saison, on peut marcher tout autour et goûter aux raisins», dit David, qui m’amène voir les vignes de l’autre côté de la route. Elles sont traitées selon des normes écologiques rigoureuses. Autour des plants, on laisse pousser 13 espèces de mauvaises herbes pour contrôler les insectes ravageurs et freiner l’érosion du sol. Et c’est sans compter la gestion de l’eau mise en œuvre afin de préserver une ressource précaire dans cet État souvent victime de sécheresses.

Faire du bon vin, c’est aussi l’art de prendre soin du raisin, des vignes… et de ce magnifique paysage façonné par des artisans et des artisanes passionnés.

Napa, Sonoma, Yountville…

Voici quelques adresses charmantes dans ces trois villes et villages du nord de la Californie.

  1. Compline, bar à vin, Napa
    Qu’est-ce qu’on fait à Napa en soirée après avoir visité des vignobles? On boit encore. Compline propose une carte impressionnante de bouteilles provenant de petits producteurs américains et étrangers. Les plats sont copieux, et l’équipe au service est super généreuse de son savoir vinicole.
  2. Oxbow Public Market, marché public, Napa
    Un marché pas très grand, mais plutôt dense. Des producteurs artisans (de fromages, d’alcools, de pains) y côtoient des restaurateurs. On veut goûter à tout! L’endroit idéal pour trouver des cadeaux gourmands.
  3. La Calenda, resto mexicain, Yountville
    Pas les moyens de s’offrir le French Laundry (à 325 $ US par personne)? On peut se rabattre sur les autres adresses du chef Thomas Keller à Yountville, dont le resto mexicain La Calenda. On accompagne tamales, tacos et enchiladas de cocktails.
  4. Williams-Sonoma, boutique, Sonoma
    Pour celles et ceux qui aiment fouiner chez Williams-Sonoma, un détour dans la ville s’impose. C’est là que la première enseigne a ouvert ses portes, en 1956. Le quincaillier Charles Williams a eu l’idée de vendre des ustensiles de cuisine européens après un voyage en France. Aujourd’hui, la bannière compte plus de 600 boutiques, surtout en Amérique du Nord.

Les frais de ce voyage ont été assumés par Vins Arterra Canada, propriétaire de vignobles et de distributeurs de vins au pays, qui n’a eu aucun droit de regard sur le contenu du reportage.

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