Blogue La course et la vie

Portrait d’un baptême du 21.1 km

Entrevue avec une coureuse qui a du cœur au ventre, et du front tout le tour de la tête, un kilomètre à la fois.

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Le 20 septembre prochain, Clothilde Richer sera sur le pont Jacques-Cartier pour prendre le départ de son tout premier demi-marathon.

Clothilde, c’est vous, c’est moi, c’est toutes les femmes qu’on aime, et qu’on aimerait voir plus souvent célébrées.

45 ans, trois enfants adolescents, un boulot qu’elle aime dans une entreprise d’articles publicitaires, des grands yeux bleus qui te transpercent le fond de l’âme (ô que je n’aimerais pas être un ado qui a fait un mauvais coup devant ce regard-là), Clothilde est une artiste du tricot qui a de l’humour à revendre : elle est arrivée chez son docteur pour son bilan annuel avec ses médailles de course autour du cou.

Bref, je suis tombée en amour.

Entrevue avec une coureuse qui a du cœur au ventre, et du front tout le tour de la tête, un kilomètre à la fois.

Clothilde Richer

Clothilde Richer

1. Quel a été ton déclic pour que tu te mettes à la course ?

L’été 2012 a été le  pire de ma vie. J’étais mal dans mon corps et dans ma tête. Il fallait que quelque chose se passe. Je ne savais pas quoi… mais ça pressait. Est-ce que c’est ça, la crise de la quarantaine ?
 Puis, en l’espace d’un mois, une amie, une belle-sœur, et une « retrouvaille » du secondaire m’ont parlé de leur nouvelle passion : la course à pied.
 Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai accroché. Ces femmes avaient mon âge ! Elles avaient des formes dans lesquelles je pouvais me reconnaître. Elles étaient radieuses. Et elles m’assuraient que c’était possible !  Vraiment ?

2. Combien de temps ça t’a pris entre le moment du déclic et le passage à l’acte ?

Quelques semaines, au plus. J’étais sceptique, mais curieuse… alors, je me suis mise à me renseigner. L’intérêt est rapidement devenu une obsession… théorique pour débuter. Les heures que j’ai passé sur internet à lire sur le sujet (témoignages, conseils, plans) ! 
Petit à petit, je suis devenue possédée par l’idée que je pourrais… peut-être… essayer.

3. Avais-tu des complices dans cette aventure  ou est-ce que ça s’est fait en solitaire ?

J’ai fait ça toute seule. En cachette même. J’avais quelque chose à régler avec moi-même.

4. Raconte moi la première fois où tu es allée courir…

J’avais choisi l’application qui me guiderait à travers un plan de 8 semaines “Couch to 5k” (rrrrrright!!!)… Un ding pour commencer à courir, un ding pour ralentir et marcher. Pas de musique, je n’étais pas là pour le plaisir ! 
J’ai enfilé un t-shirt, un bas de pyjamas qui avait l’air d’un pantalon de yoga et une vieille  paire de souliers de sport.
 J’ai mis mon chien en laisse, et je suis partie “lui faire prendre une marche” (ahem) dans le sous-bois de l’autre côté de la rue. 
Pour le premier jour du plan, je devais faire 6 x 1 minute de course, avec 1.5 minute de marche entre chaque séquence. J’ai réussi à en faire 4, de peine et de misère. À la cinquième, j’ai choké à 40 secondes. La sixième, on n’en parle même pas. Te dire le boucan que je faisais en râlant… j’avais les poumons en feu !

5. Qu’est-ce qui t’a motivé à y retourner une seconde fois ?

Il y avait une lumière au bout du tunnel. Et pour une fois, j’avais l’impression que ce n’était pas un train… Écoute, je partais de rien. RIEN ! Je pesais 220 lbs, je faisais de la haute pression, je n’arrivais même pas à me pencher pour activer le robinet de la douche. Tout était noir dans ma tête, mais je n’avais plus rien à perdre !

Ça m’aura pris trois autres tentatives pour finalement réussir cette première journée du plan. J’ai couru dans le bois, “en cachette”, pendant presqu’un mois. Notre vieux chien était devenu ma meilleure amie ; elle frétillait lorsque j’enfilais mes runnings. Un jour, mon mari m’a demandé “Cou’donc, cours-tu quand tu vas promener le chien?”.  (No shit, je revenais trempée à l’os et rouge comme un homard). J’ai répondu “OUI, PIS J’VEUX PAS EN PARLER, BON!”.

6. Qu’est-ce qui t’encourage à persister ?

La course, ou plutôt, ma capacité à courir, m’émerveille continuellement.
 Le programme “Couch to 5k”, je l’ai finalement réussi. Bon, c’était pas vraiment 5 km, vu ma vitesse lenteur, mais le but était atteint : je pouvais courir 30 minutes sans arrêter. SANS ARRÊTER !! La fille qui s’époumonait en moins de 1 MINUTE en août, pouvait tenir une demi-heure en octobre.

A-yoye.

Puis, de 10 minute/km, j’ai réussi à descendre à 8 minute/km.

Puis, j’ai réussi à courir l’hiver.

Puis j’ai réussi une course de 5 km.  Sans vomir !

Puis, j’ai réussi à augmenter mon volume à 10 km.

Puis, j’ai réussi à augmenter ma vitesse un peu plus.
 Bref, pour chaque objectif que je me donne, je travaille fort, et j’arrive à l’atteindre. 
Que mon corps soit capable de tant de réalisations… j’en reviens juste pas ! 
C’est ce qui m’encourage à persister. Ça pis les endorphines. Pis la poutine avec-pas-de-culpabilité !

7. Quelle a été la réaction de tes enfants quand ils se sont rendus compte que tu étais sérieuse, et que leur mère était devenue une coureuse ?

Je cours depuis plus de 2 ans, à raison de 3 à 4 fois par semaine. C’est devenu la norme chez nous. Quand je suis sur un « high » en revenant d’une course, que je déblatère n’importe quoi, que je leur crache mes “stats”, que je leur avoue mes ambitions, que je les gosse pour qu’ils viennent avec moi, ils roulent des yeux comme tous ados qui se respectent. Mais ils me félicitent, m’encouragent et je sais qu’ils sont fiers. Peut-être qu’un jour, ils courront aussi.

8. Dans ton horaire, elle s’insère où, la course ?

Un peu partout. Je suis maintenant une “vieille mère”. Ma plus jeune a presque 13 ans et mes enfants sont tous très autonomes. Je peux courir tôt, avant la routine du matin. Ou alors à mon retour du boulot (je saute alors la tablée du souper… pas question de m’attendre ; des ados, ça a faim TOUT DE SUITE). J’aime surtout courir le week-end, même si parfois, c’est entre des séances de maman-taxi.

9. Qu’est-ce que tu as appris de ton corps depuis ce premier jour ?

Il est fort ! Il est capable ! Dire que j’ai passé 43 ans à croire le contraire…

10. Et de ta tête ?

Je ne suis pas de nature compétitive, et j’ai beaucoup de difficulté avec les absolus. Mon côté rebelle se rebiffe facilement face à des exigences trop strictes. Mais j’ai découvert que je pouvais être très docile et disciplinée dans l’entraînement. Le plan dit “courir 30 minutes mardi” ? Alors je cours 30 minutes mardi. Beau temps, mauvais temps, matin ou soir. C’est très rare que j’arrive à trouver une excuse pour ne pas y aller. Sauf quand je n’ai pas d’objectif… Alors je m’organise pour toujours être inscrite à une course, sinon, je « slacke ».

 11. Tu as enrôlé plusieurs de tes collègues de bureau, quels ont été tes arguments de vente les plus percutants ?

Je ne me souviens pas leur avoir “vendu” la course (ou je ne m’en suis pas rendu compte). C’est devenu un sujet de conversation parmi d’autres. Peut-être ai-je simplement personnifié l’anti-athlète par excellence ? Genre : « Pffff… si ELLE peut, n’importe qui peut !! ». Puis l’effet d’entraînement a fait son oeuvre. 
Ah puis, oui, à bien y penser,  je leur casse souvent les oreilles avec la course…

12. Ton vêtement préféré pour aller courir ?

J’ai beau avoir perdu 60 livres depuis que je cours, j’ai toujours besoin d’un bon soutien. Le mien s’appelle Juno de Moving Comfort.

13. Tes endroits préférés pour courir à Granby ?

Le tour du Lac Boivin ! Je l’ai déjà fait de nuit (au boulot, on a formé une équipe de course pour le « Relais pour la Vie »). La piste, parsemée d’oeuvres d’art, était envahie par les lucioles. C’était magique.

14. Seule ou avec d’autres ?

J’ai un côté timide, limite asocial, qui se complaît très bien dans la course solitaire. C’est facile : pas de conflit d’horaire, pas de négociation sur le parcours, pas d’adaptation du rythme.  Mais j’aime bien de la compagnie de temps en temps.

15. Quels sont les effets les plus significatifs que la course a eu dans ta vie ?

Ma qualité de vie en général. Le surpoids que je traînais depuis presque 20 ans est disparu. J’ai de l’énergie. Je suis de bonne humeur.  J’ai l’impression de sourire plus. Je me vois courir longtemps… En fait, je ne me vois pas “ne pas courir”.

 16. Il paraît que tu tricotes des bonnets de Viking pour une course d’hiver (le demi des glaces), c’est vrai ou c’est une légende Wisigoth ?

Je pourrais te dire que c’est un autre effet secondaire de la course : je me prends beaucoup moins au sérieux qu’avant. La vie est trop courte pour ne pas s’amuser, surtout quand on court.  Ou je pourrais te dire : Check-moé ben aller !!

17. Ton plus beau souvenir de course, c’est quoi ?

Je n’oublierai jamais le jour où ma cousine Claudie, nouvellement convertie à la course, à voulu m’accompagner pour mon premier test de 10 km. Oh man… on a travaillé fort, mais on a eu du fun ! On était folles comme des balais d’avoir réussi. Après, on roulait dans Mont-Laurier, les fenêtres baissées, et on hurlait : « HEILLE! On vient de courir 10 km ! Peux-tu croire ? 10 km ! A nous deux, ça fait 20 !!! » (signes de « devil » et langues sorties en prime).

18. Et le demi-marathon, il s’est passé quoi dans ta tête pour que tu te dises « je m’inscris » ?

Une bulle!

J’attendais que mon cours du soir commence.  Il y a eu cette publication Facebook où des amis coureurs discutaient du Marathon de Montréal : Rabais. Rédemption de l’organisation.  Parcours (les bons, les moins bons). Annonces d’inscriptions de l’un et de l’autre.

J’ai ouvert mon agenda, compté les semaines, consulté quelques plans.

Puis je me suis souvenu d’une anecdote d’équitation (le seul sport que j’avais pratiqué à l’adolescence). Quelques minutes avant le début d’une compétition, plantée devant un saut, je lance à mon entraîneure : « mais il fait 4 pieds ! Je n’ai jamais sauté plus que 3 pieds ! ».  Et elle me répond simplement « Don’t think about it. Just do it« .

Le prof de mon cours du soir était en retard. Clic. J’étais inscrite.

 19. Pourquoi celui du marathon de Montréal ?

Parce que le « Facteur bleu » me porte.

Ndlr. C’est son groupe de course, et plusieurs membres seront sur le même pont le 20 septembre. 

20. On peut te demander quel plan tu as l’intention de suivre ?

J’ai choisi le plan de 21 semaines que Jean-François Harvey a monté pour le Club de course Châtelaine. J’aime la façon dont il est fractionné, en 3 blocs de 7 semaines… ça fait moins peur.
 Puis, j’ai le temps de le faire 2 fois d’ici le 20 septembre, juste pour être sûre. Insécure ? Moi ?

21. Qu’est-ce que tu dis à une fille qui est exactement là où tu étais avant de te mettre à courir ?

Arrête de penser que t’es pas capable. Essaye. Juste pour voir. Tu serais surprise !

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