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LIVRES: enquête sur l’adoption internationale

En voulant écrire sur l’adoption internationale, la journaliste de La Presse Isabelle Hachey a découvert des faits troublants.

Dans les années 1980, des centaines de familles d’une petite ville dominicaine ont donné leur enfant en adoption à des Québécois. En pensant qu’il reviendrait au pays une fois grand. Déracinés raconte l’histoire d’une poignée d’entre eux.

Pour lire un extrait du livre, cliquez ici. 

Deracines-LivreComment avez-vous eu vent de l’histoire des enfants d’Hato Mayor del Rey ? Je ne connaissais pas du tout cet endroit. J’avais déjà écrit des articles sur l’adoption internationale, mais j’avais envie de prendre en compte le point de vue des adoptés, qu’on entend rarement. Au départ, je voulais en suivre un dans son retour aux sources, ses retrouvailles avec ses parents biologiques. Parmi ceux que j’ai rencontrés se trouvaient Orlando et Alexandrine, deux Québécois adoptés à Hato Mayor del Rey, en République dominicaine. C’est là que j’ai réalisé qu’il y avait sans doute un filon.

Vous ne vous doutiez pas de l’ampleur de ce que vous alliez découvrir sur le terrain… Non ! J’ignorais qu’il y avait eu un réseau d’adoption québécois là-bas dans les années 1980. À l’époque, les personnes concernées ne pensaient pas mal faire. Elles ne donnaient pas non plus dans le trafic d’enfants. Mais comme il s’agissait d’une petite ville et que les demandes d’­adoption ont fait boule de neige, elles sont peut-être allées trop loin dans leur recherche de bébés. Elles ne sollicitaient pas les orphelinats, mais directement les familles, qui n’avaient parfois rien demandé. On leur vendait le rêve américain en leur disant : « Votre enfant va réussir, étudier, vivre dans un pays riche, et probablement revenir plus tard vous aider. » Ça donnait des espoirs irréalistes aux familles biologiques. La plupart d’entre elles n’ont jamais revu leur progéniture.

Quel diagnostic posez-vous sur l’adoption internationale à la lumière de votre enquête ? Au Québec, la législation est très sévère. Les critères de notre Secrétariat à l’adoption internationale sont stricts et respectent la Convention de La Haye, qui vise à protéger les petits. Selon cette convention, on doit d’abord chercher à réintégrer les enfants abandonnés dans leur famille, sinon, tenter de trouver une famille d’accueil dans leur pays d’origine et, en cas d’échec, les proposer à l’adoption étrangère. Dans bien des pays occidentaux, cela a fait chuter le nombre d’adoptions internationales. On s’est peut-être rendu compte que ce n’était pas la meilleure façon d’aider.

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Mais ce ne sont pas tous les États qui se dotent de normes strictes… Il y a eu des dérives par le passé, comme en Roumanie après la chute de Ceauescu. Encore aujourd’hui, des gens s’enrichissent avec l’adoption internationale, surtout dans les pays pauvres. L’Éthiopie est devenue le deuxième pourvoyeur aux États-Unis, après l’adoption d’une fillette de là-bas par Angelina Jolie. Une industrie de l’adoption s’y est créée, des hôtels et des gîtes s’y spécialisent même dans l’accueil de parents adoptifs !

Que ressort-il de positif de l’histoire d’Hato Mayor ? Tous les enfants adoptés à qui j’ai parlé, qui sont maintenant des adultes âgés de 35 à 40 ans, voulaient que leur histoire soit connue. Mais pas parce que c’est un scandale. Ils les aiment, leurs parents adoptifs. Il y a de l’amour dans ce livre.

Les Éditions La Presse, 232 pages, en librairie le 18 septembre.

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