Commandité

Il faut qu’on parle d’incontinence

Une multitude de facteurs font que cette condition affectera tôt ou tard plusieurs d’entre nous. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe des traitements simples.

Mes amies et moi parlons de pipi aussi ouvertement que nous parlons des derniers épisodes de notre série préférée, sauf que dans ces conversations, les épisodes ont pour titres L’affaire des toilettes qu’on n’a pas trouvées à temps ou J’ai sauté sur un trampoline et je le regrette…

Contrairement aux règles ou à l’accouchement, l’incontinence urinaire est encore taboue. Et ce, même si la Fondation d’aide aux personnes incontinentes estime qu’une femme sur quatre sera touchée… et pas seulement à l’âge d’or. Un sondage canadien révèle que 33 % des femmes de 40 ans et plus en sont affligées.

Même les médecins abordent peu le sujet. J’ai la même médecin depuis 15 ans, et bien qu’elle ait scruté mon vagin aussi souvent qu’un comptable ouvre un fichier Excel, elle ne m’a jamais demandé si je m’étais déjà fait pipi dessus, comme la fois où mon chat m’a attaquée par surprise. (La réponse est oui.)

La liste des facteurs qui peuvent mener à l’incontinence est bien garnie : hérédité, changements hormonaux, grossesse, accouchement, vieillissement, etc. Bref, difficile d’y échapper: La bonne nouvelle, c’est que l’incontinence, ça se traite.

« L’incontinence affecte véritablement la vie des femmes au quotidien », observe la Dre Nathalie Leroux, obstétricienne-gynécologue spécialisée en urologie et professeure à l’Université de Montréal. « Quand je soigne des patientes pour des menstruations anormales, elles se sentent mieux une semaine par mois. Quand je les traite pour leur incontinence, elles mes disent : “Vous avez changé ma vie !” »

L’incontinence urinaire, c’est quoi ?

Les types d’incontinence urinaire les plus fréquents sont l’incontinence à l’effort et l’incontinence par impériosité. Plusieurs femmes souffrent des deux.

Le premier type est d’ordre mécanique, et le second est plutôt d’ordre physiologique, explique Sinéad Dufour, physiothérapeute périnéale et professeure clinicienne à l’Université McMaster. Si vous urinez quand vous riez, toussez, sautez (ou quand un chat vous attaque…), il s’agit d’incontinence à l’effort. Si vous devez uriner souvent, ou qu’il ne s’écoule qu’une seconde entre le moment où vous vous dites « Tiens, j’ai envie de pipi » et celui où vous commencez à uriner, on parle d’incontinence par impériosité.

L’incontinence à l’effort est entre autres causée par un périnée, ou plancher pelvien, qui a connu de meilleurs jours. Cet ensemble de muscles forme une sorte de hamac souple à la base du bassin et soutient la vessie, le rectum et les organes génitaux. Si l’accouchement par voie vaginale l’endommage souvent, la pratique de sports d’impact, l’effort fourni pour aller à la selle ou le poids du bébé pendant la grossesse peuvent aussi l’affaiblir. Le périnée contrôle le sphincter de l’urètre. S’il a une bonne tonicité, il répondra bien à l’augmentation de la pression intra-abdominale.

« Éternuer, faire un geste brusque, hausser le ton pour gronder son enfant, tout cela cause de la pression intra-abdominale, dit Sinéad Dufour. Le périnée est censé réagir en se contractant et en ordonnant : « OK, fermez les sphincters ! ». Or si le périnée est faible, une fuite urinaire peut survenir. »

L’incontinence par impériosité, quant à elle, se produit lorsque le détrusor, le muscle qui tapisse la vessie, devient hyperactif ou spasmodique, et laisse fuir l’urine avant que vous ayez eu le temps de vous rendre aux toilettes. « J’entends des histoires d’horreur de femmes qui, en ligne à l’épicerie, ressentent soudain une envie d’uriner et cherchent en panique les toilettes quand, tout à coup, le barrage cède et c’est le Niagara ! », relate Sinéad Dufour.

Que peut-on faire ?

Selon la Dre Leroux, votre médecin devrait d’abord éliminer toute pathologie sous-jacente : infection, calculs de la vessie, cancer, etc. Ensuite, selon le type d’incontinence qui vous afflige, vous devriez commencer par suivre les traitements traditionnels, soit les exercices pour tonifier le plancher pelvien ou la rééducation de la vessie (où l’on s’exerce à se retenir). Les cas plus graves pourront requérir des médicaments, des injections, des traitements au laser ou une intervention chirurgicale.

Un périnée sain réglera les deux types d’incontinence. Les exercices de Kegel, vous connaissez ? Ils consistent à contracter le plancher pelvien pour le renforcer. Ils font partie d’un programme de rééducation d’un périnée affaibli. Vous devriez consulter une physiothérapeute périnéale pour obtenir une évaluation et vous assurer que vous faites bien les exercices.

Pour tester la tonicité de votre plancher pelvien, essayez d’interrompre l’écoulement quand vous faites pipi – ce sont ces muscles qu’il faut renforcer. Un médecin ou une physiothérapeute périnéale pourra vous proposer un programme sur mesure. En général, estime la Dre Leroux, de 30 à 50 contractions par jour suffisent. « Ça doit devenir aussi naturel que se brosser les dents, dit-elle. On peut faire les exercices quand on attend à un feu rouge ou chaque jour dans la douche, mais il faut les faire de façon assidue. »

Si vous souffrez d’incontinence par impériosité, Sinéad Dufour recommande de limiter votre consommation d’aliments qui peuvent irriter la vessie : café, alcool, tomates, vinaigre, etc. Vous devrez aussi entraîner votre vessie à aller aux toilettes moins souvent. Une bonne moyenne ? De cinq à huit fois par jour. Et la nuit, c’est zéro pipi, à moins d’être post-ménopausée. Sinéad Dufour précise que l’on devrait uriner pendant au moins huit secondes. S’il faut moins de temps à la vessie pour se vider, c’est qu’elle n’était probablement pas pleine.

La pire façon de traiter l’incontinence par impériosité, c’est de se vider la vessie le plus souvent possible. Vous lui enseignez alors qu’à la moindre envie, vous courez aux toilettes. Cela risque de rendre votre vessie hyperactive et, un jour, celle-ci pourrait décider de se vider sans votre accord…

Selon Sinéad Dufour, l’utilisation de produits d’incontinence peut aider à se sentir en confiance quand on commence un programme de rééducation du plancher pelvien ou de la vessie, mais on ne devrait pas les considérer comme une solution à long terme. Quant aux serviettes hygiéniques, elles sont « tout à fait déconseillées », insiste-t-elle. « Elles ne sont pas conçues pour absorber l’urine et l’isoler de la peau. Utilisées à cette fin, elles auront même un effet abrasif sur la vulve. »

On trouve sur le marché une vaste gamme de sous-vêtements d’incontinence qui ont l’apparence et le toucher de vrais sous-vêtements. Grâce à eux, même si vous faites un petit détour inattendu par les chutes Niagara, vous pourrez rester calme et continuer de faire vos exercices de Kegel comme si de rien n’était.

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