Ronde, et alors?

Mince, et alors?

Les rondes ne sont pas les seules à essuyer des critiques parfois très dures (et très personnelles!) sur les médias sociaux; les minces aussi y goûtent. Notre chroniqueuse Joanie Pietracupa explique pourquoi le mouvement pour la diversité corporelle, ben… ce n’est pas ça.

Joanie-bandeauPlus j’écris, plus je grandis. À chaque semaine, je fais travailler mes méninges et aller mes doigts sur mon clavier pour partager avec vous une idée, une expérience, une histoire, une vérité, un conseil ou une émotion. Quelque chose qui m’est cher et précieux. Quelque chose qui me rend sensible et vulnérable. Souvent, je dois m’encourager à voix haute: «Go, go, go, t’es capable!», «Allez, ça va te faire du bien de revivre ce moment-là!» ou encore «Hop, tu vas être heureuse de passer par-dessus ça!». Me parler, me convaincre et me pousser, je vis désormais ça au quotidien. Mais le plus ardu, ce n’est pas de m’écrire. C’est de vous lire. «On fait comment pour ne pas voir ton blogue, sur Facebook?», «Moi, j’aime mieux être mince et méchante que grosse et gentille!», «Je suis tellement tannée d’entendre parler des ronds!»… J’avais (presque) tout vu et tout entendu; maintenant, on peut dire que j’ai aussi tout lu 

Je ne suis pas surprise ni – croyez-le ou non – choquée. Pas blessée, pas heurtée, pas déprimée. Même qu’au contraire, les commentaires les plus négatifs me font parfois sourire. Ils me rendent plus forte, plus confiante et plus ouverte, des qualités que j’ai toujours rêvé de développer. Tout ça parce que je sais que le monde est composé de milliards d’êtres humains, tous différents les uns des autres. Qu’on naît avec nos personnalités, qu’on grandit avec nos opinions et qu’on meurt avec nos valeurs. Et c’est très bien comme ça. Je respecte les gens et leurs pensées, que je sois d’accord avec les propos ou pas. À chacun sa façon de voir le monde, de l’habiter et d’y laisser sa marque.

Ce que je trouve difficile, c’est de réaliser un peu plus à chaque jour à quel point je suis chanceuse d’être protégée par ma cape d’acceptation et mon armure d’amour universel. Parce qu’avec le mouvement d’ouverture à la diversité corporelle vient apparemment en bonus le droit à chacun de tout critiquer, surtout son prochain. De passer des commentaires désobligeants sur l’apparence physique d’inconnus, de rire d’eux au parc, au gym, à l’école, dans la rue, au bureau. Moi, ça va. Je le comprends et je l’accepte. Enfin, je crois. Ça dépend des jours. Mais les jeunes ados mal dans leur peau? Les hommes et les femmes ébranlés par un divorce/une opération/un accident/alouette? Les handicapés, physiques ou mentaux? Qu’en est-il d’eux?

Mariepier-Morin

Mariepier Morin photographiée pour Loulou.

Et ça ne touche pas que les gros; oh, non, ça serait trop facile. Ça rejoint tout un chacun pourvu qu’il soit flanqué d’un corps humain. Pas vrai, dites-vous? Promis, la preuve s’en vient. Je suis une fidèle lectrice du magazine LOULOU – j’y ai d’ailleurs travaillé pendant plusieurs années. L’équipe de rédaction est à l’image de la marque: belle, fun et vibrante. Je n’ai donc pas été étonnée de voir que l’animatrice Maripier Morin, véritable It girl de chez nous, avait décidé de s’y associer pour présenter 365 looks mode en 2015 . À chaque jour, une photo la mettant en vedette, vêtue d’une nouvelle tenue archi fashion, est publiée sur le site et les réseaux sociaux de LOULOU. C’est fait avec sobriété, bon goût et grande classe.

Bien vite, le projet a connu un succès fou. Facile de comprendre pourquoi: Maripier est une femme magnifique, son styliste est talentueux et le photographe a l’œil. Tout aussi vite sont apparus les commentaires négatifs: «Elle est beaucoup trop maigre!», «Donnez-lui un hamburger, quelqu’un!», «Elle était beaucoup plus belle il y a quelques années quand elle était plus ronde!». Là aussi, j’ai tout lu. Et – allez chercher pourquoi – ça m’a blessée. Profondément. Plus que les commentaires s’adressant à moi, sur le site de Châtelaine. J’ai grincé les dents, j’ai serré les poings. Je pense qu’enfin, je venais de réaliser qu’il n’y a plus de limite aux critiques. Que tout le monde a son mot à dire, sur tout le monde, sans filtre ni bon sens. Que certaines personnes aiment détruire les autres, peut-être pour pouvoir mieux s’élever au-dessus d’elles, peut-être parce qu’elles carburent à la jalousie, peut-être, peut-être, peut-être…

Ce que je sais, c’est qu’on a certainement le droit à notre opinion (et de la faire connaître à qui bon nous semble), mais qu’il faut se rappeler que les critiques blessantes et gratuites sont l’arme de destruction massive #1 de notre époque. Qu’on ne devrait jamais dire ce qui nous briserait si on l’entendait à notre sujet. Qu’on a tous nos imperfections même si l’on est parfaits à notre façon et que de vivre avec ça au quotidien est assez dur en soi sans qu’on doive se le faire cracher en pleine face par des étrangers. Qu’on gagnerait beaucoup (en santé, en intelligence, en humeur) à être plus positifs, joyeux et lumineux, surtout.

Le plus drôle, c’est que dans nos deux cas, à Maripier et à moi, les fans finis sont bien plus nombreux que les trolls aigris. Pour chaque critique négative, on compte environ 10 commentaires positifs. Une armée de tenants contre un seul petit soldat attaquant. «Si tu n’existais pas, il faudrait t’inventer!», «Merci pour vos textes, vous me faites un bien fou!», «Vous êtes très inspirante et lumineuse!»: voilà quelques-uns des bons mots que j’ai reçu dans les derniers mois. Mais le cerveau étant ce qu’il est, on a tendance à oublier le meilleur et à se remémorer le pire. Et si on essayait, ensemble, de faire tourner la roue? De s’encourager et de s’aimer au lieu de s’entretuer à coup de 140 caractères ou moins? Qu’est-ce qu’on aurait à y perdre sauf le goût amer du dénigrement qui coule dans nos veines? Allez, en avant, toutes!

 

Suivez Joanie Pietracupa sur Twitter (@theJSpot) et Instagram (@joaniepietracupa).

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