Le titre : Le cas Sneijder
L’auteur : Jean-Paul Dubois (61 ans ; a remporté le prix Femina 2004 pour Une vie française)
L’exergue : « La partie rationnelle de notre cerveau savait que les accidents sont des accidents et qu’ils ne démontrent que le néant absurde de tout ce qui est, pourtant nous voulons plaquer des grilles de lecture sur ce qui nous entoure, nous entrecroisons des lignes vectorisées qui reviennent toujours à nous, au point de départ, en tout cas au point d’appui d’Archimède qui permet de hisser ce monde lourd, confus, encombré, jusqu’à une forme schématique que nous pouvons traiter. »
John Updike
L’histoire : Seul survivant d’un accident d’ascenseur rarissime dans lequel sa fille a perdu la vie, Paul Sneijder, 60 ans, remet en question le fragile échafaudage sur lequel repose son existence.
L’univers : Sans parler de recette, on trouve dans Le cas Sneijder tous les ingrédients qui font le succès de Jean-Paul Dubois : sombre mélancolie, humour grinçant, regard lucide, mais corrosif sur la famille et la société.
La voix : « Le mieux est l’ennemi du bien », écrit-il, page 16. Ces six mots illustrent très bien le style Dubois. Sobre et simple, Dubois sait taper dans le mille. À l’image de cette autre phrase, page 17 : « Maria Landes rencontra mon père de façon assez logique, pour peu que l’on considère le hasard comme un partenaire attentif et bienveillant dans l’ordonnance de nos existences. »
Les premières phrases : « Je me souviens de tout ce que j’ai fait, dit ou entendu. Des êtres et des choses, de l’essentiel comme du détail, fût-il mièvre, insignifiant ou superfétatoire. Je garde, je stocke, j’accumule, sans discernement ni hiérarchie, m’encombrant d’un accablant fardeau qui en permanence travaille mon âme et mes os. Je voudrais parfois libérer mon esprit et me déprendre de ma mémoire. Trancher dans le passé avec un hachoir de boucher. Mais cela m’est impossible. Je ne souffre ni d’hypermnésie ni d’un de ces troubles modernes de comportement solubles dans le Bromazépam. Je crois savoir ce qui ne fonctionne pas chez moi. Je n’oublie rien. Je suis privé de cette capacité d’effacement qui nous permet de nous alléger du poids de notre passé. »
La raison de le lire : Parce que Jean-Paul Dubois propose à ses lecteurs un univers particulier, sombre et lumineux à la fois, avec lequel il est toujours agréable de renouer. Et parce que l’histoire se déroule à Montréal et qu’il est toujours amusant de découvrir le regard d’un Français sur la société québécoise.
En un mot : Spleenétique.
Éditeur : Éditions de l’Olivier – 218 pages – publié en 2011.
(Texte par Luc Bouchard)