Le titre : Ouragan
L’auteur : Laurent Gaudé (39 ans ; a remporté le prix Goncourt 2004 pour Le Soleil des Scorta)
Les exergues : « Le vent hélas je l’entendrai encore nègre nègre nègre depuis le fond du ciel immémorial. »
Aimé Césaire, Corps perdu.
« (…) lorsque tout est achevé, on répond avec l’ensemble de sa vie aux questions que le monde vous a posées. Les questions auxquelles il faut répondre sont : Qui es-tu? Qu’as-tu fait? … À qui es-tu resté fidèle? »
Sàndor Màrai, Les Braises.
L’histoire : La Nouvelle-Orléans, 2005. Pendant que l’Amérique bombe le torse en Irak, elle abandonne une partie de sa population pauvre et noire à elle-même. À travers une dizaine de personnages, Ouragan traite d’une catastrophe naturelle et de la capacité des hommes à rester dignes face à la tragédie.
L’univers : Alors que des milliers d’habitants s’éloignent de la ville menacée, d’autres y restent pour affronter la fureur du ciel. C’est le cas de cette vieille négresse aux épaules fatiguées, mais fières. De cette mère qui élève seule son petit garçon qu’elle peine à aimer. De son ancien amoureux qui se décide, malgré l’imminence du désastre, à la retrouver. Et puis, il y a ce taulard qui parvient à s’évader de sa prison avec d’autres détenus et ce révérend illuminé qui espère prouver à quel point il peut servir Dieu à l’occasion de ce cataclysme…
La voix : C’est un roman choral dans lequel Laurent Gaudé donne une voix à des personnages qui n’en ont habituellement pas dans notre société. À des êtres humains aux prises avec une nature déchaînée.
Les premières phrases : « Moi, Josephine Linc. Steelson, négresse depuis presque cent ans, j’ai ouvert la fenêtre ce matin, à l’heure où les autres dorment encore, j’ai humé l’air et j’ai dit : “Ça sent la chienne.” Dieu sait que j’en ai vu des petites et des vicieuses, mais celle-là, j’ai dit, elle dépasse toutes les autres, c’est une sacrée garce qui vient, et les bayous vont bientôt se mettre à clapoter comme des flaques d’eau à l’approche du train. C’était bien avant qu’ils en parlent à la télévision, bien avant que les culs blancs ne s’agitent et nous disent à nous, vieilles négresses fatiguées, comment nous devions agir. »
La raison de le lire : Pour la voix unique de la vieille Josephine et de tous les autres. Et pour ne pas oublier le passage de Katrina, ce drame humain qui fit 1836 victimes et disparus à La Nouvelle-Orléans, dont une majorité de Noirs, qui avaient le malheur d’habiter les quartiers pauvres (donc négligeables) de cette ville surnommée The Big Easy.
En un mot : Soufflant.
Éditeur : Actes Sud – 189 pages – publié en 2010.
(Texte par Luc Bouchard)