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À bien y penser

Les ados, comme je les aime!

C’est la rentrée dans les cégeps, celle des universités s’en vient. Or dans cette foule d’étudiants, on en trouve un grand nombre qui, tout sourire et l’air de rien, ont assumé de bien grandes responsabilités durant l’été… Ah! ils nous sont bien nécessaires, les jeunes!
Les ados, comme je les aime!
Les ados, comme je les aime! Photo: iStock.com/kali9

À la fin juillet, à Saint-Eustache, deux autobus scolaires remplis d’enfants ont pris feu à la suite d’une collision sur l’autoroute.

Ce matin-là, des groupes d’un camp de jour de Brossard s’en allaient à la plage d’Oka, répartis dans plusieurs autobus. Le bus de tête a foncé dans une voiture qui venait de ralentir. Du coup, celui qui le suivait l’a percuté; des flammes sont vite apparues, se propageant au premier bus. Les trois autres autobus jaunes qui les suivaient ont réussi à s’arrêter à temps. Reste que la fumée noire du brasier était visible des kilomètres à la ronde.

Heureusement, il n’y a pas eu ici de tragédie à ajouter à la longue liste des évènements sombres de l’été. «Une sortie à la plage qui aurait pu virer au drame», comme l’a justement titré le Journal de Montréal, et ce conditionnel-là faisait plaisir à lire.

C’est qu’on a pu évacuer rapidement les quelque 80 petits passagers, âgés de six à dix ans. Puis, échelles à la main pour franchir les clôtures les séparant de la route, le personnel d’un concessionnaire automobile voisin a été chercher les enfants pour les mener dans l’établissement. Les parents furent bien soulagés de les retrouver non seulement en vie, mais aussi en lieu sûr plutôt que sur le bord de l’autoroute.

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Ce sont toutefois d’autres détails, mentionnés en quelques mots, qui ont attiré mon attention.

Qui a fait sortir les enfants des autobus en leur disant de laisser leurs affaires derrière eux? Qui les a guidés et aidés à franchir la porte arrière du bus d’où s’échapperont les flammes? Qui a rassuré ceux et celles qui pleuraient? Qui, une fois en sécurité, a fait chanter toute la bande pour évacuer le stress?... «Les moniteurs du camp ont vraiment fait tout un travail!» comme l’a dit le directeur général du concessionnaire où tout le monde a été regroupé. «Ils ont pris les bonnes décisions», soulignait de son côté un papa soulagé.

Ces monitrices, ces moniteurs, héros d’un jour, sont pourtant restés anonymes, certains reportages ne faisant même pas état de leur contribution. Sans doute parce qu’on estime qu’ils n’ont fait que leur travail…

Mais mesure-t-on pleinement de quoi il est question? De tout jeunes adultes qui ont quoi?, 17-18 ans, rarement plus de 20, et à qui on confie nos enfants tout un été en comptant sur le fait qu’ils sauront faire face à tout. Même à la catastrophe qu’on n’envisage pas.

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En fait, le grand public n’envisage rien du tout à propos de ces jeunes payés au salaire minimum ou à peine plus – parfois même moins pour ceux qui dorment sur le site d’un camp de vacances en raison d’exceptions prévues à la Loi sur les normes du travail. On ne réalise pas qu’avec seulement quelques heures de formation et un soutien strictement de base, ils devront prendre soin des mêmes enfants pour qui, à l’année longue, on réclame mille ressources dans les écoles – comme si les troubles de comportement et d’apprentissage s’effaçaient avec l’été.

Et pourtant, pendant deux mois, monitrices et moniteurs devront trouver de quoi occuper des jeunes de 5 à 14 ans, sans perdre leur intérêt, ni en perdre un dans le décor! Jour après jour, il leur faudra faire tenir ensemble des groupes disparates pendant de longues heures, alors que la plupart des parents ne sauraient plus quoi inventer pour y arriver.

Ça exige donc de la bonne humeur, de l’énergie, beaucoup d’imagination et assez de fermeté pour faire face aux mêmes parents qui ont une fâcheuse tendance à récriminer pour le moindre détail.

Or à cela s’ajoute une autre exigence: garder tout son sang-froid si ça dérape! Et même avoir en tête des refrains pour calmer les troupes en cas de pépin, d’accident, de tempête…

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Je ne voudrais surtout pas que les camps d’été deviennent encadrés et codifiés comme l’école, mais je trouve qu’on est bien injustes envers des jeunes à qui on demande beaucoup sans leur donner trop de moyens.

Alors moi je dis bravo. Bravo au personnel des camps de jour et de vacances – on parle ici de milliers de jeunes, puisque que l’on compte 470 organismes membres de l’Association des camps du Québec. Bravo pour l’enthousiasme, et le courage, et la candeur, et la fougue, et le «on est capables». Bravo pour le sérieux quand il faut agir et les chansons quand il faut en revenir.

Bravo à la jeunesse en fait. Pendant qu’on se plaît à répéter qu’elle est irresponsable, elle est là à sauver des vies en passant par la petite porte arrière d’un autobus. Et elle le fait en consolant au passage des enfants sonnés parce qu’ils se sont cognés la tête au plafond au moment de l’impact, ou carrément effrayés par la situation. Comme les pros qu’ils ne sont pas, ces jeunes ont su tout gérer même s’ils étaient aussi impliqués dans l’accident, sans doute eux-mêmes secoués.

Me vient alors en tête Greta Thunberg, 16 ans. On l’accuse de bien des maux juste parce qu’elle pointe du doigt ceux, bien réels, qui menacent la planète et qui sont amplement documentés.

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Or, pendant que ça parle et la dénonce, la jeune Suédoise a pris sa propre petite porte arrière. Tournant le dos aux polluants avions, elle a choisi de quitter l’Europe en voilier pour venir parler de changements climatiques à New York, dans le cadre du Sommet de l’ONU sur le climat qui aura lieu le 23 septembre. Trouver une manière d’agir plutôt que pérorer.

De la fougue, de la candeur, du courage, de l’imagination, et pas de temps à perdre avec les celles et les ceusses qui, mon pauvre jeune!, auraient don’ pas fait ça d’même… On parie qu’elle fredonne aussi durant sa traversée?

***

Journaliste depuis plus de 30 ans, Josée Boileau a travaillé dans les plus importants médias du Québec, dont au quotidien Le Devoiroù elle a été éditorialiste et rédactrice en chef. Aujourd’hui, elle chronique, commente, anime, et signe des livres. Son plus récent, J’ai refait le plus beau voyage, est paru aux éditions Somme toute.

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Les opinions émises dans cet article n’engagent que l’auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de Châtelaine.

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Journaliste depuis plus de 30 ans, Josée Boileau a travaillé dans les plus importants médias du Québec, dont au quotidien Le Devoir, où elle a été éditorialiste et rédactrice en chef. Aujourd’hui, elle chronique, commente, anime et signe des livres.

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