La semaine dernière, l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) faisait paraître une note intitulée Tâches domestiques : encore loin d’un partage équitable. Avec un tel titre, je m’attendais à découvrir quelques statistiques déprimantes, mais certainement pas un portrait-robot de ma famille.
Je vous vends le punch : je suis la Canadienne moyenne.
Je n’en suis pas tout à fait revenue. « Canadienne » et « moyenne » sont deux mots qui me viennent rarement en tête pour me décrire (sauf dans mon passeport). Mais en ce qui concerne la poutine du quotidien, semble-t-il que j’ai des traits communs avec la gent féminine d’un océan à l’autre.
Je consacre au moins une heure de plus par jour que mon mari au travail à la maison non rémunéré. J’ai déjà travaillé à temps partiel et j’ai adapté ma carrière et mon horaire pour prendre soin de ma famille. Je manque le travail plus fréquemment pour des raisons familiales. Et concernant les tâches ménagères, mon couple est à l’image de la situation au pays au cours des dernières décennies : ça évolue vers l’équité, mais len-te-ment.
En fait, comme la Canadienne terrienne moyenne, je suis la première répondante domestique. Si vous savez exactement ce qui se trouve dans votre frigo en ce moment même, vous l’êtes aussi.
Pourtant, en tant que féministe, je me demande toujours comment mes rapports peuvent être plus égalitaires, comment je peux éviter de transmettre des stéréotypes de genre à mes enfants, comment les représentations de la mère dans les médias et la publicité m’influencent, comment je peux être autonome et exercer mon libre-choix. Pourquoi donc ce déséquilibre persiste-t-il encore chez nous?
Certainement pas parce que le travail ménager, c’est « une job de femme ». Je ne crois pas que ces tâches conviennent davantage à un sexe qu’à un autre. C’est surtout une question d’intérêt ou de talent. Toutefois, le fait que mon mari ait un salaire plus élevé pèse lourd dans notre décision commune d’opter pour le modèle « papa salarié + maman pigiste ». Pour nous, c’est une simple question de calcul, mais à grande échelle, cela s’inscrit dans une des manifestations les plus évidentes de l’inégalité du système. Je cite l’IRIS : « il existe encore un écart important entre la rémunération des femmes et celle des hommes. (…) Pour chaque heure travaillée, un homme gagnait en moyenne 2,91 $ de plus qu’une femme. »
Je soupçonne aussi que le discours de « lâcher-prise » qu’on sert aux femmes soit une lame à double tranchant. C’est toujours une bonne idée de faire son ménage intérieur et de se questionner quant à nos valeurs, nos attentes et les standards de beauté domestique que l’on s’impose. Ça fait du bien! Mais ça demeure une introspection personnelle. On ne fait que modifier notre propre rapport aux tâches ménagères, on se déculpabilise en se disant « J’en fais assez! », on abandonne le superflu et on laisse joyeusement rouler la poussière. Au bout du compte, est-ce que la portion de travail domestique exécutée par notre partenaire augmente? J’en doute. Et est-ce que la responsabilité est davantage partagée? Pantoute. On la ramène encore plus à soi.
De plus, il ne faut pas sous-estimer cet enjeu en le plaçant uniquement dans les aléas du quotidien ni négliger le poids du « travail de planification et de soutien émotionnel ». C’est « un ensemble de tâches invisibles qui sont nécessaires afin de permettre une vie décente » et qui incombe souvent aux femmes.
Le constat est clair, ce n’est pas en restant entre femmes à se donner des trucs que les choses vont changer de façon durable. C’est pourquoi je fais appel aux Canadiens moyens. Ayez don’ une discussion sérieuse sur le partage du travail domestique avec votre Canadienne moyenne d’ici une semaine.
Pour ma part, j’imprime cette chronique et je l’affiche sur le frigo à l’instant.
Vous m’en redonnerez des nouvelles.
Écrivez-moi : chatelaine@marianneprairie.com