L'édito

Édito : Un temps si précieux

Cette année, dans le temps des Fêtes, pourquoi on ne lâcherait pas prise, au moins un peu ? se demande Johanne Lauzon.

La nostalgie ? Très peu pour moi. À une exception près. Aux Fêtes, je m’enveloppe dans mes souvenirs comme dans une couverture élimée. Je fouille dans La nouvelle encyclopédie de la cuisine, de Jehane Benoît – l’exemplaire corné de ma mère – à la recherche d’un plat vintage. Cette année, vais-je me lancer dans un aspic ? Des œufs farcis ? Des grands-pères au sirop d’érable ?

Mitonner des petits plats pour les miens à Noël ou au jour de l’An me ramène tout droit dans la cuisine de la maison familiale. Je revois mes parents faire équipe pour préparer des beignes, une tradition chez nous. C’était si beau de les voir ! Mes sœurs, mon frère et moi, quand on mordait dans la pâte moelleuse, on savourait ce bonheur-là.

Je me demande parfois ce que je vais laisser comme souvenirs à mes filles. Quelques recettes, et peut-être aussi la joie du partage. J’espère qu’elles seront indulgentes et me pardonneront d’avoir souvent franchi le fil d’arrivée du 24 décembre épuisée. Mais qui ne parvient pas aux Fêtes dans un état lamentable, lessivée par un automne encore trop chargé ?

Notre reportage « Des Fêtes sans tension ? » (à lire dans notre numéro de novembre/décembre) aborde la délicate question de la charge qui nous incombe durant cette période de l’année. « À cause de notre héritage patriarcal, on a tendance, comme société, à mandater davantage les femmes pour maintenir les liens familiaux. Ce sont elles qui invitent, reçoivent et cuisinent. Souvent, elles jouent les médiatrices et tempèrent les hostilités lorsque des conflits se pointent ! » explique la sociologue Chiara Piazzesi, de l’Université du Québec à Montréal.

Et si on lâchait prise cette année ? Plus besoin de jouer la médiatrice en chef ou la cuistot solo devant ses fourneaux. Au contraire. Demandons de l’aide aux proches. On garde en mémoire que c’est un moment de réjouissances pour tous et toutes. À bas la surcharge mentale !

La simplicité et la convivialité, c’est ce qu’avait en tête l’équipe de Châtelaine quand elle s’est mise à réfléchir au menu des Fêtes. Après le Noël tristounet de l’an dernier, on veut célébrer en grand et en gang ! Alors, quoi de mieux qu’un buffet aux saveurs exquises ? Tiens, j’ai comme l’impression que nos boulettes aux épices de tourtière deviendront vite un classique. Chez vous comme chez nous.

Passez de fabuleuses Fêtes ! Aussi rassembleuses qu’enrichissantes… et reposantes.

Johanne Lauzon, rédactrice en chef


Des livres essentiels

On ne sort pas indemne de la lecture de ces deux bouquins. Et c’est tant mieux.

La psychologue Rachida Azdouz décortique les discours ambiants sur le racisme avec une finesse redoutable et une franchise libératrice. J’aime cette intellectuelle. Elle sait toujours nourrir la réflexion sur les enjeux sociaux et pousser ses lecteurs hors des discours formatés, qui divisent. « Même chez nous, il y a une différence d’échelle, d’ampleur et de degré entre les pensionnats autochtones […] et, par exemple, la non-reconnaissance des diplômes des immigrants scolarisés arrivés au pays plus massivement à partir des années 1990. La discrimination systémique infligée à ces immigrants est grave, condamnable; elle nous coûte collectivement cher sur les plans économique, social et humain […], mais elle n’est pas du même ordre que le racisme systémique que vivent les Autochtones depuis cinq siècles. De plus, aucune communauté issue de l’immigration récente et moins récente n’est actuellement sous le coup d’une loi aussi explicitement raciste que la Loi sur les Indiens.­ » Voilà une autrice qui ouvre le dialogue.

Panser le passé, penser l’avenir – Racisme et antiracismes, Édito, 2021.

L’anthropologue et journaliste Anne Panasuk a déjà mené enquête pour lever le voile sur les enfants disparus de leur communauté autochtone. D’abord, à la télé de Radio-Canada puis, dans le balado Histoires d’enquête : Chemin de croix. Elle revient, cette fois, avec un essai qui prend la forme d’un récit accablant et révélateur. Il y a là tant d’histoires qui arrachent les larmes. Celle de Martha, notamment : après avoir accouché de jumeaux, elle a appris leur mort par le médecin et n’a pas pu les revoir une dernière fois ni les ramener chez elle pour les inhumer. Ou encore le cas « d’une petite Atikamekw de quelques mois transportée d’urgence à l’hôpital de La Tuque pour une pneumonie, puis placée sur une liste d’adoption plutôt que d’être retournée à ses parents; le curé oblat a fait signer à la mère un formulaire d’abandon en lui faisant croire qu’il s’agissait d’un formulaire d’autorisation de soins.» Lire ces témoignages nous oblige à voir en face les souffrances infligées aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis. Il est temps.

Auassat – À la recherche des enfants disparus, Édito, 2021.


Cet article est paru dans notre numéro de novembre/décembre.
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