À bien y penser

Lire, c’est mon sport!

On est à la mi-août: c’est encore l’été et pourtant déjà la rentrée. À la radio, les équipes régulières ont retrouvé leur micro; chez moi, la cadette a pris le chemin du cégep. Et fraîchement revenue de courtes vacances, je trouve sur mon bureau tout plein de petits paquets. Chouette, c’est aussi la rentrée littéraire!

À bien y penser - copie

Il y en a, j’en connais, qui ne peuvent vivre sans leur programme d’entraînement. Physique, évidemment.

Impossible pour eux de concevoir leur journée sans des moments bien dégagés pour courir, s’étirer, pédaler, se muscler et se secouer le cœur. Ils en ont be-soin. Il ne manque d’ailleurs pas de reportages pour nous raconter comment ces gens, tous bien occupés, arrivent, eux, à consacrer du temps à leur bien-être. Ni de chroniques pour nous inciter à en faire autant.

Moi, c’est ma tête que j’entraîne. Je ne peux concevoir une journée sans un espace, pas nécessairement bien dégagé, pour lire, lire, lire. J’en ai be-soin. Mais je ne vois jamais de reportages qui racontent comment quelqu’un de très occupé trouve malgré tout du temps pour s’occuper de sa santé intellectuelle.

Il est vrai que, chroniques littéraires obligent, la lecture fait partie depuis quelques mois de ma vie professionnelle – d’où l’avalanche de romans arrivés à la maison pendant mes vacances, avalanche qui perdurera pendant toute la haute saison des nouvelles parutions. J’ai d’ailleurs aussitôt plongé: j’en ai ouvert cinq de front. Eh quoi, il me fallait bien déterminer dans quel ordre j’en parlerai au cours de l’automne…

Tss-tss, Josée, sois franche! Tu as toujours lu ainsi, non seulement tout ce qui te tombe sous la main, mais aussi tout en même temps!

De fait, chaque jour de ma vie s’accompagne d’au minimum quatre ouvrages entamés – ça peut monter jusqu’à dix. Logique, car à chacun son moment! Les lectures du matin ne sont pas celles du soir; il faut distinguer les livres pour paresser de ceux pour salles d’attente. Il y a des bouquins qui se savourent au soleil, d’autres qui se révèlent sous la pluie. Des livres à dévorer en une soirée, d’autres (miam!) à étirer pendant des mois. Et encore des livres pour l’autobus, pour le café du coin, pour la cafétéria le midi, pour le coiffeur, pour la cour arrière, pour le salon… Le bain? Tout bien considéré (un livre échappé est long à sécher), préférence aux magazines!

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En véritable athlète, je suis d’ailleurs bien équipée. Au premier chef, le sac à main. Son critère d’achat est précis: je dois pouvoir y glisser sans peine un livre de grosseur acceptable (pas de brique, mais quand même plus qu’un format poche) et au moins deux magazines bien roulés. Fi ainsi de l’excuse du manque de temps: deux minutes se libèrent? Lisons!

Bon, j’admets, je suis humaine. Deux minutes libérées signifient d’abord un coup d’œil à mon cellulaire! Mais glisser sur les manchettes, Twitter, Facebook et mes courriels n’est qu’un apéritif. Alors je ne m’y attarde pas. Le vrai plaisir, c’est de passer à la vitesse supérieure: un texte consistant.

Ce qui implique au préalable un choix. Non, je ne magasine pas mes bouquins sur Internet, ni ne me soucie du livre électronique. L’horreur. Il faut palper, sentir, feuilleter pour maximiser l’entraînement! Ça signifie se rendre en librairie, incitée par une critique professionnelle ou une recommandation d’ami. Et une fois sur place, fureter, tous les sens en éveil, pour découvrir ce que je ne connais pas encore.

Qu’est-ce qui m’accrochera l’œil? La couverture d’abord (au risque même de rater des bijoux pour cause de dessin criard). Ensuite le titre, le nom de l’auteur.

Me voilà qui m’arrête. C’est que je suis prête pour le quatrième de couverture. Si je me rends jusqu’au bout, alors je soupèse l’objet lui-même: son format, son épaisseur, sa mise en page, ses caractères. Puis je parcours le premier paragraphe, à la rigueur quelques pages – mais jamais au grand jamais, je ne lis la fin (mais j’en connais, aussi maniaques que moi, qui commencent par là).

La tête n’a pas décroché, le désir a grandi? Plus de doute, j’achète. Ou je prends note pour une prochaine fois (un emprunt à la bibliothèque fait évidemment aussi l’affaire).

Après, suffit de disperser bouquins, journaux et magazines partout dans la maison, histoire de cultiver l’envie. Même les ouvrages qui resteront non lus (vu le lot, c’est inévitable) ont leur utilité: ils sauront distiller leurs ondes salutaires jusqu’au cerveau le plus proche, inconsciemment absorbés.

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Les plus sportifs, ceux de ma catégorie, auront en réserve de gros sacs bien solides, d’une capacité surprenante, histoire de traîner plus de lectures qu’il n’en faut quand on doit s’éloigner.

J’ai en tête deux souvenirs de vacances. Un chalet loué en Mauricie, un lac où plonger et des piles de livres où en faire autant. J’avais réussi, super performance pour une mère de famille, à en lire un par jour: romans policiers (forcément, c’est les vacances!), sociologiques, comiques et poétiques, essais, biographies… Deux semaines, 15 livres. Un marathon qui vous remet une fille en forme!

Et il y eut cet autre chalet, à l’Île-du-Prince-Édouard cette fois. Arrivés plus tôt dans la journée, sous un temps un peu gris, nous étions tous au salon, à lire: deux parents, quatre enfants, car même la petite dernière, qui n’avait pas cinq ans, feuilletait un bouquin richement illustré.

C’était bien joli tout ça, mais le temps passait et nous étions en terre à découvrir. Alors, rompant le silence, j’ai lancé: «Bon, il faudrait bien sortir!». J’ai vu cinq têtes se lever, avec ce regard agacé de gens qu’on dérange profondément. Non, personne n’allait bouger. J’ai alors pensé que j’étais sûrement la seule mère du Québec à vivre cette situation incongrue: devoir pousser sur sa gang pour qu’elle arrête de lire.

Aujourd’hui, je dirais plutôt que nous avions signé là toute une performance.

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Journaliste depuis plus de 30 ans, Josée Boileau a travaillé dans les plus importants médias du Québec, dont au quotidien Le Devoir, où elle a été éditorialiste et rédactrice en chef. Aujourd’hui, elle chronique, commente, anime, et signe des livres!

 

 

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