Les Jeux olympiques d’hiver sont terminés, et j’ai éprouvé un plaisir modéré à voir compétitionner entre eux des privilégiés de la société, «le club des happy few du 1 % à l’échelle sportive», comme l’écrivait récemment Stéphane Baillargeon dans Le Devoir. Seule exception : j’ai suivi avec intérêt la finale de hockey féminin Canada-États-Unis.
Malheureusement, les joueuses ont paru de plus en plus fatiguées et le rythme a ralenti à mesure que la partie s’étirait. C’est alors que mon amoureux a soupiré, glissant au passage que cela ne se produirait pas dans la LNH, car le niveau de jeu y est plus élevé. N’y connaissant rien, je lui ai demandé pourquoi c’était le cas. Il a évoqué les capacités sportives supérieures chez les sujets masculins, qui disposeraient à la fois de plus de puissance et d’endurance, et seraient mieux utilisés par les entraîneurs au cours d’un match.
Bien que néophyte, je me disais que c’était un peu court comme explication. Je me suis mise à réfléchir à la question: Si le jeu féminin est moins relevé, pourquoi la cause serait uniquement physique, biologique?
Faisons un parallèle…
Quand Justin Trudeau a présenté son cabinet paritaire à l’automne 2015, j’ai apprécié le symbole, mais je n’ai pas sauté de joie. Pourquoi? Parce qu’à mon sens, il a fait les choses à l’envers. Aux dernières élections fédérales, les femmes ont remporté à peine le quart des sièges en jeu, des femmes de tous les partis, pas juste des libérales. Ça lui a laissé un bassin de talents restreint dans lequel piger pour construire son cabinet.
L’initiative du premier ministre a donc le défaut de prêter le flanc aux arguments de ses détracteurs, ceux (et celles!) qui disent que les femmes nommées ne sont pas forcément compétentes, qu’elles ont été choisies seulement parce que ce sont des femmes. Dans un monde idéal, on aurait un cabinet paritaire parce que la députation serait paritaire. Quand la moitié des élus au Parlement sont en fait des élues, ça tombe sous le sens qu’il en aille de même au Conseil des ministres…
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Trudeau n’hésite pas à s’afficher comme féministe. Il vient d’ailleurs de déposer un budget sous le signe de l’égalité entre les sexes, s’inspirant notamment du Québec en matière de politiques familiales. En ce sens, sa priorité devrait être de faire en sorte que davantage de femmes soient élues. Comment? En inscrivant dans la loi l’implantation de quotas de mises en candidature féminines obligatoires pour les partis. Autrement dit, nommer un cabinet paritaire, pourquoi pas, mais cela ne servira à rien si ce n’est pas accompagné de changements structuraux permanents.
Quel rapport avec le hockey?
Pourquoi est-ce que je vous parle de parité politique tout à coup? Suivez-moi encore un peu, vous allez comprendre.
La Montréalaise Sonia Goulet est la mère de deux jeunes hockeyeuses, niveau bantam. Kirane, 13 ans, joue depuis cinq ans, depuis qu’une amie gardienne de but l’a invitée à une activité d’initiation (elle ne savait même pas patiner à l’époque!). Deux ans plus tard, sa sœur jumelle Maya s’est jointe à elles.
Or, toute passionnée de hockey que soit sa progéniture, et malgré l’argent déboursé et les nombreuses heures passées à accompagner ses filles un peu partout, cette mère ne se fait pas d’illusion. «Le hockey féminin est un sport de loisir. On ne peut pas en faire son gagne-pain», regrette-t-elle.
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Le fait est qu’il n’y a pas de débouchés actuellement pour le hockey féminin. Tout ce à quoi les joueuses peuvent aspirer, c’est de participer aux Jeux olympiques et de faire l’équipe nationale. Selon Sonia Goulet, pour développer le hockey féminin, il faut investir dans le développement de structures telles que la ligue canadienne, à l’image de ce qui se fait pour les garçons.
Encore une fois, c’est faire les choses à l’envers que de souhaiter avoir une équipe au sommet si on ne travaille pas à la base, sur le terrain, à recruter et à développer les talents. Comment peut-on amener un nombre suffisant de fillettes à s’investir corps et âme, à plein temps, dans leur rêve de hockeyeuse alors qu’il n’y a même pas de débouchés pour elles?
Deux poids, deux mesures
Déjà qu’il faut se farcir les commentaires sexistes du président de la Fédération internationale de hockey, déjà que la majorité des parents ne sont pas portés à inscrire leurs filles au hockey (beaucoup d’entre elles ne sauront jamais qu’elles ont un talent); déjà qu’il faut contrer les stéréotypes voulant que ce soit un sport pour les hommes et que celles qui s’y adonnent soient masculines ou lesbiennes, il faudrait en plus s’étonner que le talent ne soit pas en extrême éclosion dans le hockey féminin?
Mais qu’est-ce qu’on attend, bon sang? À un moment donné, on va devoir donner aux filles les moyens de leurs ambitions. Ça va nous prendre combien de siècles encore avant d’évoluer? Qu’est-ce qu’il va falloir faire pour que le sport professionnel féminin existe, soit financé adéquatement, pris au sérieux et suivi par les amateurs?
Marilyse Hamelin est journaliste indépendante et conférencière. On peut notamment la lire dans Le Devoir, La Gazette des femmes et le magazine spécialisé Planète F. Elle blogue également pour la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) et est l’auteure de l’essai Maternité, la face cachée du sexisme, publié chez Leméac.
Les opinions émises dans cet article n’engagent que l’auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de Châtelaine.