Couple et sexualité

Améliorer sa vie sexuelle grâce à la pleine conscience? Sans blague!

À la recherche d’une vie sexuelle plus satisfaisante? La solution se trouve dans l’état d’esprit, croit la psychologue et chercheuse en sexologie Lori Brotto.

Une sexualité épanouie? Qui s’y opposerait? Mais entre le boulot, les marmots et la routine du quotidien, tant de choses prennent le pas sur la vie sexuelle ou l’empêchent d’être pleinement satisfaisante. Et comme si ça n’était pas assez, les études démontrent que la moitié des femmes connaissent des problèmes d’ordre sexuel sous une forme ou une autre au cours de leur vie, qu’il s’agisse de baisse de libido ou de difficulté à atteindre l’orgasme.

Sans prétendre qu’il s’agit d’une recette toute faite, Lori Brotto, psychologue et chercheuse en sexologie à l’Université de la Colombie-Britannique, avance qu’on peut obtenir une meilleure vie sexuelle en se servant de sa tête. Depuis le début des années 2000, elle a aidé des centaines de femmes à enrichir leur vie sexuelle en leur enseignant la pleine conscience – c’est-à-dire la faculté de se concentrer sur le toucher et les sensations en étant dans le moment présent. C’est ainsi, écrit-elle dans son tout récent ouvrage Better Sex Through Mindfulness: How Women Can Cultivate Desir, que ces femmes ont amélioré leur relation de couple grâce à la sexualité, qu’elles prennent du plaisir au lit et ont plus d’orgasmes.

Quand on entend parler de sexualité et de pleine conscience, cela évoque la sexualité tantrique un peu hippie. Mais qu’est-ce au juste?

Je parle effectivement de pratiquer la pleine conscience pendant les rapports sexuels. Mais ce que nous avons découvert, mes collègues et moi, et que nous enseignons dans les cours que nous proposons depuis plusieurs années, c’est qu’il faut acquérir cette habileté et la mettre en pratique dans l’ensemble de sa vie. Si on vit continuellement en mode multitâche et que l’on n’est jamais dans le moment présent, ce sera très difficile d’atteindre cet état pendant une relation sexuelle. Le cerveau a intégré le mode multitâche et aura du mal à lâcher prise.

Beaucoup de femmes s’enorgueillissent d’exceller dans le multitâche, mais vous dites que cela peut nuire à leur vie sexuelle…

La recherche a démontré que le multitâche est très nocif pour le cerveau de manière générale. On peut avoir l’impression d’être très productive en allant et venant d’une tâche à l’autre, mais ces arrêts sont plus exigeants pour le cerveau. Même chose pour les rapports sexuels. On doit chercher à mieux lier le cerveau et le corps. C’est même nécessaire. Et cela ne s’opère pas par réflexe. Le fait même d’essayer de se concentrer sur le moment présent peut constituer en soi une distraction, ou peut même ouvrir la porte à des pensées négatives, du genre: «Vais-je réagir de façon adéquate? Vais-je réussir à avoir un orgasme? Vais-je décevoir mon partenaire?»

Lori Brotto. Photo: Martin Dee

Donc, on ressent beaucoup de pression dans ces moments-là.

Énormément. Quand cette pression se fait sentir, elle active la région du cerveau où se trouve le système limbique et l’amygdale cérébrale, qui déclenche la peur et l’anxiété. Quand cela se produit, le cerveau libère du cortisol, l’hormone du stress, ce qui entraîne une réaction de lutte ou de fuite, avec le corps qui se prépare au combat. Ce mécanisme est aux antipodes de celui de l’excitation sexuelle, qui, lui, relève du système nerveux parasympathique. (Quand nous tombons dans des comportements de jugement, de stress, d’inquiétude, c’est le système nerveux sympathique qui entre en jeu.)

Qu’est-ce que votre recherche a permis d’établir à propos des bienfaits de la pleine conscience au cours des relations sexuelles?

Un fait qui se confirme depuis les premières recherches effectuées en 2003, c’est que les femmes disent ressentir plus de désir, plus d’excitation, plus de satisfaction sexuelle. On observe également une amélioration de l’humeur ainsi qu’une baisse de l’anxiété. Nous effectuons en ce moment un vaste essai clinique dans lequel nous essayons de déterminer quelles femmes en retirent les plus grands bienfaits: celles qui ont pratiqué le yoga? celles qui sont sujettes à la dépression? celles qui ont une excellente relation de couple? Nous ne savons pas encore.

Vous racontez dans votre livre que, au départ, vous et votre équipe étiez convaincues que les femmes débordées ne se mettraient pas à pratiquer la pleine conscience dans le but d’améliorer leur vie sexuelle – mais elles l’ont fait. Comment les avez-vous persuadées?

Lors de la première séance, il y a toujours des femmes qui disent: «Je n’aime pas le yoga, la méditation n’est pas pour moi, je suis une vraie adepte du multitâche, j’adore rayer les choses sur ma liste.» Il faut un peu plus de temps à certaines personnes. Elles devront ressentir d’elles-mêmes les bienfaits de la pleine conscience avant de songer à l’intégrer à leurs rapports sexuels. Pour les convaincre, nous leur montrons les études réalisées à l’aide de la neuro-imagerie, où l’on peut voir les changements qui s’opèrent dans les différentes régions du cerveau en état de pleine conscience. Pour les femmes débordées, la possibilité de s’exercer dans leur bureau à l’heure du dîner, ou juste avant d’entrer en réunion, ou pendant qu’elles prennent leur repas du soir compte pour beaucoup.

Pour elles, la révélation survient souvent de manière inopinée. Elles sont chez le dentiste, avec une douleur atroce, elles se mettent en état de pleine conscience et elles remarquent: «C’est incroyable, quand je me concentre sur la douleur, ce n’est plus vraiment de la douleur que je ressens, mais une chaleur, une pulsation, un souffle qui va et qui vient.» Il s’agit habituellement d’une expérience vécue dans ce genre de situation – et non dans le contexte d’une relation sexuelle.

Comment sait-on qu’on est prête à y recourir au lit?

Avec le temps, on peut commencer à l’intégrer dans ses relations sexuelles. C’est habituellement au bout de cinq semaines dans nos cours. Au début, on peut expérimenter seule, en se masturbant. Puis on peut utiliser la pleine conscience pour se mettre vraiment à l’écoute et peut-être arriver à ressentir les sensations d’une façon entièrement nouvelle. Bien sûr, c’est différent pour chaque personne.

Imaginez que vous vous trouvez dans un ascenseur avec quelqu’un qui est tout à fait sceptique quant à la pleine conscience. Que lui dites-vous?

Je lui dirais qu’il a été démontré qu’on peut exercer sa pleine conscience tout comme on exerce un muscle. Que la pleine conscience modifie le cerveau ainsi que son fonctionnement. Qu’on peut commencer à tout âge à développer cette habileté à prendre conscience des choses d’une nouvelle façon. Et que quand on le fait, c’est sensationnel, et que les répercussions sont innombrables. On dispose tout à coup d’un moyen de gérer les pensées négatives, on peut connaître des sensations qu’on n’avait jamais connues. Que tout à coup notre expérience du moment présent devient incroyablement pleine et différente de ce qu’elle était auparavant.

Et remplie d’orgasmes!

Oui, mais peut-être pas dans l’ascenseur.

POUR TOUT SAVOIR EN PRIMEUR

Inscrivez-vous aux infolettres de Châtelaine
  • En vous inscrivant, vous acceptez nos conditions d'utilisation et politique de confidentialité. Vous pouvez vous désinscrire à tout moment.