Couple et sexualité

Histoires de couples : une famille à deux

Le choix de ne pas avoir d’enfants.

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Isabelle Hénault, 36 ans, et Marc-André Couture, 40 ans.

« On peut partager autrement qu’avec des enfants. »

Ils se sont connus au cégep et ont passé la moitié de leur vie ensemble. Ils forment déjà un vieux couple ! Ils sont amoureux fous. Et très heureux d’avoir choisi de ne pas avoir d’enfants. Des exceptions ? De moins en moins.

Des enfants ? Comme (presque) tous les couples, Marc-André Couture et Isabelle Hénault avaient tenu pour acquis qu’ils en auraient un jour. Et s’étaient donné le 35e anniversaire d’Isabelle comme échéance. Mais, deux ans avant la date prévue, Marc-André en a eu assez de cette incertitude. Un soir, il a fait la grande demande à Isabelle : « On réfléchit toute la journée demain. On achète une bonne bouteille, on se mitonne un souper. Et on tranche. »

Le lendemain soir, après le boulot, ils se sont retrouvés autour d’un poulet aux petits légumes. « Alors ?, a demandé Marc-André.

– C’est ton idée, a rétorqué Isabelle. Parle le premier.

– OK. Je ne veux pas d’enfants.

– Moi non plus, je n’en veux pas. »

Ils ont débouché la bouteille.

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C’était en janvier 2010. Isabelle avait 33 ans, Marc-André, 37. Malgré les apparences, ce n’était pas un coup de tête, affirment-ils tous les deux. Ils y pensaient depuis des années, avaient eu de longues et profondes conversations à ce sujet.

Les valeurs qu’ils voulaient transmettre, le type d’éducation qu’ils privilégiaient, la certitude de ne pas vouloir faire un enfant unique…

En fait, disent-ils, ils auraient peut-être fondé une famille vers la fin de la vingtaine, comme un peu tout le monde et sans trop se poser de questions. Et ils auraient probablement été heureux. Mais, à ce moment-là, Marc-André, qui est éclairagiste, s’est fait proposer une tournée avec le Cirque du Soleil. Le couple a fait ses valises. L’Angleterre, l’Allemagne, la Suisse, le Danemark, les États-Unis… Pendant trois ans, ils ont déménagé toutes les six semaines. Pas question d’avoir un bébé dans ces conditions.

Au retour, il a fallu s’installer, trouver des emplois, retisser les liens avec des proches, apprivoiser la sédentarité. « La première année, les meubles changeaient de place toutes les semaines ! » rigole Isabelle. Ils ne se sentaient ni l’énergie ni la stabilité financière pour avoir un enfant tout de suite. Mais ils ont loué un appartement avec une chambre de plus, pour le bébé.

Marc-André a tout doucement réalisé qu’il rêvait de quelques moments mignons, les premiers pas, les premiers mots. Mais pas de toute la vie de l’enfant. Qu’il n’avait pas le goût de devenir un parent qui ne vit que pour ses petits. « Gagner des sous, entretenir la maison, s’occuper des autres, Isabelle et moi, on fait tout de façon égalitaire, dit-il. Un enfant nous aurait obligés à changer tout ça. J’ai le plus gros revenu, donc j’aurais travaillé plus, Isabelle serait restée davantage à la maison. Je n’avais pas envie de ça. »

Isabelle réfléchissait aussi. «  Toute mon existence, j’ai entendu que je deviendrais mère, dit-elle. Que je serais très bonne, que j’étais faite pour ça. Mais cette idée n’était pas la mienne. Finalement, je vivais ça comme une commande à remplir. »

Et quelle commande. Dans leurs familles, tout le monde s’attendait à ce qu’ils aient des enfants. On leur posait des questions, on guettait les signes. « Cette pression, c’est surtout Isabelle qui la subissait, dit Marc-André. Au début, ça me faisait sourire. Mais, à un moment, ce n’était plus drôle. Tout le monde ne lui parlait plus que de ça. »

Un soir, en revenant d’un souper familial, Isabelle a explosé. « J’ai pleuré, crié. J’avais l’impression de n’être pour les gens qu’un utérus sur pattes. De ne plus exister pour autre chose. C’était invivable. »

C’est ce qui a décidé Marc-André à régler la question. Un mois après le souper de poulet aux légumes, il était vasectomisé.

Quatre ans plus tard, ils sont toujours convaincus d’avoir pris la bonne décision. Le couple s’est installé dans sa famille à deux. Ils ont fait un grand voyage en Chine, transformé la chambre de bébé en salon de lecture, investi dans leurs carrières respectives et leurs amitiés. Ils se disent comblés par leurs relations avec la progéniture des autres. « Nous sommes là pour nos proches, pour offrir du répit à nos amis et à leurs enfants, dit Isabelle. Quand ils seront en crise d’adolescence, ils pourront venir se réfugier chez nous ! »

Et si l’autre disparaissait ? « C’est une décision de couple mais c’est aussi un choix individuel, assure Marc-André. Isabelle est la femme de ma vie. Si je ne veux pas d’enfants avec elle, je n’en voudrai pas davantage avec quelqu’un d’autre. »

Bien sûr, ils ont tout entendu. Qu’ils pourraient adopter. Qu’une vasectomie, « ça se recoud ». Qu’ils vont le regretter plus tard. « Personne ne demande jamais aux parents pourquoi ils ont eu des enfants, déplore Isabelle. Nous, il faut constamment nous justifier. »

« On n’est pas plus égoïstes que les autres, complète Marc-André. Avoir des enfants pour te donner une raison de vivre ou pour sauver ton couple, c’est de l’égoïsme aussi. Moi, je suis obligé de me regarder dans le miroir chaque matin, de travailler sur moi-même. J’essaie de changer le monde, à ma mesure. Je n’ai personne à qui refiler cette charge-là. »

Un modèle en croissance

Famille = 2 adultes + enfants ? Plus maintenant.

60 %  Proportion de familles sans enfants au Canada

Difficile de savoir combien de couples choisissent de ne pas avoir d’enfants. Les données mettent dans le même sac les couples qui n’en ont pas encore, ceux dont la progéniture a quitté la maison et ceux qui n’en ont pas eu, par choix ou autrement. Mais en 2006, pour la première fois, les familles considérées comme sans enfants sont devenues majoritaires au Canada. Et la proportion n’a cessé d’augmenter depuis pour atteindre 6 couples sur 10 en 2011.

1 sur 5  Proportion de femmes qui n’auront jamais d’enfants, selon une étude américaine. La moitié d’entre elles par choix. Donc, 1 femme sur 10 choisit de ne pas être mère.

7 %  Proportion des Canadiens âgés entre 20 et 34 ans disant ne pas vouloir d’enfants, selon une étude menée par des chercheuses de Statistique Canada il y a une dizaine d’années. Aucune autre étude du genre n’a été menée depuis.

À lire : tous les articles du dossier spécial Histoires de couples.

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