Couple et sexualité

L’orgasme à tout prix

Un orgasme est un orgasme. Qu’importe sa source et son intensité. Pour autant qu’il soit satisfaisant.


 

Vous n’êtes pas une femme fontaine ? Vous ne jouissez pas sur commande ? La relation coïtale ne vous expédie pas au septième ciel ? Et puis après ? Vos orgasmes vous satisfont ? Vos rapports intimes sont joyeux et libres ? Votre vie sexuelle insuffle de la saveur à votre vie ? Formidable. Ne laissez personne vous convaincre que vous êtes un fossile de la volupté.

Vers la fin des années 1960, William Masters et Virginia Johnson ont été les premiers sexologues à observer la réponse sexuelle humaine en laboratoire. Depuis, la typologie des orgasmes féminins s’est allongée presque à l’infini. Après les orgasmes clitoridien et vaginal, il y a eu des orgasmes vulvaire, coïtal, simultané, utérin, éjaculatoire, post-éjaculatoire réflexe, « pointgéïste », et j’en passe. C’est à y perdre… son orgasme ! Pas étonnant que de nombreuses femmes se soient mises à se sentir incompétentes en n’éprouvant pas le dernier orgasme répertorié.

Tous les sexologues vous le diront, l’anorgasmie coïtale (difficulté ou incapacité d’avoir un orgasme par le va-et-vient du pénis dans le vagin) est un des motifs les plus fréquents de consultation chez les femmes. Rien de surprenant puisqu’on insinue, à mots couverts, que les « vraies femmes » jouissent ainsi. Or, le fait est que ça n’est pas le cas pour la plupart d’entre elles, si vraies et matures soient-elles !

Depuis la révolution sexuelle, qui a coïncidé avec l’avènement de la sexologie clinique, on a accordé une telle valeur à cette fugace expérience que certains l’ont comparée à un produit boursier. Le psychologue et sociologue Paul Watzlawick, l’un des plus grands théoriciens de la communication, a mis en parallèle la valeur de l’or et celle de l’orgasme : les caractéristiques du premier comme du second sont connues et vérifiables, mais leur valeur et le rôle qu’ils jouent dans l’économie de nos sociétés sont des réalités fabriquées de toutes pièces. Il ne faut jamais oublier que la cote de l’or est décidée deux fois par semaine par quelques bonshommes, dans un petit bureau londonien. Et la valeur de l’orgasme ? Récemment, des psychologues américains l’ont évalué à… 7 000 $. Je déduis de leur étude friponne que c’est le fait de l’atteindre qui vaut cette somme… Autrement, si chaque orgasme valait à lui seul ce montant, nous serions moins pauvres et les femmes multiorgasmiques rivaliseraient de richesse avec les Céline et Oprah de la planète.

Soyons sérieuses. Un orgasme est un orgasme. Peu importe les sources de stimulation qui contribuent à le déclencher (clitoris, mamelons, lèvres, point G, orifice vaginal…), les vagues bienfaisantes qui le caractérisent sont toujours perçues dans le tiers externe du vagin. Le fait que la relation coïtale ne conduise pas toutes les femmes à l’explosion orgasmique ne les empêche pas de désirer et d’apprécier la pénétration, puis de parvenir au summum du plaisir par d’autres types de caresses. C’est ainsi : certaines ont une géographie érotique vaste, d’autres ont un répertoire plus spécialisé. Et ce sont des critères subjectifs qui exaltent notre évaluation quand vient le temps de coter notre plaisir.

Avouons-le franchement. Quand un homme se demande si une femme est clitoridienne ou vaginale, il veut en réalité savoir si elle finira par jouir par le frottement de son pénis le long de ses parois vaginales. Ou si son labeur sera vain. En boutade, je dis parfois que l’orgasme dit vaginal aurait dû s’appeler « orgasme pénien » puisqu’il est sous-entendu ici que c’est le sexe masculin qui joue le rôle catalyseur. Mais on a tant valorisé cette jouissance, calquée sur l’orgasme masculin éjaculatoire, on l’a tant ennoblie, qu’on a fini par en faire le but suprême à atteindre. Résultat : trop de femmes croient fermement que c’est la seule manière de jouir qui soit valable et approuvée et, par conséquent, se sentent inadéquates de ne pas l’expérimenter. Certaines, pour se montrer à la hauteur ou pour gonfler l’ego de leur partenaire, cultivent l’art de la feinte, au détriment de leur plaisir et au risque d’installer le lien érotique dans le mensonge.

Le clitoris est au cœur de la jouissance et de la sexualité féminines. C’est d’ailleurs le seul organe du corps humain dont l’unique fonction est le plaisir. Il se prolonge bien au-delà de ses frontières visibles et les milliers de fibres nerveuses qui sillonnent la vulve interagissent avec son noyau central. Ainsi, la peau entourant l’orifice urinaire, extrêmement sensible, permet à certaines femmes d’atteindre l’orgasme pendant le va-et-vient coïtal puisque ce tissu est alors vigoureusement stimulé. D’autres affirment jouir quand une bonne pression s’exerce à l’intérieur du vagin. C’est ce qui a conduit le gynécologue Ernst Gräfenberg à parler de l’existence du point G, qui serait une zone de sensibilité interne. Il a simplement oublié de mentionner (peut-être ne le savait-il pas ?) que les racines du clitoris se dispersent profondément, en étoile, et peuvent être stimulées par d’autres voies… On pense donc, de plus en plus, que le point G serait une autre voie d’accès au réseau clitoridien.

Enfin, la plénitude érotique ne réside pas seulement dans cette félicité immédiate que procure la détente génitale. À preuve, bien des personnes, hommes et femmes, se disent sexuellement insatisfaites malgré leur talent à se gratifier d’orgasmes masturbatoires torrides. À vrai dire, les deux sexes décrivent les orgasmes « relationnels » comme étant les plus satisfaisants. Comme quoi, le bonheur érotique revêt une signification plus profonde, plus métaphysique que la simple mesure de l’« orgasmomètre ».

Concrètement, l’orgasme est l’intervalle le plus fugace de la promenade érotique : quelques époustouflantes secondes au cours desquelles de 3 à 12 spasmes de plaisir libératoire se suivent à 0,8 seconde d’intervalle chez les deux sexes. C’est donc la plus courte étape de la réponse sexuelle qui comprend quatre phases : l’excitation, le plateau, l’orgasme (quand il est au rendez-vous) et la résolution.

Et puis, l’orgasme, c’est peut-être aussi ce qui se passe après…

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