Couple et sexualité

Sexe et grossesse

La libido d’une femme enceinte va de la torpeur à la douceur en passant par la ferveur.


 

Enceinte, j’explosais de vitalité. Je me sentais belle, désirable, et ma vie sexuelle était un véritable feu d’artifice », dira l’une. Une autre, tout aussi normale, se plaindra : « Durant ma grossesse, j’avais le sentiment d’être une sorte d’hybride, mi-éléphante, mi-tortue. Je me sentais immense et léthargique. Je passais mon temps au lit et c’était pour dormir ! »

L’intérêt sexuel varie d’une femme enceinte à l’autre : c’est un tremplin érotique ou une traversée du désert. Malgré ces différences individuelles, la libido suit habituellement un tempo chronologique torpeur-ferveur-douceur au cours de la grossesse : somnolence sexuelle au premier trimestre, ardeur renouvelée au second, puis accalmie entraînant une baisse marquée des étreintes coïtales ou un cessez-le-coït draconien, en fin de gestation. Rassurez-vous tout de suite : les rapprochements intimes ne posent aucun problème quand une grossesse n’est pas à risques.

Dans le passé, sous prétexte de protéger le fœtus ou par pure ignorance, la plupart des civilisations ont restreint ou interdit l’activité sexuelle pendant la grossesse. Ici, au Québec, les embargos médicaux ou religieux ont prévalu jusqu’aux années 1960 et les livres spécialisés pour futures mamans étaient, à ce chapitre, d’un silence éloquent.

Première saison : la torpeur. Elle a sommeil. La fatigue et la déferlante hormonale, ajoutées à la nausée pour certaines, modèrent les transports érotiques. Un phénoménal réaménagement interne entraîne des chambardements externes bien perceptibles : seins douloureux, zone génitale sensible et lubrification vaginale abondante qui n’ont rien à voir avec le désir (durant la grossesse, la circulation sanguine est amplifiée dans la région pelvienne, augmentant ainsi la lubrification vaginale). Avec un corps soumis à tant de bouleversements, pas étonnant que Madame soit désemparée, que son humeur se montre cyclothymique. Elle est dans sa bulle. Incrédule. Celle qui vit une première grossesse peut craindre que la pénétration provoque un avortement spontané. L’organisme met quelque temps à s’adapter à ce déluge hormonal.

Deuxième saison : la ferveur. Le vent tourne. La future maman pétille d’énergie et se sent irrésistible : « Miroir, ô miroir, comment puis-je être aussi belle ? » À ce stade, il n’est pas rare que la femme éprouve une intensité et une pluralité orgasmiques sans précédent. Sa plénitude corporelle, sa femellité patente et ses incontournables seins gonflent l’orgueil… et la virilité du futur père. Elle ne s’en plaint pas et va de rêves érotiques diurnes en rêves érotiques nocturnes, ces derniers menant parfois à des orgasmes spontanés, déclenchés par la seule imagerie onirique. Véritables manufactures d’hormones, ses ovaires fonctionnent à pleine vapeur et fouettent sa réceptivité érotique : ils fabriquent en un seul jour autant d’œstrogènes que durant trois ans, en temps normal. Résultat : des cheveux lustrés, une peau satinée, une vulve et un vagin engorgés qui ont du « répondant », des seins moins sensibles qu’au premier trimestre et, grâce à la relaxine, un bassin tout détendu.

Pour diminuer l’inconfort et l’inquiétude au moment des relations sexuelles avec pénétration, on adapte les positions. Par-dessus, la femme est plus libre de ses mouvements et peut ainsi contrôler la profondeur de la pénétration. La position latérale réduit la pression sur l’abdomen. Le fœtus, rappelons-le, est bien protégé. Une interdiction absolument formelle : ne jamais, quand on fait des câlins oraux, souffler dans le vagin à cause du risque d’embolie gazeuse (migration de bulles d’air dans la circulation sanguine) dont les répercussions sont très graves.

Troisième saison : la douceur. L’heure est à la communication affective. Son besoin d’être dorlotée grossit au même rythme que sa bedaine. Elle doute de revoir un jour le bout de ses orteils et a tendance à l’introspection. Dans les dernières semaines, il arrive que l’utérus joue le délinquant au moment de l’orgasme. Par exemple, une sorte de crampe pouvant durer jusqu’à une minute peut se substituer aux vagues rythmiques de l’orgasme. C’est surprenant, peu agréable mais sans danger. De plus, à ce stade, la congestion pelvienne n’étant plus totalement soulagée par l’orgasme, un engorgement persiste. Ressentie comme une stagnation de tension sexuelle, cette sensation incommode. Une douche tiède est alors bienfaisante. En fin de grossesse, l’utérus peut aussi se contracter de manière discontinue et faire craindre l’accouchement avant terme.

Pour tout cela et en raison d’un corps moins souple et d’un ventre himalayen, l’intimité coïtale diminue de façon notable ou est inexistante. L’accouchement imminent génère une légitime anxiété chez le partenaire, impressionné par « l’ampleur » de sa compagne. Il peut craindre de blesser bébé. C’est le moment des cajoleries érotiques et sensuelles para ou extra coïtales. C’est aussi le moment de se faire plaisir : sorties, dîners au resto, cinémas…Il faut en profiter car, d’ici peu, les escapades en amoureux seront moins spontanées et moins faciles à organiser.

Certaines femmes imaginent bébé comme un spectateur de leurs ébats charnels. Elles se sentent honteuses d’éprouver du plaisir « en sa présence ». Allons donc ! Bébé ne pourrait que se réjouir de la joie de ses « vieux » ! D’autres s’inquiètent : une relation sexuelle au neuvième mois peut-elle déclencher le travail ? Aucune étude ne le démontre de façon concluante et, si un risque théorique est possible, il est mince. L’orgasme suscite la sécrétion d’ocytocine, hormone qui peut stimuler les glandes mammaires et provoquer un écoulement de lait. Quant à la prostaglandine contenue dans le sperme, elle est bien trop insuffisante pour provoquer le travail.

Enfin, plusieurs craignent que leur homme soit tenté d’aller renifler un corps plus svelte. Il arrive que des hommes aient leur première incartade extraconjugale au moment de la grossesse de leur conjointe. Mais il y a bien 12 000 autres prétextes pour aller voir ailleurs. Le mieux est toujours de se parler, d’échanger, de partager ses inquiétudes. C’est la qualité du lien affectif antérieur et le niveau de complicité et de solidarité qui sont les meilleurs garants de la qualité de l’alliance érotique et amoureuse.

Ne l’oublions pas : l’homme devient père en un instant à la suite d’un acte fondé sur l’orgasme éjaculatoire. Alors que la femme vit un rapport charnel – sans connotation sexuelle – avec le bébé dans son ventre pendant neuf mois.

La grossesse fournit l’occasion de saisir et d’explorer les multiples facettes de l’érotisme. Elle est presque toujours le point de départ d’un pacte érotico-amoureux revu, revisité et inédit, à la condition qu’on fasse attention l’un à l’autre. Et surtout, à la condition de savoir rester amants une fois devenus parents.

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