Est-ce que je bois trop ? : Vite, un apéro !par Chantal Éthier
L’autre écueil qui nous guette, paraît-il, c’est la dépendance. À cause de notre incapacité physiologique à éliminer l’alcool rapidement, nous, les femmes, développons une dépendance physiologique deux fois plus rapidement que les hommes.
Boire beaucoup peut-il vraiment mener à l’alcoolisme ? Le docteur Jean-Pierre Chiasson, spécialiste des toxicomanies, croit que oui. « L’alcool agit comme un neurodépresseur sur les neurotransmetteurs du cerveau et il vous calme. Mais plus vous buvez, plus votre cerveau développe une tolérance à l’alcool et, bientôt, pour ressentir la même sensation de bien-être, vous devez augmenter la dose. » Pourtant, si la consommation d’alcool augmente chez les deux sexes, encore et toujours, les hommes boivent plus que les femmes. D’ailleurs, trois alcooliques sur quatre sont des hommes.Mais l’alcoolisme fait peur. À preuve... Ne nommons personne, puisqu’en matière d’alcool tout le monde veut garder l’anonymat. Contentons-nous de planter le décor et les personnages : deux belles-sœurs, en vacances avec un total de six enfants, dont des jumeaux de trois ans et qui, à 15 h 30, se regardent, épuisées, espérant avoir l’approbation de l’autre : « Est-il assez tard pour prendre l’apéro ? »Ou encore, cette autre copine qui téléphone à 17 heures pour me dire : « Ma journée a été pourrie, tout a marché de travers, alors j’ouvre une bouteille de vin. » J’entends effectivement des bruits de bouchon. « Et comme tu es au bout du fil, on ne pourra pas dire que je suis une pauvre femme qui boit toute seule ! »
L’alcoolisme n’est malheureusement pas seulement une question de quantité. Il y a aussi et surtout les raisons pour lesquelles on prend un verre. La psychologue Louise Nadeau, qui étudie depuis 20 ans la relation qu’entretiennent les femmes avec l’alcool, travaille actuellement à une large étude parrainée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui touche des femmes de 25 pays. « Une de nos découvertes majeures : lorsqu’on commence à se tourner vers l’alcool pour soigner une peine d’amour, parce qu’un enfant est difficile ou parce qu’on traverse une épreuve, bref, quand l’alcool devient un médicament pour noyer le chagrin, on court un risque élevé de devenir alcoolique. On a observé ce phénomène autant chez les Québécoises et les Américaines que chez les Européennes. »L’alcool est un neurodépresseur. Certes, il calme, mais plus on boit, plus on se sent déprimée. Alors s’installe un cycle infernal : on commence à boire parce qu’on est déprimée ; notre dépression augmente… et on boit encore plus.Il y a 25 ans, le portrait type de la femme alcoolique était la mère de famille qui souffrait du « syndrome du nid vide ». « L’arrivée des femmes sur le marché du travail a engendré d’autres problèmes, explique le docteur Chiasson. Elles se sont retrouvées avec deux ou trois jobs, un stress énorme, et elles ont eu recours à l’alcool pour calmer leur angoisse, leur insécurité ou leur insomnie. »