Santé

L’apnée du sommeil chez la femme: un trouble sous-diagnostiqué

Toujours fatiguée? Les symptômes de l’apnée obstructive du sommeil peuvent être différents chez la femme. Ils prennent souvent la forme de dépression, d’anxiété, de douleurs ou d’insomnie.

Photo: Masterfile

L’apnée du sommeil? On l’associe souvent aux hommes plutôt âgés qui ronflent beaucoup. Mais, selon les études des dernières années, ce trouble caractérisé par de brèves interruptions de la respiration pendant le sommeil est aussi courant chez les femmes. Puisque ces dernières présentent souvent des symptômes différents, elles sont beaucoup plus susceptibles de ne pas recevoir le bon diagnostic.

Des particularités féminines

Quand une femme reçoit un tel diagnostic, c’est souvent à la suite d’un test de «dernier recours» visant à tenter d’expliquer ses symptômes. «Elle aura souvent déjà été traitée pour la dépression, l’anxiété et l’insomnie», explique la Dre Helen Driver, professeure adjointe au Département de médecine de l’Université Queen’s et responsable d’un laboratoire des troubles du sommeil à l’hôpital général de Kingston.

Chez la femme, les voies aériennes supérieures sont moins portées à autant s’affaisser que chez l’homme – elles auront plutôt tendance à s’affaisser en partie, un trouble qu’on appelle hypopnée. Dans d’autres cas, les voies respiratoires rétrécissent durant le sommeil, et on parle alors de syndrome de haute résistance des voies aériennes supérieures. Quand l’hypopnée et le rétrécissement des voies respiratoires sont considérés importants – selon les mesures obtenues grâce à des tests de laboratoire –, la patiente reçoit un diagnostic d’apnée obstructive du sommeil.

Parce que les femmes sont moins susceptibles de subir des apnées complètes durant leur sommeil, elles se réveillent moins en état de manque d’air que les hommes. Cet état de suffocation est un symptôme caractéristique, et c’est habituellement la conjointe qui le remarque. «Les hommes ont souvent ce qu’on appelle de l’apnée rapportée, où leur conjointe leur dit: “Je te vois retenir ton souffle”», relate la Dre Driver. L’apnée chez la femme, à l’inverse, peut facilement passer inaperçue de la part du conjoint.

Le rétrécissement des voies respiratoires signifie tout de même pour la femme un apport en oxygène réduit, ce qui exige un effort accru pour respirer – et donne lieu au final à un sommeil moins réparateur. «Les patientes rapportent parfois qu’elles transpirent pendant leur sommeil, ce qui peut être un symptôme de ménopause, mais peut également être associé à l’apnée du sommeil et au plus grand effort respiratoire», souligne la Dre Driver.

Les hommes souffrant d’apnée se plaignent souvent d’une grande somnolence diurne. Quant aux femmes, elles ont des maux de tête, des douleurs (qui peuvent être attribuables à la fatigue) et de l’insomnie. Ceci s’explique par le fait que les femmes ont, en général, le sommeil plus léger et ont tendance à se réveiller lorsque leur respiration se fait plus difficile.

Un problème plus courant qu’on le croit

Un symptôme commun aux hommes et aux femmes souffrant d’apnée est «la sensation d’avoir eu une nuit peu reposante», dit la Dre Driver. Et tant les hommes que les femmes qui font de l’apnée ont tendance à ronfler, même si les ronflements des femmes sont moins sonores que ceux des hommes. Un autre symptôme caractéristique commun aux deux sexes est la sécheresse de la bouche au réveil.

Des données récentes indiquent que l’apnée modérée à grave affecterait 3 % des femmes âgées de 30 à 49 ans et 9 % des femmes de 50 ans et plus (comparativement à 10 % et 17 % respectivement pour les hommes). Mais selon l’Agence de la santé publique du Canada, la prévalence réelle de l’apnée du sommeil pourrait être beaucoup plus élevée. Environ un quart des Canadiens ont des facteurs de risque qui les exposent à l’apnée du sommeil, et la plupart des gens ne sont pas conscients que leur respiration devient intermittente ou moins profonde pendant qu’ils dorment. Les conséquences peuvent être graves : l’apnée non traitée peut entraîner l’hypertension artérielle et augmenter le risque de crise cardiaque et d’AVC.

Reste que ce trouble du sommeil est difficile à diagnostiquer chez les femmes. Par exemple, l’insomnie et la transpiration étant également communs à la ménopause, les symptômes de l’apnée sont donc souvent mis sur le compte de celle-ci. Il faut aussi savoir que les changements hormonaux qui surviennent à la ménopause augmentent le risque d’apnée, selon la Dre Driver. «La progestérone est un stimulant respiratoire, qui a un effet protecteur.»

Les personnes présentant une surcharge pondérale autour de la taille (par opposition aux hanches) sont également plus sujettes à l’apnée du sommeil, car ce surplus de poids peut contribuer à l’affaissement des voies respiratoires en position couchée. On a également observé un taux plus élevé d’apnée chez celles qui sont affectées par le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK).

apnée du sommeil

Photo: iStock.com/cherrybeans

La technologie à la rescousse

Bonne nouvelle: les progrès technologiques permettent de mieux diagnostiquer les apnées plus subtiles qui touchent surtout les femmes. Au lieu de mesurer le flux respiratoire en fonction de la différence de température entre l’air inspiré et l’air expiré pendant le sommeil, les nouveaux tests enregistrent la pression de l’air, une mesure plus précise.

Et le traitement pour l’apnée du sommeil est relativement simple, quoiqu’un peu encombrant sur l’oreiller. Le plus utilisé est l’appareil de ventilation en pression positive continue (PPC), un masque qui augmente la pression de l’air pour aider à maintenir les voies aériennes ouvertes. Dans certains cas, le traitement d’un problème sous-jacent pourra suffire à faire disparaître l’apnée du sommeil.

Si on pense avoir un problème d’apnée du sommeil, on peut demander à son médecin de famille de nous diriger vers une clinique du sommeil. Il faut être prête à insister si le médecin tente d’écarter rapidement la possibilité d’apnée. «Les médecins sont de plus en plus au courant que l’apnée du sommeil est diagnostiqué plus souvent chez les femmes», observe la Dre Driver.

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