1. Le bio, c’est quoi?
Un mode de culture et d’élevage sans pesticides, fertilisants, hormones de croissance ou organismes génétiquement modifiés (OGM). Les producteurs biologiques utilisent du compost, désherbent mécaniquement et font la rotation des cultures. Les animaux destinés au marché biologique sont nourris à 100 % de fourrages et de grains bios. Ils sont aussi traités avec respect. Ici, c’est le Conseil des appellations agroalimentaires du Québec (CAAQ) qui supervise la certification et la commercialisation des produits biologiques. Pour savoir si un produit est bio (ou pas), allez au cartv.gouv.qc.ca . Récemment encore, on ne trouvait ces aliments que dans les magasins spécialisés, les marchés publics ou les réseaux fermiers. Ce n’est plus le cas. En 2010, c’est dans les supermarchés qu’on a effectué 45 % des ventes de produits bios. Depuis que de grandes chaînes se sont lancées dans ce créneau, le nombre de fermes bios a doublé en Amérique du Nord.
2. Est-ce que c’est vraiment plus cher?
Les aliments certifiés biologiques coûtent de 30 % à 40 % plus cher que ceux issus de l’agriculture traditionnelle. Pourquoi? Les producteurs de la filière bio subissent plus de pertes parce qu’ils n’utilisent ni pesticides, ni hormones, ni antibiotiques. Ils sont moins subventionnés. Ils doivent également obtenir une certification « biologique », une démarche coûteuse qui demande jusqu’à trois ans. « On ne paie pas “trop cher” pour le bio, dit Lise Bergeron, journaliste au magazine Protégez-vous. On paie pour une agriculture beaucoup moins dommageable pour l’environnement, non cruelle envers les animaux et qui produit des aliments non contaminés par des résidus de toute sorte. » Il y a 40 ans, les familles consacraient entre le quart et le tiers de leur budget à l’alimentation. « Aujourd’hui, ce n’est plus que 10 % », dit Sylvain Charlebois, auteur de Pas dans mon assiette (Éditions Voix parallèles). Les consommateurs sont-ils prêts à payer plus cher pour leur panier d’épicerie? Rien n’est moins sûr. « L’industrie agroalimentaire leur offre ce qu’ils veulent : des calories à bas prix », souligne le chercheur. Il y a moyen de manger bio sans se ruiner, croit la nutritionniste végétarienne Anne-Marie Roy, engagée dans le mouvement des Lundis sans viande. « On économise en mangeant moins de viande et moins de fromage, et en puisant les protéines dans les lentilles, les pois chiches, les haricots rouges… » Des aliments qui, même bios, ne coûtent pas cher. Elle suggère d’opter pour des aliments peu ou pas transformés. On n’a, par exemple, qu’à préparer son gruau bio tous les matins plutôt que d’acheter des céréales commerciales. Le seul hic : cuisiner plus prend plus… de temps!
3. Est-ce mieux pour la santé?
« On entend parfois dire qu’une pomme bio vaut trois pommes ordinaires, mais c’est un mythe », dit la nutritionniste Hélène Baribeau, de Québec, associée au site Passeportsanté.net. Les produits biologiques ne contiennent pas beaucoup plus de vitamines et de minéraux que ceux qui ne le sont pas. C’est ce qu’a conclu l’American Journal of Clinical Nutrition, en 2009, après avoir analysé 162 études. Quelques années plus tôt, en 2001, une revue de 41 études démontrait toutefois l’avantage du bio : plus de vitamine C, de fer, de magnésium et de phosphore et moins d’eau. « Mais on est loin d’être certain que cela se concrétise par des bénéfices mesurables pour la santé », précise la nutritionniste Nathalie Jobin, du Centre universitaire de nutrition préventivede l’Université de Montréal (NutriUM). Les fruits et légumes bios seraient cependant plus riches en antioxydants, d’après de nombreux experts. Les plantes en fabriquent pour se défendre des agresseurs – insectes et champignons. « Quand nous mangeons ces végétaux, ils nous protègent à leur tour, explique Anne-Marie Roy. Mais si les pesticides font le travail à leur place, les plantes deviennent “paresseuses” et produisent moins de ces précieux nutriments. »
Acheter bio ou pas?
Entre l’oignon et la pomme, il y a un monde… Voici les 24 fruits et légumes qui comptent le plus et le moins de résidus de pesticides, selon la plus récente enquête de l’Environmental Working Group américain dévoilée en juin dernier.
Feu rouge
Les 12 fruits et légumes qui contiennent le plus de pesticides, du pire au moins pire :
1. Pomme
2. Céleri
3. Fraise
4. Pêche
5. Épinard
6. Nectarine
7. Raisin
8. Poivron
9. Pomme de terre
10. Bleuet
11. Laitue
12. Chou frisé
Feu vert
Les 12 fruits et légumes qui contiennent le moins de pesticides, du meilleur au pire :
1. Oignon
2. Maïs (épi)
3. Ananas
4. Avocat
5. Asperge
6. Petit pois
7. Mangue
8. Aubergine
9. Cantaloup
10. Kiwi
11. Chou
12. Pastèque
De la viande heureuse
On manque de fermes certifiées bios au Québec – surtout dans l’élevage. À défaut de manger de la viande certifiée, on peut s’approvisionner chez un producteur local ou une coopérative, qui, sans répondre à toutes les normes, a une façon de faire écologique. Des exemples : Boeuf Gaspésie ou les VitaliPré – Origine Nord Ouest, en Abitibi-Témiscamingue. Ces producteurs n’emploient ni hormones ni antibiotiques, à moins que l’animal ne soit malade. Depuis une dizaine d’années, des groupes écologistes cherchent à établir des codes de pratique qui permettent aux bêtes de vivre au naturel. Même les grandes entreprises s’y mettent. Le producteur et transformateur duBreton a trouvé sa niche dans le porc bio ou élevé sans antibiotiques. Loblaws offre, sous la marque Simplement bon, des viandes sans antibiotiques et sans hormones. Et le géant canadien Maple Leaf a annoncé l’abandon, d’ici 2020, des cages pour l’élevage des porcs.
4. Le non-bio, c’est quoi?
Pour produire davantage et limiter les pertes, l’agriculture industrielle a dû recourir aux hormones de croissance, aux antibiotiques et aux pesticides – pour ne nommer que ceux-là. Aux champs comme dans les élevages.
Les hormones de croissance.
On en donne aux bœufs de boucherie, mais pas aux vaches laitières, ni aux porcs, ni aux volailles. On inspecte la viande de bœuf pour s’assurer que les résidus respectent les normes établies par Santé Canada. Normes ou pas, l’Union européenne a pour sa part interdit l’usage des hormones de croissance et des antibiotiques chez les animaux de boucherie.
Les antibiotiques.
On les utilise dans l’élevage traditionnel du poulet, du porc et du bœuf. Cela permet, par exemple, d’augmenter de 25 % à 30 % le nombre de poulets dans le même enclos – sans qu’ils se contaminent mutuellement. De plus, sous antibiotiques, les animaux engraissent plus vite. Les agriculteurs les emploient donc comme facteur de croissance. Selon l’Organisation mondiale de la santé, notre résistance aux antibiotiques viendrait en partie de la viande que nous consommons. La Food and Drug Administration des États-Unis estime aussi que l’usage de ces produits représente une menace pour la santé humaine. À noter que le lait du Québec, contrairement à celui des États-Unis, ne contient ni hormones ni antibiotiques. De nombreux tests de contrôle sont effectués de la ferme à la laiterie. Le lait qui contient des traces de médicament est rejeté et son producteur doit payer une amende.
Les pesticides.
Ils éloignent les insectes, les champignons, les maladies et les mauvaises herbes qui s’attaquent aux récoltes. Résultat : moins de pertes pour les agriculteurs, et de meilleurs prix pour les consommateurs. Les résidus de pesticides sur les végétaux n’ont jamais été aussi minimes au pays, selon une étude de CropLife Canada menée en 2005. Huit aliments frais sur 10 n’en comportaient aucune trace. Pourtant au même moment, en 2004-2005, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) analysait près de 500 échantillons de fruits et légumes frais cultivés ici. Le tiers des échantillons contenaient des résidus de pesticides. Les pires? Les framboises et la laitue romaine. Les normes canadiennes sont parmi les plus strictes au monde, selon Extenso, le site de NutriUM. Pour déterminer le seuil sécuritaire pour l’être humain, Santé Canada établit la dose maximale de pesticides sans effet néfaste sur les animaux, qu’elle divise ensuite par 100. Ces normes étant conçues pour un adulte de poids moyen, des chercheurs s’inquiètent de l’effet des résidus sur la santé des enfants, des bébés et même du fœtus. Le chercheur et prof de l’Université de Guelph Sylvain Charlebois est de ceux-là. À cause d’un manque de ressources, l’Agence canadienne d’inspection des aliments ne réussit à analyser que 2 % de tous les fruits et légumes, fait-il remarquer. Et il sait de quoi il parle : il siège au Conseil national de cette agence.
5. Faut-il se méfier des aliments non bios?
Pour prévenir le cancer, on nous recommande de manger de 5 à 10 portions de fruits et légumes par jour. Mais les pesticides qu’ils contiennent ne risquent-ils pas de provoquer exactement l’effet contraire? Richard Béliveau, chercheur en oncologie, bien connu pour sa participation à l’émission Kampai et coauteur des Aliments contre le cancer, veut remettre les pendules à l’heure. « Le Fonds mondial de recherche contre le cancer a examiné près de 500 000 études sur le sujet, dit-il. Et aucune d’entre elles n’a réussi à établir de lien entre la pollution, les résidus toxiques et le cancer. La pre-mière recommandation du Fonds, c’est soyez mince… et nourrissez-vous surtout de végétaux. Or, les deux tiers des Canadiens ne mangent même pas leurs cinq portions de fruits et légumes! » Selon le biochimiste, la panique à propos des pesticides est générée par l’industrie des suppléments. « On essaie de nous faire croire qu’on sera plus en sécurité si on consomme des multivita-mines. Ce que les recherches démontrent, ce sont les bienfaits des fruits et légumes, bios ou pas, et non des comprimés, quels qu’ils soient. »
Ce n’est pas bio, alors on fait quoi?
On privilégie les fruits et légumes de chez nous.
Durant l’été, on consomme les végétaux du Québec. Durant l’hiver, on les achète surgelés – ceux d’Arctic Gardens, une entreprise québécoise, par exemple – plutôt qu’importés. Ils sont surgelés quelques heures à peine après la récolte; ils sont donc très frais. « J’ai plus peur de manquer d’antioxydants que d’avaler des pesticides », dit Nathalie Jobin, du Centre de nutrition préventive de l’Université de Montréal. De son côté, Richard Béliveau mange de tout. « Même des pêches,qui sont pourtant au haut de la liste de l’Environmental Working Group! »
On les lave et on les brosse
On retire les feuilles extérieures des laitues ainsi que les branches extérieures et les pointes des légumes-feuilles. Ensuite, on les lave à grande eau et, si possible, on les brosse vigoureusement. « Je rince mes fruits et mes légumes, non seulement pour enlever les résidus de pesticides, mais aussi parce qu’ils ont été manipulés par des dizaines de personnes », explique Richard Béliveau.
On évite de les peler
Car les antioxydants se logent juste sous la pelure. « Je ne pèle que les pêches et les poires parce que leur pelure plus poreuse laisse passer plus de résidus toxiques », précise la nutritionniste Nathalie Jobin.
On jette son savon « écologique »
Il n’enlève pas plus de pesticides que le lavage à l’eau. En revanche, quand on y a recours, on ingère des résidus de savon.
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