Psychologie

J’ai 50 ans, et alors?

Énergie, santé, liberté, argent… Et si les femmes de 50 ans étaient les plus heureuses?


 

Cinquante ans, c’est moche : la ménopause, les rides, la bedaine. Ben voyons! D’accord, un peu. Mais c’est aussi et surtout la liberté. Vivre avec ou sans compagnon? Changer de carrière? Courir des marathons?? C’est l’âge où on choisit sa vie. 

En Occident, la cinquantaine est en train de devenir un véritable raz-de-marée démographique. On ne compte plus les personnalités qui ont atteint le demi-siècle, dont Madonna, Julianne Moore,  Sharon Stone, Isabelle Adjani, Claudine Mercier (ci-contre)…

Avoir 50 ans aujourd’hui, c’est comme en avoir 40 en 1990. Si les femmes disaient enfin la vérité sur leur âge, tout le monde saurait que, à 50 ans, on peut toujours être au top!     « On est en meil­leure santé et plus en forme, avec une espérance de vie de 85 ans qu’on risque fort de dépasser : on a encore plus de 30 années de vie devant soi », explique Marcelle Dubé, chercheuse et professeure en travail social à l’Université du Québec à Chicoutimi.

En octobre 2010, la comédienne Guylaine Tremblay a eu 50 ans. Et? « Formidable! lance-t-elle tout de go. Je suis plus tolérante qu’avant. Je vais à l’essentiel. Je n’ai plus de temps à perdre avec les angoisses inutiles et les gens toxiques. »

Elle se tape toujours de grosses journées de tournage, qui commencent à 4?h du matin et durent une douzaine d’heures. Au théâtre, c’est un autre horaire, toujours exigeant, qui l’oblige à rentrer très tard. Quand elle travaille – et elle travaille beaucoup –, la comédienne prépare des repas à l’avance et, entre deux prises de vues, téléphone à la maison pour vérifier si ses filles de 12 et 15 ans ont fait leurs devoirs. « Actrice ou pas, on est mère 24?heures sur 24 », souligne-t-elle. Alors, la cinquantaine? « Je suis plus en forme qu’à 40 ans, assure-t-elle. J’ai cessé de fumer, je m’entraîne tous les jours et je surveille mon alimentation. »

La maison de sondage CROP a enquêté sur les Québécoises de 50 ans. Inutile de dire qu’elles sont très différentes de leurs mères. « Il y a 25 ans, c’étaient la famille et les obligations sociales qui définissaient leur vie, explique le président, Alain ­Giguère. Aujourd’hui, tout part d’elles-mêmes. Elles sont ce qu’elles veulent être et ce qu’elles sentent qu’elles sont. »


 

Et elles forment le groupe dont les valeurs seraient les plus     « porteuses », selon les experts en marketing. Autrement dit, elles sont en avance sur leur époque. « Elles s’impliquent socialement et leur sens des responsabilités s’exprime dans leurs choix de consommation, ajoute Alain Giguère. Les robes fabriquées par des enfants? Non, merci. » Et, surprise, elles sont plus sensibles aux questions écologiques que les jeunes, qui deviennent cyniques lorsqu’il s’agit de puiser dans leur portefeuille.

Autre constat : les Québécoises de 50 ans sont plutôt zen.       « Elles font attention à leur look, mais pas au point de se faire injecter du Botox ou de subir une chirurgie esthétique, ajoute le président de CROP. D’ailleurs, contrairement à ce que l’on croit, le souci de l’apparence est en chute libre depuis 20 ans! » Bien sûr, il existe un segment de la société plus narcissique, mais qui est loin de constituer la majorité.

Carmelle Pilon a 52 ans, les cheveux noir de jais et un sourire d’enfer. Elle court 15 kilomètres par semaine et jure qu’elle n’a jamais eu le moindre cheveu blanc. Le down de la ménopause, très peu pour elle. « Je fuis les femmes qui s’en plaignent, dit-elle. Moi, j’ai l’intention de travailler jusqu’à 75 ans et de vivre jusqu’à 100 ans. »

Elle a été directrice du Théâtre Corona, de GSI Musique, du Partenariat du Quartier des spectacles. Toute sa vie, elle a dirigé des organisations et géré des employés en travaillant 70 heures par semaine. « À 50 ans, j’en ai eu assez de botter des derrières, raconte-t-elle. J’ai décidé de m’établir à mon compte et d’investir dans ma propre entreprise, Flash Rose, qui produit des spectacles. » Elle est célibataire et son apparence physique ne la préoccupe pas. « Suis-je encore sexy? Je ne sais pas. Ça ne m’inquiète pas! » s’exclame-t-elle.

Malgré les inévitables questions existentielles, la plupart des femmes de 50 ans sont plongées dans l’action, occupées à faire les choses qui leur tiennent à cœur. Laurie Gottlieb, professeure de psychologie à l’École des sciences infirmières de l’Université McGill, a coécrit en 2005 Dreams Have No Expiry Date : A Practical and Inspirational Way for Women to Take Charge of Their Futures (« Les rêves n’ont pas de date d’échéance – Guide pratique et inspirant pour aider les femmes à tracer leur avenir »), qui porte sur les femmes et leurs projets à ce délicat tournant de la vie. «?Personne n’arrive à cet âge sans avoir acquis un solide bagage, affirme-t-elle. Ces forces permettent aux hommes et aux femmes de donner une nouvelle direction à leur existence. »


 

La force, voilà un des bénéfices de la cinquantaine. Johanne Boivin avait 30 ans lorsqu’elle a démarré son entreprise. Vingt ans plus tard, Joanel vend plus de 250 000 sacs à main à travers le monde. « Je travaille 65 heures par semaine et je suis toujours aussi passionnée par ce que je fais, déclare-t-elle. J’ai bossé quatre fois plus fort que les hommes et plus rien ne me fait peur. »

La cinquantaine apporte peut-être quelques plis, mais elle vient avec une prime : la confiance en soi. « Les chercheurs constatent depuis longtemps que les femmes s’affirment davantage à cet âge, fait remarquer Louise Cossette, professeure en psychologie à l’UQAM. Une tendance qu’on observait déjà dans les années 1970 et 1980, même chez les femmes qui menaient une vie plus traditionnelle. » Selon la chercheuse, les différences entre les hommes et les femmes ont tendance à s’atténuer à cet âge. Une question d’hormones?? Pas du tout. « Avec l’âge, les femmes découvrent qu’elles ont des capacités qu’elles ne croyaient pas avoir quand elles étaient plus jeunes », précise Louise Cossette.

Et puis, elles occupent de plus en plus le marché du travail. En 1990, un emploi sur cinq était détenu par une femme de 50 ans?; en 2010, c’était presque le double. Et elles travaillent plus longtemps. «Le déclin démographique crée des ouvertures. Pour les femmes, le départ à la retraite des hommes peut même représenter un avantage», rapporte l’économiste Diane-­Gabrielle Tremblay.

D’autres facteurs jouent. Comme elles ont leurs enfants plus tardivement qu’avant, bien des femmes de cet âge ont encore des ados à la maison. Elles doivent en outre s’occuper de leurs vieux parents, qui vivent eux aussi plus longtemps.

Or, les responsabilités familiales coûtent cher. «Et même si elles gagnent mieux leur vie, leur salaire est généralement inférieur à celui des hommes, ce qui a pour conséquence de les garder en poste plus longtemps», explique Diane-Gabrielle ­Tremblay.

Carole Bellon, 54 ans, propriétaire des Industries Bellon, fabricant d’auvents et de marquises depuis 1995, jure n’être pas motivée par l’argent. «J’imaginais la cinquantaine comme une pub de Liberté 55, rigole-t-elle. Mais à mesure que j’avance en âge, je réalise que je n’ai pas du tout envie de cesser de travailler. Alors que mon mari, au contraire, souhaite ralentir le rythme.»


 

Cinquante ans serait donc l’âge du pouvoir pour les femmes?? «C’est plus vrai qu’il y a 25 ans, répond Diane-Gabrielle Tremblay. Mais les femmes occupent des postes de gestion surtout dans des milieux traditionnellement féminins, comme la santé et l’éducation.» Dans le milieu de la finance, haut lieu du pouvoir, les Monique Leroux, présidente du Mouvement des caisses Desjardins, ou Christine Lagarde, directrice du Fonds monétaire international, font encore figure d’exception. Idem pour les conseils d’administration de grandes sociétés.

Toutefois, le « pouvoir » peut s’exercer autrement, par exemple grâce à davantage de contrôle sur sa propre existence. « La cinquantaine est la période de la vie où vous n’avez plus besoin de faire ce que vos parents attendaient de vous, soutient la professeure de psychologie Laurie Gottlieb. C’est le moment ou jamais de réaliser ses rêves. »

Après s’être occupée d’autres artistes pendant des années, Carmelle Pilon a concrétisé un projet qui lui tenait à cœur : monter une exposition de ses propres œuvres, des estampes grandeur nature, des gravures et des sculptures, sur le thème de l’arbre et de la forêt.

L’humoriste Claudine Mercier, qui avait étudié en arts plastiques, a pour sa part redécouvert la peinture, qui lui permet de s’exprimer librement, sans l’obligation de performer. « À 50 ans, dit-elle, il nous reste moins de temps et il faut faire ce qu’il faut pour être heureux. Pour moi, c’est utiliser ma créativité, de toutes les façons possibles. »

Une étude – parmi plusieurs autres qui toutes la corroborent – menée en Grande- Bretagne l’année dernière arrive à la conclusion que c’est dans la cinquantaine qu’on est le plus heureux. En fait, 40% des 1479 répondants ont mentionné n’avoir jamais été aussi satisfaits de leur vie et être en paix avec leur aspect physique et leurs accomplissements.

Un sondage ­Gallup, mené auprès de 340?000 Américains en 2010, démontre également que, à la mi-cinquantaine, on est en général moins stressé et moins anxieux qu’à 20 ans.

La comédienne Guylaine Tremblay, qui a rencontré son nouvel amoureux à 49 ans, est tout à fait d’accord. « J’ai davantage confiance en la vie. Je suis plus optimiste qu’à 20 ans et je suis fermement convaincue que le meilleur est à venir. » C’est rassurant, non?

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