Psychologie

Phobies : quand la peur paralyse

Irrationnelles, envahissantes et souvent paralysantes, les phobies peuvent empoisonner la vie des gens aux prises avec une peur extrême, qu’on peut heureusement traiter.

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Peur du noir, des hauteurs, des serpents, des foules, des grands espaces, de l’altitude, nous avons tous peur de certains dangers, qu’ils soient réels ou imaginaires. La peur en soi n’a rien d’anormal. Au contraire. Tel un système d’alarme, l’anxiété – qui est en fait l’anticipation d’un danger – est un système naturel d’autodéfense. C’est la peur qui nous empêche de frôler de trop près un précipice ou de toucher le feu. De fait, la peur est un réflexe inné qui prend racine dans nos origines préhistoriques.

L’animal qu’est l’humain a appris à craindre les serpents venimeux, les animaux sauvages, les prédateurs et tout ce qui menaçait sa vie ou sa sécurité. Aujourd’hui encore, les peurs liées à la sécurité physique sont les plus répandues et souvent les plus tenaces.

Cela dit, nous n’avons pas tous peur des mêmes choses. Outre notre mémoire ancestrale, notre tempérament, notre éducation et nos expériences conditionnent également nos peurs. Voilà pourquoi certains ont peur des chiens, des araignées ou de l’altitude, et d’autres, des ascenseurs ou des chats.

Peur ou phobie?
Si vous craignez d’aller chez le dentiste, êtes nerveuse et tendue une fois assise sur la chaise, mais que cela ne vous a ni empêché de dormir ni d’aller à votre rendez-vous, vous avez tout simplement peur. Mais si votre peur est une cause d’insomnie, de malaises et de pensées un peu obsédantes jusqu’au moment du rendez-vous, au cours duquel vous restez très anxieuse, on parle plutôt de phobie.

Dans ce scénario, la peur extrême provoque une véritable souffrance morale et parfois physique, car la phobie peut entraîner des symptômes physiques (tremblements, vertiges, nausées, maux de tête, insomnie, etc.) Et si votre peur est telle que vous évitez carrément d’aller chez le dentiste, même si vous en avez besoin, vous souffrez alors d’une phobie fonctionnelle. Les personnes aux prises avec ce type de phobie évitent systématiquement les situations, les objets et les endroits dont elles ont peur. Elles abandonnent des activités, renoncent à d’autres pour éviter d’éprouver cette peur paralysante. Hélas, éviter une situation ne fait qu’accroître l’intensité de la phobie. Un cercle vicieux qui peut nuire aux activités professionnelles, sociales ou familiales.

Un trouble anxieux
La phobie est une peur d’une très grande intensité et souvent irrationnelle. Mais la différence entre la peur et la phobie ne réside pas uniquement dans l’intensité. Les phobies sont classées parmi les troubles anxieux cliniquement répertoriés. L’anxiété est la peur qu’un mal survienne. Une réaction normale aux dangers. Le trouble anxieux, lui, dans la plupart des cas, est lié à un « dérèglement » de l’anxiété, de son intensité et de ses manifestations. « Voilà pourquoi il est important de consulter un thérapeute spécialisé dans le traitement des troubles anxieux pour traiter des phobies spécifiques, soutient le Dr Camillo Zacchia, psychologue, conseiller principal au Bureau d’éducation en santé mentale de l’Institut Douglas et vice-président de Phobies-Zéro, un groupe d’entraide et de ressources pour les personnes aux prises avec des phobies.

Les phobies spécifiques
Lorsqu’on parle de phobies des chiens, des aiguilles, des serpents, des orages, etc., on parle de phobies spécifiques, et leur liste, publiée notamment sur le site de Phobies-Zéro, est fort longue. Les spécialistes les distinguent de l’agoraphobie avec ou sans trouble panique (plutôt liée à l’éloignement d’une personne ou d’un lieu sécurisant).

Les phobies spécifiques peuvent provenir de trois types de menaces, réelles ou imaginaires.

Les menaces physiques : peur d’étouffer, de souffrir, de développer une maladie comme un cancer, de mourir, etc.

Les menaces psychiques : peur de perdre la raison, le contrôle de ses réactions ou de ses actions, d’être enfermé dans un institut ou de commettre un acte irrémédiable.

Les menaces liées à l’image : peur d’être jugé, du ridicule, d’être rejeté, etc. La phobie sociale liée aux nouvelles rencontres, aux situations de groupes, en est un bon exemple.

Une phobie spécifique peut être liée à l’une ou l’autre de ces menaces. Par exemple, la phobie de l’avion peut provenir de la peur de s’écraser ou d’étouffer, voire de faire une crise incontrôlable ou encore d’être malade et ridicule devant les autres passagers.

Cinq types de phobies
Les experts de l’Hôpital Louis-H. Lafontaine classent les phobies spécifiques en 5 grandes catégories :

  • phobies liées à des animaux ou des insectes
  • phobies liées à l’environnement (orages, séismes, hauteurs, eau)
  • phobies liées au sang, aux injections ou aux accidents (procédures médicales en général)
  • phobies situationnelles (transports publics, tunnels, ponts, voyages aériens, ascenseurs, conduite automobile, endroits clos). Ce type de phobies spécifiques est souvent associé à l’agoraphobie.
  • phobies diverses : liées à d’autres catégories d’objets ou de situations.

Les phobies les plus fréquentes? « Celles liées aux animaux, aux araignées, aux serpents, aux injections, au dentiste, aux prises de sang, aux orages, à l’avion, aux tunnels, au train, aux autres insectes et à l’altitude », répond le Dr Zacchia.

Répandues, les phobies?

« Oui, affirme le Dr Zacchia, mais il est difficile d’établir des statistiques précises. On estime qu’environ 10 % de la population souffre de troubles anxieux. Pour les phobies spécifiques, des études parlent plutôt de 25 à 50 % de la population. » Pourquoi si peu de précisions? Parce que peu de gens souffrant de phobies consultent et que nombre d’entre elles ne nécessitent pas de traitement. Par exemple, si vous habitez au Québec, n’aimez pas les voyages d’aventure et ne travaillez pas dans un zoo, il y a fort à parier que votre phobie des serpents ne vous empêchera pas de fonctionner et ne vous conduira pas chez le psy.

Traiter ou ne pas traiter la phobie?

La phobie se développe souvent pendant l’enfance et l’adolescence. Elle disparaît parfois à l’âge adulte, mais en général, elle perdure. « Des recherches scientifiques ont démontré que sans traitement approprié, à peine 20 % des cas de phobie chez l’adulte se résorbent », rapporte le site Internet de l’Hôpital Louis-H. Lafontaine. Et pour les autres? Faut-il apprendre à composer avec cette peur envahissante ou bien vaut-il mieux consulter?

« Tout dépend de votre niveau de souffrance, répond le Dr Zacchia. Si vous devez régulièrement affronter votre phobie et éprouvez des symptômes pénibles chaque fois ou si elle vous empêche de fonctionner, nuit à votre épanouissement, à votre santé ou à votre vie de famille, cela vaut la peine de consulter. D’autant plus que les traitements fonctionnent bien dans la très grande majorité des cas. »

Les traitements les plus répandus et les plus efficaces pour les phobies spécifiques sont les thérapies cognitives/comportementales. « Les techniques cognitives nous permettent de travailler sur le plan des croyances de la personne, de ses perceptions, etc. On complète avec l’approche comportementale, qui consiste en une désensibilisation graduelle. On peut commencer par regarder des images de l’objet, de la situation ou de l’animal, s’en approcher doucement et graduellement. En général, quelques séances suffisent. Dans certains cas, si la phobie est associée à d’autres problèmes ou très intense, il faut un peu plus de temps. »

Évidemment, certaines phobies sont plus compliquées à traiter en désensibilisation. C’est le cas notamment pour l’avion, étant donné le coût et l’accès plus limité. Il existe des programmes de désensibilisation, mais mieux vaut d’abord consulter un professionnel, qui vous référera, au besoin.

Phobies-Zéro : la force des groupes d’entraide
Après avoir souffert d’agoraphobie pendant 20 ans, Marie-Andrée Laplante a décidé de venir en aide à d’autres agoraphobes et personnes atteintes de phobies et de troubles anxieux. C’est ainsi qu’elle a fondé Phobies-Zéro, en 1991. Depuis 20 ans, 13 549 personnes se sont prévalues des services de cet organisme qui offre :

  • une ligne d’écoute (514 276-3105 ou 1 866 922-0002)
  • des groupes de soutien et d’entraide (grande région de Montréal et celle de Québec)
  • du parrainage et de l’information.

Efficace, l’aide des groupes de soutien? « Oui. Pour certaines personnes, il est rassurant de savoir qu’elles ne sont pas seules à souffrir de phobies. L’information et le partage avec d’autres sont d’excellents outils qui peuvent s’ajouter au traitement. »

Pour en savoir plus
Phobies-Zéro
Article sur le site de l’Hôpital Louis-H. Lafontaine
Article du ministère de la Santé et des Services sociaux
Blogue du Dr Camillo Zacchia 

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