Santé

Vaccins: ce que les parents doivent savoir

Les parents sont de plus en plus hésitants à faire vacciner leur enfant, et l’universitaire Timothy Caulfield juge qu’il est difficile de changer leurs perceptions. Mais il persiste dans son nouveau livre The Vaccination Picture.

En 1998, l’ex-gastroentérologue et chercheur britannique Andrew Wakefield a signé un article qui établissait un lien entre le vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) et l’autisme. Un article complètement faux, que la revue scientifique The Lancet a par la suite retiré. Le British Medical Journal a déclaré que cette étude avait été montée de toutes pièces, et le journaliste enquêteur Brian Deer a mis au jour le fait qu’Andrew Wakefield n’était pas seulement dans l’erreur, mais qu’il avait été payé par un avocat. Il avait néanmoins réussi à semer le doute.

Près de 20 ans plus tard, ce mythe perdure. Le mouvement antivaccination est toujours très puissant, porté par des sceptiques tels le président des États-Unis et des personnalités comme Jenny McCarthy et Robert De Niro. Timothy Caulfield, professeur à l’Université de l’Alberta et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit et en politique de la santé, est déterminé à y mettre fin. Dans le livre qu’il publiait en 2015, Is Gwyneth Paltrow Wrong About Everything?, il fait la part des choses entre l’opinion de certaines personnalités connues et l’information fondée sur des preuves scientifiques. Dans son nouvel essai illustré, The Vaccination Picture, Timothy Caulfield poursuit sa campagne pour déboulonner les mythes qui entourent la vaccination, ainsi que la pseudoscience. Il nous a parlé récemment du défi que cela représente d’enrayer un discours puissant basé sur la peur.

Timothy Caulfield, auteur de The Vaccination Picture. Photo: Viking Canada

On a l’impression que le mouvement antivaccination se fait entendre de plus en plus fort. Est-ce exact?

Je crois qu’il se fait entendre plus fort que jamais. Le noyau d’opposants purs et durs ne représente toutefois qu’un faible pourcentage de la population. Cependant de plus en plus de gens deviennent hésitants face à la vaccination. Ils veulent ce qu’il y a de mieux pour leurs enfants, ils veulent aussi des réponses, et de toute évidence, le mouvement antivaccination exerce une influence sur cette partie de la population. À titre d’exemple, plus du quart (28 %) des parents ayant participé à une étude menée au pays par le professeur Josh Greenberg (École de journalisme et de communication de l’Université Carleton, à Ottawa) s’inquiétaient du possible lien allégué entre la vaccination et l’autisme. C’est donc plus du quart des parents canadiens qui entretiennent des inquiétudes fondées en réalité sur des mensonges.

Quelles sont les personnes les plus vulnérables face à ces idées reçues?

Il semble exister un portrait type des personnes réticentes par rapport aux vaccins. Elles seraient plus enclines à recourir aux médecines douces, à écouter leur intuition et à se méfier du gouvernement. Il y a par ailleurs les nombreuses études qui rallient les adeptes de la théorie du complot. Le malheur, c’est qu’une fois qu’une théorie du complot commence à circuler, peu importe qu’elle concerne les vaccins ou John F. Kennedy, il est très difficile de s’en débarrasser.

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Il y a aussi les adversaires de la vaccination qui s’expriment haut et fort, comme l’actrice américaine Jenny McCarthy, pour lesquels le lien causal imaginé explique en partie l’opinion tranchée. Leur enfant, après avoir reçu un vaccin, commence à montrer certains signes d’autisme. Les parents y voient une relation de cause à effet – qui en fait n’existe pas. C’est un sentiment très fort; l’être humain a tendance à faire des liens qui n’existent pas forcément.

Comment persuader la population que le lien entre vaccins et autisme est inexistant?

C’est important d’écouter les gens. Pourquoi hésitent-ils à faire vacciner leur enfant? Ce n’est pas toujours par peur de l’autisme. Certains croient qu’on donne trop de vaccins, certains ont peut-être vécu une mauvaise expérience, d’autres se méfient de l’industrie pharmaceutique. Il faut comprendre leurs inquiétudes. Des recherches éclairantes ont été effectuées sur les récits d’expériences personnelles relatées par les gens. Un grand nombre de recherches attestent que ces histoires personnelles ont beaucoup de poids, qu’elles peuvent supplanter toutes les données objectives. [Dans son nouveau livre, Timothy Caulfield écrit qu’une seule histoire bouleversante peut influencer la perception du public quant aux vaccins, en dépit de l’abondante preuve scientifique démontrant leur innocuité.] Je crois que nous devons tenir compte de cet effet et utiliser des stratégies de communication convaincantes pour faire connaître les données scientifiques. Il ne faut pas combattre le feu par le feu, mais le discours scientifique doit «parler» aux gens. Les études confirment qu’inonder la population de faits ne modifie en rien l’opinion; il faut également expliquer pourquoi les faits sont importants. Nous devons continuellement remettre les pendules à l’heure.

Que devrais-je dire à des amis qui pensent ne pas faire vacciner leur enfant ?

Le plus important est d’écouter. Les gens ont des inquiétudes et des croyances différentes. Utilisez l’information pertinente selon chaque cas. Utilisez diverses approches. Il est toujours préférable de présenter ses arguments de façon respectueuse, d’expliquer les risques de ne pas faire vacciner, de relater des cas vécus par d’autres parents, voire de montrer des photos illustrant les conséquences possibles de la maladie.

Dans votre récent ouvrage, vous mentionnez que la France détient les pires taux de vaccination. Qu’en est-il au Canada?

Notre pays se classe plutôt bien, sauf pour certaines zones où le taux de vaccination est nettement insuffisant. Nous avons fait face cette année à une menace de rougeole [une maladie éradiquée ici en 1998]. Nous ne pouvons pas être imprudents. La bonne nouvelle, c’est que la plupart des Canadiens sont pour la vaccination. Mais on continue d’observer un très faible taux de vaccination contre la grippe et une méfiance envers le vaccin contre le virus du papillome humain (VPH). Il reste beaucoup de travail à faire. Les gens devraient se rappeler que se faire vacciner est un geste altruiste. On ne le fait pas seulement pour se protéger, mais pour protéger l’ensemble de la population. C’est particulièrement vrai pour le vaccin contre la grippe.

Devrait-on dans ce cas rendre la vaccination obligatoire?

C’est une question complexe. Dans certains contextes, la vaccination obligatoire pourrait sembler logique, comme pour les enfants qui fréquentent l’école. J’aurais tendance à y être favorable, mais c’est compliqué – on ne veut pas créer d’animosité ni de tensions. On doit peser les avantages et les risques de chaque politique publique et prendre une décision fondée sur les données scientifiques qui s’appliquent à la population concernée.

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