Société

Dans l’enfer du jeu

Un vice, le jeu vidéo?

Le jeu Drawn : se creuser la cervelle pour régler de faux problème. Quel bonheur !
Photo: Big Fish Games

Les Terriens passent trois milliards d’heures par semaine à jouer devant leur écran. On ne peut pas tous être des mollassons du cerveau ou des allergiques à la culture. Il doit y avoir une raison ?

Depuis un an, je reste chaque semaine des heures les yeux rivés à ma tablette électro­nique, des écouteurs vissés dans les oreilles. Aveugle à la poussière qui se prélasse sous les meubles, sourde aux appels du panier à lessive qui déborde.

Moi, la femme sérieuse. Pétrie du sens du devoir et amoureuse du travail bien fait. Qui s’entraîne consciencieusement, se nourrit sainement, médite régulièrement, paie religieusement ses factures, veille au bien-être de ses proches, économise pour sa retraite et se soucie de politique internationale.

Mais depuis quelques mois, je me couche trop tard et hier j’ai oublié d’acheter de la soie dentaire. Parce que je suis occupée. À m’extirper d’un labyrinthe, à décrypter un message secret, à trouver le moyen de faire sortir un truc bizarre d’un bidule invraisemblable. Je joue à des jeux d’aventure ! Partir à la découverte de la Tour d’Iris ou du domaine de Ravenhearst, c’est trois heures de vacances, mon spa, mon géo­caching à moi. À 4,99 $, c’est une aubaine.

Quand j’en parle, on me regarde comme si j’avouais passer mes fins de semaine à danser nue dans un hôtel de Maniwaki. Mon chéri, lui, est découragé. Sa charmante épouse est tombée dans l’enfer du jeu vidéo ! Il s’inquiète pour ma santé mentale et ma culture générale.

Pourquoi donc ? Depuis le jour où j’ai pu déchiffrer « Léa a lié le blé » en première année du primaire, je n’ai plus cessé de lire. Des polars, de la science-fiction, de l’historique, des biographies, des romans par centaines, par milliers. Quand bien même je jouerais pendant un an ou deux, qu’est-ce que ça peut faire ?

Trouver dans un tiroir de la chambre d’amis la clé qui permet d’ouvrir le coffre du capitaine caché dans la cave pour y découvrir la résine qu’on peut liquéfier dans l’âtre de la maison du voisin afin de colmater les fuites de la chaloupe abandonnée au pied de la falaise au bout de l’île, ça demande autant de jarnigoine que la réussite d’une grille de mots croisés difficile.

Quel plaisir est le plus respectable ? Prendre trois heures pour percer les secrets d’un château décrépit ? Passer 280 pages à essayer de deviner qui a assassiné la bonne dans un manoir de la campagne anglaise ? Ou claquer 13 $ pour aller voir Spiderman délivrer New York des griffes d’un savant fou ? Pas mal kif-kif, il me semble.

Jouer à de tels jeux, disent les spécialistes du cerveau, développe l’acuité visuelle, la faculté de concentration, la résistance à l’adversité, la confiance en soi. Bref, le jeu est bon pour la santé. Ça, c’est la bonne nouvelle.

La mauvaise, c’est que, pour en tirer tous les bienfaits, je dois franchir une étape : abandonner mon vice solitaire du jeu d’aventure solo au profit des jeux d’action en ligne.

Ça va rachever mon pauvre chéri.

louise.gendron@chatelaine.rogers.com

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