J’ai rencontré Nathan au travail. Quand nous avons commencé à nous fréquenter, j’avais 45 ans et lui, 31. Notre couple est né d’une relation sensuelle et intellectuelle très forte, que nous désirions maintenir, sans envisager de fonder une famille. Nathan connaissait évidemment mon âge et savait que j’avais trois filles et un garçon, alors adolescents et jeunes adultes. À l’époque, il ne voulait pas d’enfant, et cela me convenait tout à fait.
Je suis à nouveau maman depuis l’arrivée d’Ari, qui avait 16 mois quand Nathan et moi sommes allés le chercher à Hô Chi Minh-Ville, en 2014. Et, depuis l’année dernière, je suis aussi grand-mère! C’est un formidable tsunami familial. Côté professionnel, je travaille à temps partiel à l’Université de Montréal, en plus de faire une maîtrise sur le jeu vidéo thérapeutique. On peut dire que mes journées sont bien remplies!
Un enchaînement de circonstances, quoique l’idée d’adopter n’était pas nouvelle pour moi. Lorsque nous avons commencé à chercher une maison, nous nous sommes retrouvés pour la première fois dans une dynamique de jeune couple voulant construire un nid. Et quand nous avons finalement acheté la propriété, Nathan m’a fait remarquer qu’il y aurait de la place pour une personne de plus… J’ai tout de suite dit oui!
Je leur ai parlé de notre projet d’adoption dès le début du processus. Tous l’ont accueilli avec bienveillance, mais chacun avec ses préoccupations. Nous avons eu des discussions franches, un peu comme lorsque je m’étais engagée avec Nathan. Trois de mes enfants habitent en Belgique – notre pays d’origine à Nathan et à moi – et ils craignaient d’être trop loin pour voir grandir leur petit frère.
Interminable: trois ans! Au début, je trouvais injuste de devoir subir une évaluation psychosociale, alors qu’on ne demande rien aux parents dits « biologiques ». Mais, finalement, nous sommes tombés sur une merveilleuse psychologue qui nous a aidés à réfléchir sur le caractère atypique de notre famille.
J’ai compris que je devais repartir à zéro, car accueillir un enfant adopté présente des enjeux bien particuliers. Je devais oublier presque tout ce que je savais comme maman biologique. Nathan et moi avons vécu notre grossesse de cœur sur un pied d’égalité. Nous avons tout appris ensemble, aussi démunis l’un que l’autre en prenant Ari dans nos bras pour la première fois…
Je ne me suis pas laissé submerger par la peur et j’en ai été la première surprise! Je craignais que ce soit difficile, mais Ari est un petit garçon adorable et très résilient. Pour le moment, tout va bien, à part la fatigue. [Rires] Nos amis sont très présents, comme notre famille, malgré la distance. Ça fait chaud au cœur d’être si bien entourés.
est plus… Outillée. Pour mes premiers enfants, j’étais plus intuitive. Avec Ari, je me sens mieux documentée. Je ne suis pas une meilleure maman, juste une maman différente. Je veux aussi faire une place à sa mère biologique. Même si je ne la connais pas, j’en parle souvent à Ari, car je trouve indispensable de respecter son passé et ses origines.
L’arrivée d’Ari m’a fait prendre conscience que la relation d’attachement n’a rien à voir avec la parenté génétique et qu’elle ne va pas de soi. Je ne m’étais jamais posé la question lors de la naissance de mes enfants biologiques, mais je sais maintenant que le lien qui nous unit s’est construit avec le temps et que notre relation est le fruit d’un travail qui n’est jamais terminé.
Il s’est mis en danger et a changé. Nous avons perdu notre liberté, c’est certain. Nous sommes comme tous les parents d’un jeune enfant, ce que nous ne pensions jamais devenir! Nous jonglons entre le boulot et la vie de famille tout en essayant de préserver nos moments à deux.
Plus facile. Dans les années 1980 et 1990, je vivais en Belgique, où c’était très machiste. On pointait du doigt les mères qui voulaient travailler à temps plein.
De ma différence d’âge avec Ari. Quand il sera adolescent, je serai très âgée… Est-ce que j’aurai assez d’énergie pour bien l’accompagner?
Les messages que j’ai envoyés à ma fille lors de la naissance de sa petite Suzanne étaient les mêmes que ceux qu’elle m’avait fait parvenir à l’arrivée d’Ari. On veut savoir comment ça se passe, suivre l’évolution du bébé… C’est vraiment touchant de partager cela. Comme toutes les grands-mères, je m’éclate avec ma petite-fille.
De ma tribu, de voir comment chacun de mes enfants s’épanouit! Quand mes grands me disent qu’ils se sentent bien dans leur peau, ça montre qu’ils se sont donné les moyens de leurs ambitions. Avec Ari, nous allons tout faire pour que ce soit la même chose.
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