Les présentations : Moi, Sophie Anctil, 40 ans, rédactrice pigiste. Mon chum, François Paquet, 42 ans, rédacteur, gouvernement du Québec. Mes filles : Jeanne, 10 ans, et Alice, 3 ans. Le minet, c’est « Le gros ». On habite en appartement à Québec.
Les finances : Notre revenu familial est de 54 000 $ par année, après impôts. François est le pilier côté revenu, tandis que je travaille à temps partiel pour m’occuper des filles.
Notre mode de vie : C’est loin d’être la misère! On possède quelques tableaux, une batterie de cuisine Lagostina, des couteaux Laguiole. On se paye de bons restos. J’ai même un sac Louis Vuitton!
Mais le vieux six et demi que nous louons dans le quartier Saint-Sauveur, en Basse-Ville de Québec, n’a rien d’ostentatoire. Nos meubles sont usagés – certains ont été récupérés sur le trottoir –, on n’a pas d’iPhone, pas de cinéma maison ni même de micro-ondes. Pas de voiture non plus – c’est pourquoi on habite en ville plutôt qu’en banlieue.
J’achète la plupart des vêtements des enfants et les miens dans les friperies. François doit porter de beaux complets au travail, mais il attend les soldes et magasine sur eBay, où on trouve du neuf à moindre coût. Côté loisirs, on court les activités culturelles gratuites à Québec (il y en a des tonnes, notamment à la Bibliothèque Gabrielle-Roy).
En gros, on préfère acheter moins, mais posséder des objets de qualité supérieure qui vont durer longtemps.
Ce dépouillement relatif donne l’impression qu’on est plus pauvres qu’en réalité. Certains doivent même trouver qu’on fait pitié! Mais franchement, l’essentiel de notre bonheur, c’est le temps passé ensemble. Cette année, mon chum s’est vu proposer un job deux fois plus payant (et super exigeant : du 12 heures par jour, week-end inclus). Au début, on essayait de s’enthousiasmer. Mais on a vite réalisé les limites de nos désirs matériels. La perspective de se voir moins nous déprimait. Notre fille Alice a dit à François qu’il y avait bien assez d’argent dans le pot de change. Argument massue : il a refusé l’offre.
Nos motivations : C’est une crise qui m’a incitée à changer de vie, il y a trois ans. Avant, la carte de crédit chauffait. Les apparences m’importaient, je cherchais l’approbation. Puis, Alice est née. Au début, c’était l’enfer : elle hurlait sans cesse et ne dormait pas. « Tu as créé un monstre! »; « Tu t’y prends mal! »; « Tu la gâtes trop! »; J’ai tout entendu. Ça m’a appris à me détacher du regard des autres.
J’en ai profité pour amorcer ma « grande purge », encouragée par la lecture de L’art de la simplicité, de Dominique Loreau. Tout ce qui était de trop ou ne me ressemblait pas prenait le bord – les êtres comme les objets. Pourquoi garder trois pilons à patates, deux balayeuses, des livres qui ne m’intéressent plus? J’ai sorti de l’appartement l’équivalent d’un petit camion de déménagement. Quelle libération! Ça a fait le bonheur des boutiques d’articles d’occasion. Désormais, les enfants et moi faisons le tri de nos avoirs tous les six mois – livres, vêtements, jouets. On donne ce qui ne sert plus.
Je trouve indécent de posséder des choses inutiles quand la moitié de la planète manque du nécessaire. Le gaspillage me préoccupe beaucoup. Ceci dit, je n’en fais pas une religion. Pas question de chicaner ceux qui ne traînent pas leurs sacs réutilisables. Je ne suis pas parfaite moi-même. Je suis coupable d’avoir utilisé des couches jetables, par exemple… Et on a un lave-vaisselle! Pour nous, la consommation responsable est une démarche à long terme. On ne change pas ses habitudes d’un coup, ça évolue au fil des réflexions.
Consultez les portraits des quatre familles et les épisodes du dossier Vivre mieux avec moins.