Société

Natasha Kanapé Fontaine: je vis et je vois le vivant

La poétesse et comédienne Natasha Kanapé Fontaine nous parle du respect et de l’empathie que témoignent les communautés autochtones envers toute forme de vie.

Photo: Stéphane Audet

Lorsque revient le temps des fêtes, il arrive encore que l’on me pose des questions sur nos croyances, nos traditions et la façon dont nous, les Premiers Peuples, célébrons cette période. Ça me fait rire. Mais de bon cœur. Nous fêtons comme tout le monde, avec un sapin et des cadeaux !

Photo: Stocksy/Duet Postscriptum

Depuis un moment, je réfléchis au concept traditionnel de la spiritualité chez les Innus, mais aussi à l’influence de la société dominante sur nos habitudes. L’évangélisation a fait en sorte que l’historique religieux (autant positif que négatif) varie beaucoup d’une communauté à une autre, d’un peuple à un autre. En effet, même si nous ne formons pas un ensem-ble homogène, nous vivons une réalité directement liée à l’histoire de la colonisation des Amériques : nous parlons différentes langues dites coloniales – français, anglais, espagnol – et nous professons diverses fois, qu’elles soient catholique, chrétienne, protestante, pentecôtiste ou autre. Et si nous sommes plus attachés à la tradition, alors nous sommes traditionalistes, animistes, spiritualistes et j’en passe.

Il y a souvent des conflits entre les divers courants spirituels, mais la solidarité existe. On a vu des messes catholiques ou protestantes entières traduites en innu ou en cri. Dans certaines régions, des guides spirituels travaillent côte à côte avec des prêtres lors de cérémonies ancestrales ou dans une église. L’inventivité se déploie.

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Chez les Innus, la foi catholique est encore bien présente. Toutefois, depuis quelques années, nous observons un retour vers la spiritualité traditionnelle, surtout chez la nouvelle génération. Nous cherchons ainsi à mieux nous connaître comme individus, mais aussi en tant que peuple. Le regain de popularité des pow-wow, ces rassemblements traditionnels où l’on célèbre le cercle de la vie, aide ce que j’appelle ce retour à soi. À ce qui constituait notre identité avant l’évangélisation et les pensionnats, puisque certains éléments nous ont été arrachés. Nous retrouver nous éclaire sur ce que nous devons faire pour guider nos jeunes dans la découverte de leur identité propre et du monde dans lequel nous vivons. Pour leur montrer également ce que la solidarité peut apporter comme enrichissement et équilibre dans nos cultures contemporaines. Notre défi à tous, maintenant, consiste à faire cohabiter ces différentes conceptions.

Autrefois, développer un lien avec ce qui était plus petit que nous, plus grand que nous et même égal à nous constituait une néces-sité pour la survie dans le territoire. Cela nous a poussés à respecter le vivant, à le considérer comme notre égal, à en prendre soin. Je pense qu’aujourd’hui, cette disposition au spirituel s’est simplement déplacée d’un système de croyances vers un autre.

Quelle que soit notre foi, il y a une chose que je réapprends chaque fois que je retourne dans l’une des communautés innues de la Côte-Nord ou ailleurs chez mes sœurs et frères autochtones : le respect et l’empathie envers toute forme de vie. Pour moi, cette conception des choses est naturelle et nécessaire – c’est ce qui nous garde humains.

Je pense aussi que le fait de croire que le vivant a une âme et un esprit nous aide à tout remettre en perspective, à développer et à conserver notre empathie dans notre combat contre l’insensibilité vers laquelle notre société de consommation nous entraîne.

Pour les fêtes et la prochaine année, je nous souhaite de nous ouvrir à nou-veau au vivant, pour construire notre humanité individuelle et collective.

J’ai besoin de nous voir vivants et vrais, au-delà de nos propres frontières. 

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