Société

Plastique compostable : une solution contre la pollution, vraiment ?

Le plastique compostable peut sembler une solution intéressante pour contrer la surutilisation des sous-produits du pétrole et la pollution des écosystèmes. Mais la réalité est un peu plus compliquée. État des lieux.

Chaque année, les Canadiens génèrent 3 millions de tonnes de déchets de plastique, dont à peine 9 % est recyclé. Où s’en va le reste ? Dans les sites d’enfouissements ou dans la nature, carrément, générant de la pollution et menaçant les écosystèmes.

Mais les choses sont peut-être appelées à changer grâce à une innovation assez récente que d’aucuns estiment remplie de promesses : le plastique compostable. Ce produit – en théorie, du moins – semble la solution toute désignée pour enrayer le fléau de la pollution par le plastique. Car si la tendance se maintient, d’ici 2050, le poids de ces déchets dans les océans pourrait équivaloir à celui de l’ensemble des poissons… Cela dit, ce nouveau matériau compostable tient-il ses promesses ? Des nuances s’imposent.

Pour faire le point, nous avons parlé à deux expertes en la matière : Belinda Li, ingénieure en environnement et directrice de l’innovation au Food Systems Lab de l’Uiversité Simon Fraser, à Vancouver, et Karen Storry, ingénieure principale à la Ville de Vancouver.

Le plastique compostable, c’est quoi au juste ?

Les objets faits de plastique compostable – tasses, ustensiles, contenants… – vont se décomposer ou se dégrader, si on respecte certaines conditions. « Et ces dernières sont très variées, comme le pH, le taux d’humidité dans l’air, la température ambiante, l’activité microbienne et ainsi de suite », explique Karen Storry.

Selon ces deux expertes, le mot « compostable » lui-même porte à confusion, parce qu’il laisse croire que le matériau se décomposera rapidement, peu importe où il est jeté. Or, c’est loin d’être le cas. « Prenez un sac de plastique compostable, par exemple. Si on le jette dans la forêt, il va demeurer longtemps à l’état de « sac de plastique compostable ». Bref, il faudra beaucoup de temps avant qu’il se désagrège. Au contraire, dans une usine de compostage (et selon certaines conditions), il se décomposera sans problème », dit Belinda Li.

Le plastique compostable le plus commun est connu sous le nom d’acide polylactique. Il s’agit en fait d’un bioplastique fabriqué avec de la fécule provenant de différentes sources, comme le maïs ou la canne à sucre. Évidemment, d’autres composants synthétiques entrent dans sa fabrication afin de s’assurer que le contenant ou l’assiette ne commence pas à se désagréger en plein milieu du repas ! « Pour que ce plastique soit minimalement résistant, il faut donc sacrifier un peu de sa capacité à se décomposer », ajoute-t-elle.

Compostable, biodégradable… Du pareil au même ?

On confond souvent à tort les notions « biodégradable » et « compostable », mais ils ne réfèrent pas du tout à la même chose. Le plastique compostable est fait pour se décomposer selon certaines conditions spécifiques. Pas le plastique biodégradable.

Ce dernier aussi finira par se décomposer, mais les conditions nécessaires pour ce faire ne sont pas précisées, tout comme le temps qu’il faudra pour la décomposition complète. « À mon avis, les plastiques biodégradables ne sont pas différents des plastiques ordinaires, hormis le fait qu’ils contiennent des additifs qui leur permettent de se décomposer plus rapidement », précise Karen Storry.

Et attention aux prétentions des fabricants ! Ils rendent souvent la chose encore plus confondante. Par exemple, il existe aussi sur le marché des plastiques « biosourcés », donc fabriqués à base de plantes. Mais cela ne signifie pas du tout que ces plastiques sont compostables ni même biodégradables, contrairement à ce que leur nom peut laisser croire, estime Belinda Li. « Certains, là encore, ne sont pas différents des plastiques ordinaires », dit-elle.

Pas fait pour le compost maison

À moins que ce soit spécifié sur l’étiquette, le plastique compostable ne doit pas être mis dans le bac de compost maison, car on n’y retrouve pas les conditions nécessaires pour que le plastique se décompose (comme le taux d’humidité adéquat, la température optimale, etc). « Les plastiques compostables doivent donc être traités dans des installations industrielles », insiste Belinda Li.

Mais ici aussi, il y a un os : la plupart des usines de compostage actuelles ne peuvent pas à traiter ces plastiques, car elles ne parviennent pas à générer les conditions spécifiques – et exigeantes – qui sont nécessaires à leur décomposition. Au pays, la majorité des installations n’acceptent donc pas les plastiques compostables.

En clair, on ne peut pas déposer ces objets dans le bac brun non plus.

Et la raison en est bien simple. « Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de normes précises pour réglementer ce qu’est vraiment un plastique compostable, poursuit l’ingénieure en environnement. Les usines de compostage préfèrent donc jouer de prudence, parce que les plastiques ordinaires ne font que se briser en petits morceaux qui restent dans le compost, ce qui rend ce dernier impropre à la vente. »

Cela dit, les choses semblent appelées à bouger. En juillet 2022, le gouvernement fédéral a mis en ligne un document de consultation visant à mieux encadrer l’étiquetage des produits de plastique afin de mettre un terme au fouillis actuel. « Mais en ce moment, suggère Karen Storry, mieux vaut éviter de déposer tout objet de plastique dans notre bac brun. »

Plus souvent qu’autrement, il est préférable de jeter tous les plastiques compostables à la poubelle, renchérit Belinda Li.

Alors, quelles sont les solutions pour diminuer la pollution par le plastique ? On opte pour les contenants réutilisables le plus souvent possible. « On peut commencer par apporter sa propre tasse au café du coin, emballer ses emplettes dans des sacs qu’on traîne avec soi. Ce sera un bon début. Et c’est vraiment la solution la plus écologique », conclut Karen Storry.

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