Reportages

Survivre à la crise de la quarantaine

C’est souvent une belle occasion d’amorcer des changements. Et pour le mieux.

Photo: Plainpicture/Mia Takahara

Photo: Plainpicture/Mia Takahara

La crise de la quarantaine attire les clichés comme le miel attire l’ours. Dans son livre Maintenant ou jamais ! (Albin Michel), le psychiatre français Christophe Fauré dissèque toutes les facettes de cette période charnière qui touche autant les femmes que les hommes. Et montre que, si on se donne les moyens de bien l’aborder, ce virage peut représenter une exceptionnelle occasion de développement. Entretien.

Quelle est votre définition de cette fameuse crise du milieu de vie ?

D’abord, parler de crise est une erreur. Parlons plutôt d’une période de transition qui s’étale sur une dizaine d’années. C’est une remise en question au cours de laquelle hommes et femmes traversent des moments un peu chaotiques qui les appellent à modifier leurs rapports aux autres, à leur travail, à leur corps. Les aspects touchés varient d’une personne à l’autre. Pour certains, c’est le couple. Pour d’autres, le vieillissement du corps, la ménopause ou encore un réel désir de changement sur le plan professionnel.

Cette remise en question se fait-elle nécessairement dans le tumulte ?

Non. Au même titre que ce ne sont pas tous les adolescents qui traversent une crise aiguë et perdent leurs repères, peu d’adultes en transition de milieu de vie voient leur existence voler en éclats. C’est une étape naturelle et incontournable à laquelle tout le monde fait face de façon plus ou moins intense. Un moment de questionnement qui touche tous les aspects de notre être.

Avez-vous des exemples des questions que soulève cette période de transition ?

Est-ce que j’aime vraiment ce que je fais ? Ai-je réellement pris la direction que je souhaitais ? Est-ce que mon corps vieillissant continuera à plaire ? Suis-je sincère dans mes rapports aux autres ? À quoi va ressembler la seconde moitié de ma vie amoureuse maintenant que les enfants ne sont plus à la maison ? Ai-je posé mon échelle sur le mauvais mur ?

Mais les réponses risquent parfois d’être brutales, non ?

Cela n’a pas à être brutal. Si l’on y va doucement, on peut traverser cette période sans perdre pied, en restant ancré dans sa vie. En fait, il s’agit d’une prise de conscience progressive où, sans forcément être mal à l’aise, nous réalisons que notre vie mérite peut-être quelques ajustements. Au début, on ne sait pas trop ce que l’on recherche, mais, au fur et à mesure qu’on se pose les vraies questions, les réponses deviennent très claires.

livre-maintenant-ou-jamaisQuels sont les signes avant-coureurs de cette période charnière ?

Un sentiment d’insatisfaction. La colère. Une irritation par rapport à ce qui est.  L’anxiété aussi, qui est souvent un sentiment de peur face à ce mouvement de transition qui cherche à s’enclencher. En réalité, c’est davantage le fait de se tenir sur la défensive face au changement qui crée les tourments. Et lorsque crise il y a, c’est souvent chez les personnes qui luttent contre ce mouvement d’émergence et de possibilités. Parce qu’elles résistent et se bloquent, jusqu’à ce que… paf ! Elles font alors des bêtises ou partent avec la gardienne des enfants ou l’entraîneur personnel.

Quels sont les pièges à éviter ?

Au lieu de se dire qu’on est des enfants gâtés parce qu’on a tout pour être heureux et qu’on ne l’est pas tout à fait, au lieu de se répéter qu’on a un travail qu’on aime, une belle maison et des enfants en santé, écoutons ce que dit cette insatisfaction qui s’éveille. Il faut accepter d’être dans un processus qui apporte lui-même un début de réponse. C’est un signal fort qu’on s’envoie à soi-même. Un signal qui nous dit que quelque chose doit changer et que la chose la plus intelligente et la plus sage à faire, c’est de l’accueillir sans chercher à nous opposer au sentiment de mal-être qu’il soulève. Il faut ensuite entendre ce que notre voix intérieure cherche à nous dire.

Qu’est-ce qui arrive quand on n’écoute pas sa voix intérieure ?

Notre corps et notre esprit risquent de faire passer leur message par ricochet. À travers l’angoisse ou la dépression, par exemple. Alors, avant de tenter d’étouffer la dépression avec des médicaments, on devrait peut-être écouter cette voix. Parce qu’elle essaie probablement de nous souffler qu’il y a là une occasion de croissance en train d’être niée. Et que ne rien faire ou encore en faire fi n’est pas le bon chemin à suivre. Ne serait-ce que parce qu’on ne peut pas bloquer une évolution personnelle.

Alors comment réussir cette transition ?

Déjà, il faut prendre conscience de son existence et de l’étendue des possibilités qu’elle représente. Ensuite, ne pas hésiter à remettre en question les différents aspects de sa vie. Aller au cœur de ces questionnements, et ne pas avoir peur de sonder son âme. Il faut aussi se demander ce qui doit changer, ce qu’on doit modifier et ce qu’on veut garder. Il faut donc regarder autour de soi et en soi. Et puis, passer à l’action. Pas simplement sur le plan intellectuel. Non, il faut avoir le courage de dire oui à ses rêves, à ses aspirations et aux besoins qu’on a peut-être trop négligés jusque-là. Enfin, il faut aller puiser en soi le courage d’incarner ces changements. Parce qu’il ne s’agit pas de faire une révolution, mais d’évoluer. Pour embrasser le changement.

Christophe Fauré Photo: Eric Garault

Christophe Fauré
Photo: Eric Garault

Psychiatre, Christophe Fauré est spécialisé dans le deuil et l’accompagnement des personnes en fin de vie et et de leurs proches. Il est l’auteur de près d’une dizaine de livres qui ont connu du succès tels que Vivre ensemble la maladie d’un proche, Est-ce que tu m’aimes encore ?, Ensemble mais seuls, Vivre le deuil au jour le jour. (Albin Michel)

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