Reportages

Voyage: vivre en Italie

Ces trois Québécoises ont choisi de vivre leur passion de la cuisine en Italie.

Cristina Faita

43 ans, coach linguistique et consultante en alimentation dans la région des Marches.

Christina Faita et son frère Stefano. Photo tirée du livre «Entre  cuisine et bambini» de Stefano Faita. Crédit photo: Claudine Sauvé

Christina Faita et son frère Stefano. Photo tirée du livre «Entre cuisine et bambini» de Stefano Faita. Crédit photo: Claudine Sauvé

Bûcheuse et féministe

Son studio aux portes vitrées donne sur le bleu de la mer Adriatique. L’endroit idéal pour converser de chez soi, par Skype, avec des gens d’affaires du monde entier ! Cristina Faita les aide à parfaire leur connaissance de la langue d’Obama. « L’équipe ne cesse de s’agrandir, se réjouit la directrice de l’école de langues EASI (English As Spoken International). Mes 26 coachs multilingues (presque toutes des femmes) sont basés aux quatre coins de la planète. La formation à distance nous permet de concilier travail et famille. »

Crédit photo: Gillian van Niekerk/Stocksy

Crédit photo: Gillian van Niekerk/Stocksy

En digne membre de la famille Faita (fille d’Elena et sœur du cuisinier-vedette Stefano), elle organise aussi des tours gastronomiques et des ateliers de coaching autour d’activités culinaires – cours de cuisine sur un voilier, visite d’une fabrique de panettones ou chez un cultivateur de safran… « Ma mère et mon frère font souvent appel à moi pour les recherches de leurs émissions et de leurs livres, s’enorgueillit-elle. Stefano est venu tester ses recettes chez moi quand j’habitais Modène, une ville où l’on trouve tous les produits traditionnels – vinaigre balsamique, prosciutto, cerises… On a cuisiné pendant un mois, c’était fantastique ! » Son frère a aussi tourné chez elle des épisodes de sa télésérie Al Dante avec Stefano Faita (CASA).

Native de Montréal, Cristina a quitté la Petite Italie pour la grande il y a 15 ans, afin de s’y forger une vie à elle. Pari tenu. Mais il y a un revers de la médaille à la soif de liberté. « J’ai laissé les miens, moi la petite-fille de Luigi Venditelli, fondateur de la quincaillerie Dante [près du marché Jean-Talon]. Ici, contrairement à ce que j’avais connu, personne ne savait qui j’étais. Je me souviens du jour où la boulangère de mon patelin m’a appelée par mon prénom. Je me suis mise à pleurer de joie ! »

Pour se donner du courage, elle a pris exemple sur sa mère, une femme moderne avant l’heure qui a transformé le commerce de la rue Dante en véritable institution. Cristina y a longtemps été son bras droit. « Elena m’a toujours fait confiance. Elle disait que je bossais comme une mule ! » Ce qu’elle a continué de faire dans la Botte, malgré un plafond de verre quasi infranchissable. « Mais, comme le dit Sheryl Sandberg [directrice des opérations de Facebook], ce sont souvent les femmes qui s’imposent des limites. Par exemple, les Italiennes veulent allaiter à tout prix, s’approprient l’éducation de leur progéniture… » Cristina, au contraire, encourage son Italien de mari (de souche !) à prendre sa place auprès de leurs deux fils, à qui elle transmet ses valeurs féministes. « Je passe mon temps à déboulonner les stéréotypes du genre “Les filles ne jouent pas avec les épées”, “Elles mangent ceci et pas cela”. » Dans un pays qui ne subventionne pas les garderies, elle a opté pour le travail à la maison. Et suivi le conseil d’Elena : « Si ton mari ne veut pas payer la gardienne, paie-la, toi ! Sinon tu vas perdre ta place au travail. » Alors tant pis si le souper n’est pas prêt quand son homme rentre du boulot ! « Ça fait partie de l’héritage québécois que je lègue à mes enfants. »

Christina Faita. Photo tirée du livre «Entre  cuisine et bambini» de Stefano Faita. Crédit photo: Claudine Sauvé

Christina Faita. Photo tirée du livre «Entre cuisine et bambini» de Stefano Faita. Crédit photo: Claudine Sauvé

Dans le carnet de Cristina

Sa vie sur les réseaux sociaux :

Cristina a créé Feminine Circle, un groupe privé sur Facebook qui met en lien des femmes d’affaires du Québec et d’Italie. Elle et son mari, devenu tétraplégique à la suite d’un grave accident de moto, ont fondé Respect the Challenge, une communauté sur Facebook qui valorise le respect de la diversité.

Son resto préféré:

Lo Scottadito, à Numana, où elle habite. Au menu : du poisson et encore du poisson – on y mange les meilleures sardines gratinées. L’endroit fait aussi office de gîte touristique. loscottadito.it

Son plat réconfort :

Les aubergines au parmesan d’Elena Faita, sa maman. Pour la recette : casatv.ca/a-table/aubergines-au-parmesan

 

 

Judith Bérard

44 ans, auteure-compositrice-interprète, productrice d’huile d’olive en Ombrie

Crédit photo: Jonathan Small

Crédit photo: Jonathan Small

Chanteuse, fermière et fière de l’être

C’est en 2003, dans le cadre de la comédie musicale Cindy à Paris, que le destin de Judith Bérard a croisé l’Italie. Au lieu de prendre l’avion pour rentrer à Montréal, elle file vers le sud aux côtés du compositeur des chansons du spectacle, Romano Musumarra, en direction d’Orvieto, une ville médiévale à une heure de Rome.

Romano lui montre son oliveraie et sa villa du Domenica Fiore. « Il m’a dit qu’il rêvait d’y construire un studio de musique avec la femme qui partagerait sa vie », évoque l’énergique blonde rencontrée dans un café montréalais.

Crédit photo: Laura Adani/Stocksy

Crédit photo: Laura Adani/Stocksy

Judith l’a suivi par amour, mais aussi par besoin de se réaliser loin de chez elle. Elle inscrit son fils de quatre ans à l’école du village, apprend la langue italienne, la cuisine italienne… et la vie de famille recomposée à l’italienne. « À partir du moment où tu épouses un Italien, tu deviens la mamma qui s’occupe de la maison et des enfants – ce que j’ai fait pour le mien et pour celui de Romano », dit-elle sans regret.

Dans leur nouveau studio high-tech, des artistes viennent interpréter les chansons composées par Romano. Judith participe aux enregistrements. Elle renoue aussi avec la terre, elle, la petite fille élevée dans une ferme à Bromont. « J’ai planté des arbres, nourri les animaux. À l’école, on me surnommait “la fermière” parce que je sentais le foin. »

Avec le temps, le couple acquiert des milliers de plants d’olivier. Ce qui fait germer une idée : fabriquer de l’ex albis ulivis – le type d’huile extra vierge qu’on servait, selon l’histoire, à Jules César. « Pour la produire, il faut cueillir les olives un mois avant leur pleine maturité, explique Judith. Mais comme les moulins sont fermés entre les périodes de récoltes, on a dû construire le nôtre, le plus moderne, le plus gros de l’Ombrie ! » Les fermiers, soupçonneux au départ, finissent par mouliner chez Judith et Romano. « On a créé une espèce de buzz dans la région ! »

En 2008, ils reçoivent un certain Frank Giustra, milliardaire de Vancouver, de passage à Orvieto. « Je me souviens encore de l’éclair dans ses yeux quand il a goûté à notre huile. » Pendant deux ans, l’homme – un philanthrope proche de Bill Clinton – n’a plus donné de nouvelles. Puis, en 2010, il propose au couple de s’associer à lui. « Sans lui, jamais nous n’aurions pu distribuer notre produit hors de l’Italie », dit Judith. Mises en marché en 2012, dans des bouteilles au design raffiné, les huiles Domenica Fiore Reserva et Novello ont depuis remporté l’or dans de prestigieux concours, aussi bien au Japon qu’à New York, Los Angeles, Jérusalem…

Judith reste évidemment la meilleure ambassadrice de ses huiles au Québec, où elle est revenue s’installer il y a quatre ans. « J’ai échoué à m’intégrer, avoue-t-elle. Mon côté sociable, libéré, dérangeait. Je parle à tout le monde, et je sentais que j’agaçais les autres femmes si je me montrais souriante, amicale, avec leur mari. » Son conjoint à elle a dû accepter que Judith retrouve ses racines. Depuis, ils se visitent à tour de rôle.  Pour les points de vente des huiles Domenica Fiore : judithberard.ca

Crédit photo: Jonathan Small

Crédit photo: Jonathan Small

Dans le carnet de Judith

Sa recette infaillible :

Poivrons rouges marinés.
Mettre les poivrons entiers au four. Une fois cuits, les emballer dans du papier journal et les laisser refroidir. La peau s’enlève ensuite comme un charme. Ajouter de l’ail et de l’huile d’olive. Servir en apéro ou en accompagnement.

Ses accords huile d’olive-mets :

J’en mets partout – potage, bifteck, poisson, légumes, pâtes, fromage frais (burrata accompagnée de tomates cerises et de basilic) – et même sur la crème glacée à la pistache ! Une fois la date de péremption passée, je l’utilise comme traitement pour la peau dans l’eau du bain.

Les adresses lui rappelant l’Italie :

Épicerie Morena, 1040, avenue Cartier, Québec. Produits fins et spécialités. morena-food.com – Olive pressée, 1871, avenue du Mont-Royal E., Montréal. Boutique et comptoir de dégustation d’huiles d’olive. olivepressee.com

 

 

Paula Papini Cook

30 ans, vigneronne en Toscane

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La plus jeune productrice de Chianti Classico

Ses vins sont vendus dans l’espace Cellier (hou !) de nos SAQ, mais aussi dans une douzaine de pays, des États-Unis à la Chine. Un véritable tour de force pour une vigneronne comptant à peine cinq ans de métier ! « Depuis que le Gambero Rosso, magazine phare des vins italiens, a attribué la plus haute mention à ma cuvée, on me respecte », dit fièrement Paula Papini Cook, jointe à son domaine viticole Le Miccine, dans la vallée du Chianti, en Toscane.

Crédit photo: Laura Adani/Stocksy

Crédit photo: Laura Adani/Stocksy

Ce succès critique attire nombre de touristes dans son vignoble et sa charmante villa de location. « Parfois, ça fait beaucoup de monde sur le terrain ! » remarque la jeune femme originaire de Saint-Bruno-de-Montarville, en banlieue sud de Montréal. « Je discute avec les gens, leur fais découvrir mes vins et la région. » Pendant la haute saison, elle n’a pas une minute à elle, entre les dégustations, la vinification, les tests de vieillissement et la mise en bouteilles. Heureusement, elle n’est pas seule à besogner aux champs : trois hommes y travaillent à l’année et une dizaine d’autres pendant les vendanges. Ses parents viennent aussi lui prêter main-forte pendant l’été.

Elle leur doit d’ailleurs une fière chandelle, à eux qui l’ont soutenue dans l’achat de la propriété de 12 hectares, en 2010. Paula terminait tout juste une maîtrise en viticulture-œnologie dans deux écoles supérieures, en France et en Italie. « On a prospecté la région de la Toscane où, petite, je passais les vacances chez une grand-tante », raconte-t-elle – sa mère a des racines italiennes. Une fois l’endroit rêvé trouvé et l’affaire conclue, les proprios lui ont remis les clés… sans autre explication concernant le domaine. « J’ai découvert les secrets du Miccine à travers les ouvriers. Pour gagner leur respect, je leur ai montré que j’étais capable de tailler la vigne et de vinifier dans le chai. »

Son autre bataille, elle l’a remportée dans les foires aux vins. « J’ai entendu des choses du genre : “Les gens ne s’arrêtent pas à ton kiosque parce qu’ils s’attendent à voir un contadino – un vigneron à barbe !” rigole la châtaine aux yeux bleus, du haut de ses cinq pieds deux. Ou : “J’aimerais bien t’avoir comme hôtesse !” Ils ne croyaient pas que l’entreprise m’appartenait.

Machos, les Italiens ? Sì, signora ! Mais l’ardeur et l’amour de la terre de Paula ont eu raison des préjugés. « J’ai cherché à comprendre l’histoire et le terroir de ce vignoble vieux de 300 ans, goûté à une centaine de Chianti Classico pour en connaître les subtilités. Je n’utilise que des cépages italiens comme le veut la tradition, et mes pratiques respectent la biodiversité – mon vignoble fourmille d’abeilles et de coccinelles. » Désormais, le Consorzio Vino Chianti Classico, qui regroupe 600 producteurs de la région, ne tarit pas d’éloges sur Paula auprès des importateurs. « On me présente comme la plus jeune vigneronne qui fait des vins de qualité… mais aussi la plus belle. » Ah, ces Italiens ! Les vins de Paula vendus à la SAQ : le Miccine Chianti Classico 2012, SAQ 12257559, 21,15 $ et Le Riserva 2010 SAQ 11580135, 27,15 $

Quebecoises.en.Italie.Paula.Papini.Cook.2Dans le carnet de Paula

Ses bonnes adresses dans le Chianti :

Il Bar Pizzeria Eldorado,
pour faire la fête. On y
accède par une petite route en terre battue. Mais ça vaut le détour – pour la terrasse avec vue sur les collines,
le coucher de soleil et le karaoké toujours très animé. La pizza y est délicieuse ! barpizzeriaeldorado.com 

L’Antica Delizia, pour les meilleurs gelato. Dans le coquet village de Castellina, qui compte plein de jolies boutiques. Les sorbets à base de fruits qu’on y sert sont incomparables.

La Cantinetta del Chianti, pour l’apéro. Ricardo, le charmant maître des lieux, y sert des charcuteries et des fromages du sud de l’Italie. Une fois par semaine, il met la mozzarella di bufala – la vraie ! – au menu. Et sa sélection de vins est remarquable.  lacantinettadelchianti.it

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