
J’ai une annonce importante à vous faire. Je suis en train de pourrir par en dedans. C’est parce que je suis une mère empathique. Cette merveilleuse habileté sociale qui me permet de mieux comprendre mes filles en me mettant à leur place est en train de faire surchauffer mes cellules. Ce formidable outil qui me permet de désamorcer leurs crises et de les sensibiliser aux réalités des autres s’attaque à mon système immunitaire. Alors si, comme moi, vous avez cette dangereuse habitude de vous oublier pour vos enfants, soyez prudent : l’autodestruction vous guette!
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Je dramatise un peu (beaucoup), mais je n’invente rien. Ce sont les résultats d’une étude scientifique qui paraîtra bientôt dans le journal Health Psychology. Le point de départ de l’équipe de chercheuses de la Northwestern University est intéressant. Les enfants de parents emphatiques sont moins dépressifs, moins agressifs et plus empathiques, ces faits sont reconnus et bien documentés. Mais quels sont les effets d’un tel investissement émotif sur les parents, particulièrement au niveau physique?
Pour le savoir, 247 duos de parents et d’adolescents ont fourni des échantillons sanguins et ont répondu à un questionnaire. Le but? Cerner la fréquence de réaction et le niveau de compréhension des parents face aux émotions de leurs enfants. Les résultats prouvent ce que l’on savait déjà : dans les familles où les parents sont empathiques, tout le monde se porte mieux, psychologiquement parlant. Les enfants contrôlent mieux leurs émotions tandis que les parents possèdent une meilleure estime d’eux-mêmes et donnent davantage de sens à leur vie. Toutefois, il y a un énorme écart dans le niveau d’inflammation de leurs systèmes immunitaires. Si les adolescents qui ont des parents empathiques ont des taux plus bas que leurs pairs, leurs parents pètent des scores : leurs cellules dénotent une inflammation légère mais chronique.
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Dans cet autre article, on explique que si le système immunitaire des parents empathiques est ainsi atteint, c’est notamment parce que leur niveau de stress est plus élevé du fait de faire passer les besoins, les émotions, mais aussi la santé de leurs enfants avant la leur. Cela se manifeste entre autres par la propension à sacrifier leurs heures de sommeil, d’activités physiques ou de détente.
Vous reconnaissez-vous? Moi oui. Moi qui croyais que c’était l’amour inconditionnel pour mes filles qui me réchauffait l’intérieur, ce serait plutôt l’inflammation cellulaire.
L’auteure principale de l’étude de la Northwestern University, Erika M. Manczak, croit que les parents doivent apprendre à prendre soin d’eux-mêmes, en dormant suffisamment, en faisant de l’exercice et en diminuant leur stress : « Ce n’est pas égoïste pour les parents de prendre le temps de faire ces choses, c’est critique pour leur santé mentale et physique. »
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Je ne pourrais pas être plus d’accord. S’oublier complètement pour ses enfants n’est pas sain, mais il n’est pas simple d’éviter ce piège non plus. J’attends donc l’étude scientifique qui révélerait aux parents la manière pour « s’oublier juste assez, sans culpabilité » ou encore l’invention qui permettrait de multiplier de façon exponentielle l’aide et le soutien autour de soi pour souffler un peu.
À la lumière de ces données scientifiques, je vous fais une deuxième annonce. Je crois trop au pouvoir de l’empathie, dans ma famille et dans la société en général, pour freiner mes ardeurs. Impossible pour moi d’arrêter de faire preuve de compassion, même si cela me vaut l’autocombustion.
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