Entre l’écriture d’un roman, la réalisation d’un documentaire, les allers-retours à son studio new-yorkais et sa ferme québécoise, le peintre Marc Séguin a réfléchi aux titres qui l’ont marqué.
Je l’ai d’abord lu à 19 ans. Un moment où j’ai beaucoup bouquiné, car je me cherchais et j’avais l’impression de poireauter. En lisant, j’apprenais. J’ai consommé tous les classiques, dont celui-ci, auquel j’ai goûté de nouveau récemment. Il y a une telle force d’évocation, d’images dans ce roman. Ça n’a d’ailleurs pris que quelques mois avant qu’on en fasse un film. C’est notre Madame Bovary. Cette histoire d’une femme résignée, qui finit par accepter ses désirs sans se victimiser, ne se démodera jamais. C’est une grande, Anne Hébert !
Lu en 2010. Je me souviens de la chaise, du poêle à bois devant moi... Quand je l’ai refermé, j’étais incapable de parler. Aucun autre livre ne m’est resté aussi longtemps sous la peau une fois terminé. J’ai tenté de le lire une première fois : au bout de 30 pages, je l’ai mis de côté. J’avais mal. Je l’ai repris trois semaines plus tard. Je ne pensais pas que ce serait aussi dense, profond, humain. Ce n’est pas beau. Malgré toute la lumière, il reste quelque chose d’extraordinairement tragique sur l’humanité. J’ai été jaloux de Cormac McCarthy ! J’aimerais pouvoir faire vibrer quelqu’un avec mon art comme lui m’a fait vibrer.
Pour la première fois avec un livre québécois, je mesurais toute la puissance de la dénonciation et du pouvoir de nommer les choses. C’est ce que Marie-Claire Blais a fait par rapport à des laideurs. Je n’ai pas retrouvé ça souvent en littérature. Elle a décrit cette laideur qui anime les humains, ce qu’on n’avait pas le droit de faire. Il y a quelque chose de violent dans ce livre, qui est beau. Et c’est aussi à propos aujourd’hui. Pour un artiste, il est rassurant de constater que la dénonciation peut rester pertinente avec le temps.
Les textes de Marie Uguay, dont la lecture m’a été suggérée par une amie, ont été colligés par Stéphan Kovacs, son conjoint. Cette poétesse a une écriture d’une rare lucidité. Et elle ne parle pas de sa maladie – elle est morte en 1981 du cancer des os, à l’âge de 26 ans. Il s’agit d’une amoureuse folle qui écrit sur la création. Il est impressionnant que la poésie de cette fille, qui n’a signé que deux œuvres, soit aussi grandiose. C’est direct, dans une langue belle. On est happé par son parcours. Elle est tourmentée, mais ce n’est pas pathos. Qu’elle ait eu autant de sensibilité, et les mots pour l’exprimer, me bouleverse.
Cette édition avec l’actrice Rita Tellone en couverture traînait chez nous. Or, le midi, j’étais toujours seul à la maison. Je me souviens de tout. Il y avait un article sur O.J. Simpson, sur Leonard Nimoy, un autre dans lequel on essayait de prédire l’avenir. Pour le jeune que j’étais, c’était un trésor ! J’y revenais tous les jours. C’était la première fois que je voyais une femme nue autre que ma mère. Une révélation. Un cadeau du ciel, presque. Je me suis longtemps demandé si ça faisait partie de mon éducation que mon père laisse un Penthouse à la vue sur sa table de chevet...
Écoutez Marc parler de ce roman qui figure au sixième rang de ses lectures incontournables en cliquant ici.
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