Tout a commencé il y a cinq ans par la distribution de sacs à lunch aux itinérants du métro Longueuil. Un soir, comme il lui restait des sandwichs, Cécile Béliveau a pensé les offrir dans une maison de chambres pour personnes souffrant de maladie mentale. « Je me souviens, les lunchs avaient disparu en un instant », raconte la quinquagénaire aux cheveux poivre et sel coupés en brosse, piercing au sourcil et lunettes rondes. « Sauf que les résidants étaient vite retournés dans leurs chambres. » La fois suivante, elle a épinglé dans la salle à manger un calendrier d’activités organisées deux fois par mois par elle et son groupe de bénévoles, les Porteurs d’espérance, qu’elle a fondé avec le soutien du Phare de Longueuil. Depuis, ils l’attendent avec impatience. « Vous savez, ces gens-là ne sortent pas beaucoup… »
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« Ces gens-là », Cécile les chérit et les connaît par leur nom. Il y a Louise, 57 ans, qui contrôle mal ses nerfs. Ses médicaments lui causent des sueurs. Elle rêve de vivre entourée de gens « normaux ». Madame Fortin, 52 ans, souffre de schizophrénie. En 20 ans, elle trouve que les choses ont beaucoup changé à la résidence, et pas pour le mieux. « Le pire, c’est la chicane et l’alcool. La police débarque tout le temps. »
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« Pour eux, c’est Noël chaque fois qu’on vient, confie Cécile. Ils sont très seuls. Ici, c’est une prison sans barreaux. »
Alors, pour le temps des fêtes, elle met le paquet. Le 21 décembre, les Porteurs d’espérance s’amènent en début d’après-midi pour installer les décorations et préparer la popote. Après la messe, célébrée au sous-sol, les réjouissances. On chante, on joue, on danse. Le repas traditionnel est servi à la salle à manger. Il y a un arbre de Noël, un père Noël et bien sûr des présents – des tuques, des foulards, des mitaines tricotés à la main. « C’est de toute beauté, s’exclame Arille, 65 ans. On est comme une grande famille. D’habitude, je reste dans ma chambre à jouer aux voitures et à la PlayStation. »
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À 20 h, la fête est terminée. C’est l’heure des médicaments.
« Je le fais par amour pour eux, sans jugements. J’ai été moi-même aux prises avec de graves problèmes de santé mentale, admet Cécile. Et si j’arrive à faire ce que je fais aujourd’hui, c’est grâce à ma mère. Elle a cru en moi et m’a redonné la vie. À mon tour de prodiguer de l’amour et de l’espoir. »
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