Format familial

Bianca Gervais: à quand une société «apportez votre bébé»?

Notre monde est-il adapté aux familles avec bébé? La comédienne et animatrice de Format familial, Bianca Gervais, n’en est pas si sûre. Surtout quand vient le temps de manger au restaurant…

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Photo: Richard Bernardin

J’ai tenté, en vain, de traduire en français l’expression « bébé friendly ». Lui-même peu inspiré, mon ami Google traduction propose « bébé convivial ». Pas du tout convaincant ! Ce n’est pas l’enfant qui n’est pas convivial, ce sont les endroits qui ne m’accueillent pas à bras ouverts lorsque je suis en sa compagnie. Car, oui, depuis que je suis mère, un sujet revient systématiquement au cours des soirées entre nouveaux parents : le bébé friendly. Ou plutôt, ce qui ne l’est pas. Et du haut de ma grosse année d’expérience en la matière, force m’est de constater que nous ne sommes pas partout bienvenus, loin de là.

Nous avons mis dans un sac le biberon de lait, les jouets, les céréales « au cas où… » et le iPad comme dernier recours. Nous avons affronté le regard de feu du maître d’hôtel lorsque nous nous sommes pointés avec la poussette. Le non-dit était évident : « Ici, on n’aime pas trop les petits monstres. Vous pouvez aller ailleurs ? » On nous a assigné une table cachée dans l’un des coins sombres du restaurant. Une chaise haute ? Après en avoir fait la demande, j’ai perçu un rictus à travers la barbe de hipster du serveur. Comment se fait-il qu’il existe autant de restaurants « Apportez votre vin », mais si peu de « Apportez votre bébé » ? Cherche-t-on à faire fuir les jeunes familles ? Sommes-nous une plaie pour les établissements à la page ? Combien de fois ai-je changé ma pauvre petite à même le sol des toilettes parce que le resto où l’on était n’avait pas encore découvert les tables à langer ? Je vous l’assure, j’apprécie les rôtisseries et la restauration rapide, ainsi que les cafés pour mamans et bébés. Mais j’ai parfois envie de m’offrir une bonne bouffe AVEC ma fille. Mon plaisir culinaire n’a pas quitté mon corps en même temps que mon placenta.

Récemment, une superbe boutique d’accessoires pour la maison a ouvert ses portes. Deux étages de pur bonheur. Ma fille, mon portefeuille et moi étions prêts à faire une razzia. Mais encore fallait-il s’y rendre. D’abord, escalader les six marches de l’entrée avec la poussette (sans qu’on me propose de l’aide, alors que je suais abondamment du toupet), puis me faire dire par une jeune vendeuse que je ne pouvais accéder à l’étage parce que les clients n’avaient pas le droit d’utiliser les ascenseurs du back store. Donc, mieux valait laisser ma poussette dehors, au risque de me la faire voler…

Pourtant, je vous jure que je regarde plus loin que le bout de mon nombril de mère. En public, je m’assure que les cris et mouvements de ma belette ne dérangent personne. Et j’ai de la jugeote : jamais je n’amènerais mon bébé chez Toqué ! ou dans un magasin de porcelaine. Seulement, je me sens souvent comme la passagère d’avion que l’on maudit parce qu’elle a l’audace de vouloir faire découvrir le monde à son bambin hurlant. Vous savez, la voyageuse égoïste que l’on souhaiterait voir assise très loin de soi ?

Je rêve d’un monde où les voisins ne se plaignent jamais des cris des gamins dans la ruelle. Où tous les cyclistes acceptent que les enfants de trois ans qui pédalent devant eux ralentissent leur rythme. Où l’on ne soupire pas au dépanneur pendant que le petit devant nous compte ses jujubes. Où l’on aide les pauvres parents à soulever leur poussette dans les mautadines marches du métro. Où tous les restos proposent des chaises hautes. Où l’on tient les portes du centre commercial lorsque maman ou papa en a plein les bras.

Oui, j’ai fait le choix d’être mère, mais j’ai encore plein d’intérêts. Et sortir de mes quatre murs afin de triper avec ma fille en est un.

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