Culture

Livres : 5 nouveautés à dévorer sous le soleil

Polar, poésie, thriller, roman d’amour… Il y en aura pour tous les goûts chez les libraires du Québec durant la belle saison. Voici quelques livres qu’on voudra lire assurément.

Thriller chez les Autochtones

Dans le nord de l’Ontario, une communauté anishinaabée s’inquiète de voir tomber en panne, coup sur coup, le réseau électrique et tous les systèmes de communication. S’ils comprennent tôt que quelque chose de grave est arrivé, le chef de bande et ses conseillers font tout pour éviter que la panique ne s’installe : l’hiver approche, et si les livraisons prévues de nourriture et autres denrées devaient ne jamais arriver, la situation deviendrait vite critique. Disparitions mystérieuses, rivalités internes, tensions entre Blancs et Autochtones, Neige des lunes brisées est une sorte de cocktail météo imprévisible. Waubgeshig Rice sème chez le lecteur une angoisse qui s’infiltre comme un vent polaire, distillant avec beaucoup de doigté l’information sur les événements qui ont occasionné ce cauchemar éveillé. Journaliste à la CBC, originaire de la Première Nation de Wasauksing, Rice contribue avec ce thriller apocalyptique à une littérature encore peu connue, celle du futurisme autochtone. Glaçant.

Neige des lunes brisées, par Waubgeshig Rice, traduit de l’anglais par Yara El-Ghadban, Mémoire d’encrier, 250 pages.

Livre

Fragments de fin de vie

Ce sera son dernier livre. Il est aussi lucide qu’honnête sur la question et nous en voudrait de ne pas l’être autant que lui. Simon Roy en a débuté l’écriture le 22 février 2022, un an jour pour jour après avoir reçu un diagnostic de gliome de stade 4. Un cancer du cerveau incurable, pour le dire simplement. Sous cette forme de fragments qu’il affectionne et qu’il maîtrise comme peu d’autres – on sait le succès que lui ont valu Ma vie rouge Kubrick (2014) et plus récemment Fait par un autre (2021) –, Simon Roy nous parle de la peur, de ses origines et de ses différentes manifestations. Peur du monstre sous le lit, peur d’une invasion extraterrestre, peur de la nuit qui vient. Croisant ses propos et ceux de Stephen King, d’Orson Welles, de Stanley Kubrick, mais aussi de Pascal et autres philosophes, il réfléchit au sens d’une vie dont il perçoit le terme, et qu’il souhaite pleine jusqu’au bout. Ma fin du monde est un livre sur l’après, mais surtout sur l’avant.

Ma fin du monde, par Simon Roy, Boréal, 144 pages.

suggestion de livre

Une pionnière dans les Prairies

On peut très bien imaginer les difficultés rencontrées par une femme médecin-légiste dans la Saskatchewan de la fin des années 1910. Si on conjugue à cette trajectoire professionnelle hors norme une orientation sexuelle encore mal acceptée, on se trouve devant un être pour le moins original, inévitablement à part. C’est dans ce contexte digne du Far West que Lesley Richardson, femme de tête tout juste nommée pathologiste de la province, doit contribuer à différents dossiers judiciaires qui secouent sa société. La découverte d’ossements sur la terre d’un fermier des environs de Régina, notamment, ossements appartenant sans doute au Métis Lionel Sanschagrin, mystérieusement disparu depuis un an. Elisabeth Tremblay, dont la série Filles de Lune s’est écoulée à 200 000 exemplaires, signe ici un roman à cheval entre le polar, le roman d’amour – la relation entre Lesley et sa conjointe Lucinda occupe une grande place dans l’histoire – et le portrait à teneur féministe. Une dimension qui prend tout son sens quand on sait que l’autrice s’est inspirée de Frances Gertrude McGill, surnommée la « Sherlock Holmes de la Saskatchewan », qui y a réellement agi comme pathologiste de 1920 à 1946 !

La pathologiste, par Elisabeth Tremblay, Flammarion Québec, 304 pages.

suggestion de lectures

Une prose unique

Quel que soit le sujet qu’elle aborde, Margaret Atwood le fait dans une langue vivante, sans lourdeurs ni temps morts. La dame de 82 ans a beau nous parler, dans ces Poèmes tardifs, de deuil, de vieillissement, du temps qui fuit ou de déliquescence personnelle comme collective, elle le fait avec un esprit, une espièglerie, même, qui nous laisse éblouis autant qu’émus, comme le ferait un ciel nuageux troué par cent rayons de soleil. L’écrivaine originaire d’Ottawa, qu’on connaît surtout pour ses romans – à commencer par le célèbre La servante écarlate –, n’est pas moins poète (elle a publié plus d’une quinzaine de recueils). Un genre par le biais duquel elle s’intéresse, comme dans toute son œuvre au fond, à l’inhabituel, au singulier. « Certaines baies poussent au soleil / mais elles sont plus petites. / C’est comme je vous l’ai toujours dit : / les meilleures poussent à l’ombre. »

Poèmes tardifs, par Margaret Atwood, traduits de l’anglais par Christine Évain et Bruno Doucey, Robert Laffont, 192 pages.

livres

Sur la banquise

– Au fait, maman, je n’ai pas de papa ?

N’importe quoi lui passe par la tête parce qu’elle est encore une enfant. Sa mère lui répond :

– C’est vrai. Il y a longtemps que ton papa est mort, il y a très longtemps. Nous ne le reverrons qu’à la fin du monde.

L’extrait donne le ton d’un roman hors norme, qui ne serait sans doute jamais parvenu jusqu’à nous sans Bernard Saladin d’Anglure, Français d’origine et Québécois d’adoption. Ce professeur d’anthropologie a rencontré Mitiarjuk Nappaaluk (1931-2007) au Nunavik durant des recherches qu’il y menait au début des années 1960. Il a rapidement été fasciné par cette femme qui, après avoir appris l’écriture syllabique inuite, un système introduit par des missionnaires à la fin du 19e siècle, s’était mise à écrire un roman racontant le quotidien de sa communauté avant l’arrivée des Blancs. D’Anglure a donc œuvré, avec l’aide de quelques autres, à un projet de traduction singulier, convertissant le texte en orthographe latine pour ensuite le traduire de l’inuktitut. Sanaaq paraît ici dans une nouvelle mouture, son traducteur ayant retravaillé en profondeur le livre publié une première fois en français en 2002. On doit bien sûr se faire à la petite musique d’un récit qui obéit à sa propre logique, où on glisse vite d’un sujet à l’autre – pêche, cuisine, jeux –, selon les intuitions d’une écrivaine qui n’est jamais allée à l’école. Mais Sanaaq représente une expérience de lecture inoubliable. S’y plonger nous donne l’impression de marcher sur la banquise et de partager la vie des Inuit d’avant la colonisation.

Sanaaq, par Mitiarjuk Nappaaluk, Dépaysage, 250 pages.

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