Culture

Livres : les nouveautés de Martine Delvaux, Heather O'Neill et Cristian Fulas

À la recherche de livres à offrir ? Voici trois œuvres admirables qui sortent des sentiers battus.

livre Heather O'Neill

Perdre la tête, de Heather O’Neill, traduit par Dominique Fortier, Alto, 504 pages.

Perdre la tête

L’écrivaine Heather O’Neill a le don de créer des univers féériques, qui rappellent ceux des contes. Ses romans mettent en scène, dans un Montréal qui traverse les époques, des enfants plus grands que nature, à la fois clowns tristes, éclopés rêveurs et petits voyous lumineux.

Son tout dernier, Perdre la tête, remarquablement traduit par Dominique Fortier, ne fait pas exception. L’autrice nous ramène cette fois à la fin du 19e siècle pour raconter l’amitié fusionnelle entre deux gamines que tout oppose : Marie Antoine, fille d’un baron du sucre, et Sadie Arnett, enfant sombre et brillante à l’imaginaire teinté d’érotisme. Alors que la première se vautrera dans le plaisir et le luxe, la seconde plongera dans une cité misérable et malfamée où couve une révolte ouvrière.

« J’avais envie d’écrire un roman qui se déroule à l’époque victorienne, inspirée par ces figures féminines dont les robes imposantes ressemblaient à des cages. Il y avait une métaphore intéressante dans cette idée de femmes révolutionnaires qui se libèrent de leur prison pour mener une révolution », souligne la romancière.

En interrogeant les attentes et les cadres imposés aux femmes de l’époque, Heather O’Neill fait écho à plusieurs enjeux contemporains, et met en lumière les préjugés, les inégalités et les violences sexistes qui ont survécu au passage du temps. Le roman le plus assumé et le plus féministe de la grande écrivaine montréalaise.

livre Martine Delvaux

Les allongées, de Jennifer Bélanger et Martine Delvaux, Héliotrope, 150 pages.

Les allongées

L’icône de l’art mexicain Frida Kahlo a dû peindre la plupart de ses toiles en position allongée en raison des graves blessures subies dans l’enfance lors d’un accident d’autobus. Virginia Woolf, prise d’intolérables migraines, a, elle aussi, écrit certaines de ses plus grandes œuvres, clouée au lit.

Au fil du temps, toute une lignée d’écrivaines et d’artistes ont créé, rêvé, résisté et repensé le monde, étendues sur un lit, un divan, un plancher ou une civière.

C’est pour rendre hommage à ces femmes qui les hantent et représentent leur réalité que les écrivaines Martine Delvaux et Jennifer Bélanger, toutes deux aux prises avec des douleurs chroniques, ont entamé un échange épistolaire sous forme de fragments. L’essai qui en résulte, Les allongées, fait entendre leurs voix en réaction aux écrits de l’une et l’autre ou en réponse à des réflexions de philosophes ou artistes, chaque fragment prenant comme tremplin celui qui le précède et ce qu’il évoque. « Il s’agissait pour nous de faire voir et de faire entendre ces femmes allongées, d’en faire une sorte de tableau et aussi un chœur qui bat, qui survit, qui écrit », font valoir les autrices par clavier interposé. D’une grande poésie.

livre Christian Fulas

Iochka, de Cristian Fulaș, traduit par F. et J.-L. Courriol, La Peuplade, 568 pages.

Iochka

En 2016, la maison d’édition La Peuplade, à Chicoutimi, lançait sa collection Fictions du Nord. L’objectif ? Faire découvrir aux Québécois des écrits du nord du Québec et du Canada, de la Scandinavie et de l’Alaska. Trouver, dans la nordicité, le froid et la neige, une forme de sororité d’esprit.

Cette fois, la collection s’aventure vers le sud et nous fait découvrir Cristian Fulaș, un écrivain roumain à la prose bouleversante, portée par un souffle lyrique et un regard acéré sur l’humanité. Iochka, son premier roman traduit en français, raconte une grande histoire d’amour. Il met en scène Iochka, un vieil homme ordinaire, un ouvrier de la période communiste en Roumanie. Au cœur d’une vallée sauvage des Carpates, il fabrique du charbon de bois, une bouteille de horinca à la main. Avec l’amour de sa vie, Ilona, et ses trois amis, le contremaître, le docteur et le pope, il cherche le secret du temps et du bonheur, et partage avec eux ses souvenirs tumultueux de la guerre, des camps soviétiques et de la vie sous Ceaușescu.

Dans cette poignante tragédie postmoderne, Cristian Fulaș sonde l’âme humaine, chante les louanges des vies ordinaires, oubliées dans la grande course du monde, et donne vie à des personnages inoubliables. Un roman exigeant, mais profondément lucide, qui vaut amplement l’effort.

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