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Art de vivre

Pierre-Yves Cardinal, au-delà du beau garçon

Loin d’être rustre comme certains de ses personnages, cet acteur chevronné est plutôt sensible et bien au fait des grands défis qui attendent l’humanité. Rencontre avec un homme engagé qui ne dirait pas non à un saut en politique.
Pierre-Yves Cardinal

Photo : Matthieu Dorthomb

Son arrivée à son agence crée une petite commotion. Il faut avouer qu’avec sa gueule de vedette et son abondante chevelure brune, Pierre-Yves Cardinal en jette. Le voilà qui s’avance. Poignée de main ferme, regard franc, sourire engageant. « Je t’avertis, je parle beaucoup », me prévient-il. Il dit vrai : sa réponse à ma première question aura duré 15 minutes... Voici le résultat – condensé de notre échange, qui a eu lieu quelques jours avant la cérémonie des César du cinéma, à Paris, où Simple comme Sylvain a été sacré meilleur film étranger.

Quels sont les trois mots qui te définissent le mieux ?

Passionné, au point où je bascule parfois dans l’obsession. Distrait: je n’y peux rien, ça fait partie de ma personnalité. Déterminé: si j’aime quelque chose, je m’investis à fond.

As-tu le bonheur facile ?

Oui. J’ai besoin de peu de choses pour être heureux: être en amour, avoir des enfants en santé et tourner dans un beau film [rire]. En fait, je n’ai pas eu un début de carrière fulgurant. J’ai vécu très pauvre pendant des années, avec un salaire de misère que je gagnais à jouer dans des théâtres autogérés. Mais malgré les difficultés, ces années ont été super heureuses. Alors oui, je pense que j’ai le bonheur facile.

Quelle est ta définition d’une vie réussie ?

Plus je vieillis, plus je me rends compte que c’est une vie riche des liens que tu entretiens avec les gens autour de toi. Plus jeune, je me projetais dans l’avenir en me disant qu’un jour j’achèterais telle affaire, que je posséderais une maison, que j’aurais tel genre de carrière… Mais au fond, est-ce si important ? Tes amitiés, tes enfants, tes relations avec tes parents, avec ta blonde, c’est la richesse de ces liens-là qui fait que tu réussis ta vie ou non.

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As-tu une passion ou un intérêt qu’on ne te connaît pas ?

À cause des rôles qu’on me confie, les gens croient que je suis quelqu’un de physique, de sportif. J’aime faire du sport, le tennis me passionne, mais mon naturel est beaucoup plus sensible, intellectuel. J’étais un enfant très solitaire. Je passais des heures à dessiner. Avec mes filles [14 et 10 ans], j’ai ressorti mes crayons. Ça me vient naturellement.

Verra-t-on un jour une expo d’œuvres signées Cardinal ?

Es-tu malade? Je garde ça pour moi [rire].

Quelles sont les qualités que tu admires le plus chez les autres ?

L’éloquence, l’élégance, tout ce qui élève l’être humain au-dessus de sa nature animale, je trouve ça inspirant.

Cette élégance est-elle hors de ta portée ?

Non, mais j’ai l’impression que pour moi, c’est plus de travail. Écouter parler les gens qui ont le verbe facile, ça me fascine. L’an dernier, j’ai fait la promotion de Simple comme Sylvain avec Monia [Chokri] et Magalie [Lépine-Blondeau], deux filles éloquentes, qui s’expriment avec de belles phrases complexes. Je les écoutais et je me disais : « Mon Dieu, je suis vraiment le personnage du film [rire]. »

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As-tu un défaut dont tu voudrais te défaire ?

Je suis assez impatient. Dans certaines situations, ça peut être un moteur. Je veux être bon dans telle affaire ? Mon impatience me pousse à y consacrer beaucoup d’énergie, ce qui me fait vite progresser. Mais pour les gens qui m’entourent, ça peut devenir « gossant ».

Dans Simple comme Sylvain, comme dans Tom à la ferme , tu incarnes un homme fruste, mal dégrossi. Crains-tu d’être confiné à ce type de rôle ?

C’est vrai que j’ai interprété plusieurs personnages comme ça, mais ai-je peur d’être cantonné dans ce casting ? Non. Dans L’œil du cyclone [ICI Télé], je joue un ingénieur un peu maladroit et, dans Une affaire criminelle [Noovo], un gars plus intellectuel, avec une grande part d’ombre. Je me sens privilégié parce qu’on m’offre toutes sortes de rôles.

Tu es aussi vu comme un sexe-symbole. Ce n’est pas pour rien que Monia Chokri t’a choisi pour être l’objet du désir du personnage interprété par Magalie Lépine-Blondeau, l’une des plus belles actrices du Québec. Comment vis-tu avec ça ?

Sexe-symbole, c’est un peu fort, non ? Je plais à certaines personnes et pas à d’autres, comme tout le monde. Dans Simple comme Sylvain, peut-être que ça sert le propos, car il y a toute une métaphore sur l’homme-objet. Un renvoi à la cinématographie du siècle dernier où la femme était traitée comme un objet. Là où je trouve que Monia a fait quelque chose de différent, c’est qu’elle s’intéresse aux rêves de Sylvain, à ses travers. Elle ne l’a pas mis dans un beau costume en lui disant : « Tais-toi, on va juste t’idéaliser. » Ça, ça m’intéresse.

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De quel accomplissement professionnel es-tu le plus fier ?

Grosse question. Le film Tom à la ferme, bien sûr, qui m’a mis au monde pour le public. J’ai vécu quelque chose de magique avec Xavier [Dolan, le réalisateur]. J’avais l’impression de participer à un geste artistique précis, brut. Il y a aussi la pièce Quills, où j’ai eu la chance de partager la scène avec Robert Lepage, puis le projet avec Monia, Simple comme Sylvain. Travailler avec des gens comme ça, qui ont une vision artistique bien définie et qui foncent tête baissée, c’est tellement le fun!

Y a-t-il d’autres réalisateurs ou réalisatrices avec qui tu rêves de travailler ?

Après avoir vu Poor Things, de Yorgos Lanthimos, c’est certain que j’aimerais tourner avec lui. Il est brillant. Je suis aussi un admirateur de David Lynch, de Michael Haneke et des frères Coen. Travailler avec eux, ce serait participer à des œuvres dont la recherche artistique est poussée. Me mettre au service de ce genre de projets, ça me drive. Au Québec, j’aimerais retravailler avec Xavier un jour, avec Denis Villeneuve aussi, et Monia.

Un rôle qui te tente en particulier ?

Je suis plus attiré vers des types de personnages. Dans Une affaire criminelle, je jouais un enquêteur très « finasseux » et toxique. J’ai aimé ça, car je ne suis pas souvent appelé à jouer ce genre de rôle. J’aime beaucoup manier le verbe quand il est relevé, avec des textes plus alambiqués, complexes. J’aime aborder cette matière et la livrer au public. Dans Quills, j’ai goûté à ça. C’est un texte formidable, comme du Shakespeare écrit aujourd’hui.

Qu’est-ce que tu aimes le plus dans ton travail ?

Quand on vise quelque chose d’audacieux et que tout le monde adhère à cette vision. Ça donne des beaux trips de gang. Et comme interprète, j’aime sortir des sentiers battus. On veut toujours faire les choses le plus parfaitement possible, mais je me bats contre ce désir de perfection. Parfois, je rate volontairement une prise, une scène, et souvent il se passe de quoi. En tentant de réagir à l’imprévu, il arrive parfois quelque chose d’étrange: la vie surgit, c’est vrai, c’est palpable.

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As-tu des auteurs ou des autrices préférés ?

Saint-Exupéry m’a déjà plu. Puis je me suis mis à le trouver moralisateur, manichéen. J’ai aimé lire Dostoïevski, et Éric-Emmanuel Schmitt, jusqu’à ce que lui aussi se mette à nous faire la morale. Au Québec, j’adore Anaïs Barbeau-Lavalette. Sa plume est tellement imagée! C’est une femme ultrabrillante et hyper inspirante. Et il y a aussi mon chum Jean-Philippe [Baril-Guérard]. Quand je tombe sur un de ses romans, je le dévore.

L’entrevue est destinée à Châtelaine, donc j’ai envie de te demander de me nommer une femme dont le parcours t’inspire.

Il y en a plein. On est privilégié, au Québec. On a des femmes inspirantes, des pionnières du féminisme qui repoussent les limites. Elles sont parvenues à faire comprendre aux hommes qu’ils avaient besoin d’une prise de conscience. Je pense à Janette Bertrand, qui a habité ma psyché d’enfant. On regardait ses émissions en famille. Cette femme a tellement fait pour le Québec, elle a brisé tant de tabous! En créant un espace pour le dialogue, elle a permis au Québec de verbaliser des choses. C’est énorme, ça ! C’est un truc de fou ! Cette femme mériterait qu’on lui érige un monument. Une chose est sûre, je suis très heureux d’élever mes filles au Québec.

Une folie que tu aimerais faire avant de mourir…

Spontanément ? Sauter en parachute. Mais j’ai tellement le vertige…

Il reste une place pour aller coloniser Mars, tu embarques ?

Il faut vraiment que l’humain soit rendu loin dans sa folie pour penser que son salut passe par la colonisation de Mars. Il n’y a rien sur Mars, l’atmosphère est irrespirable ! Alors qu’ici, on a tout ce qu’il nous faut. On doit juste gérer notre environnement comme du monde. Et arrêter de fonder nos espoirs sur une planète située à des mois de vol. Bref, non, je n’embarque pas.

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Si tu pouvais régler un problème de notre société, lequel choisirais-tu ?

J’aurais dit l’environnement, mais encore plus important que ça, je m’attaquerais à la diffusion de l’information et à l’éducation. Nous vivons dans une ère où les gens ne savent plus quoi croire. Si on avait accès aux bonnes informations déjà, on prendrait des décisions plus sensées et notre démocratie serait en meilleure santé.

On ne s’en va pas vers ça…

Non, on est de plus en plus cloisonnés. Les gens évoluent dans des bulles où ils sont nourris de ce qu’ils veulent entendre. Les grands médias sont essentiels pour lutter contre ça. Radio-Canada, Télé-Québec, c’est super précieux. Quant à l’éducation, elle se retrouve dans le bas de la liste des priorités d’après moi, alors qu’elle a déjà été tout en haut. Or, c’est LA grande priorité. Parce qu’une société éduquée, c’est une société en santé, qui réussit économiquement et qui fait attention à son environnement. Tout part de là.

Une carrière politique, ça te tenterait?

Oui, parce que j’ai une nature assez revendicatrice. J’ai beaucoup de respect pour les politiciens – à part quand ils insultent mon intelligence. [Rire] Je trouve qu’ils sacrifient beaucoup leur vie personnelle. Je ne sais pas si je pourrais faire ça. Premièrement, j’ai encore de jeunes enfants, puis ce serait difficile de faire une croix sur les belles choses qui m’arrivent sur le plan professionnel. Mais je n’écarterai jamais l’option de me lancer en politique parce que je sens de plus en plus une urgence d’agir.

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Journaliste depuis plus de 30 ans, Daniel Chrétien se passionne pour les magazines. Il a notamment mis sa plume au service de Québec Science, de L'actualité et de Châtelaine, où il a travaillé comme rédacteur en chef adjoint pendant cinq ans. Au cours de sa carrière, il a remporté une dizaine de prix de journalisme, dont le prix Jean-Paré, remis au journaliste magazine de l'année au Québec. Aujourd'hui journaliste indépendant, il continue à collaborer avec Châtelaine sur une base régulière, en signant des reportages culturels ou traitant de sujets sociaux qui touchent les femmes.

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