Photo: Crila Laforest
Au bout du fil, la voix est rayonnante et familière. Sonia Benezra, à qui je parle pour la toute première fois, entre vite dans les confidences. C’est que la nouvelle porte-parole du Salon des aînés de Saint-Jérôme (qui se tiendra le 6 septembre 2025 au Quartier 50+) en a long à dire sur l’importance de la proche aidance, ayant elle-même vécu pendant sept ans les difficultés, mais aussi les joies, de ce rôle crucial.
Les organisateurs m’ont contactée à plusieurs reprises, pendant que je prenais soin de ma mère, puis après son décès, mais ce n’était pas possible pour moi, je ne me sentais pas assez forte pour le faire. C’est récemment qu’ils sont revenus à la charge et que j’ai décidé d’y aller parce que je connais très bien la proche aidance. J'ai pris soin de ma maman, avec une de mes trois sœurs, pendant les dernières années de sa vie, et je trouve que ça a été les plus belles années pour moi.
C'est un cadeau du ciel, avec le recul, sérieusement. Il y a eu des moments extrêmement joyeux et d'autres moments extrêmement difficiles. Ta vie change. C'est comme si, tout d'un coup, les hôpitaux, la maladie, ça devenait ta vie entière.
Des gens m’ont dit « on n’a plus de vie [quand] », et c’est vrai que je ne faisais rien d’autre. Mais ce n'est pas vrai que je n’avais pas de vie.
C’était une vie, mais différente. Et maintenant, quand j’y repense avec le recul, je ne vois rien de plus important que de pouvoir accompagner quelqu'un que j’adore traverser la plus dure période de sa vie.
Ma mère était si gentille, si joyeuse. On a vécu de beaux moments, on écoutait des films en noir et blanc, on jouait aux cartes tous les soirs. Elle n'était plus mobile. Il a fallu qu'on apprenne à utiliser de l'équipement pour la faire sortir du lit, pour l’installer dans la baignoire.
C'est un défi énorme. Et je pense que si on me demandait aujourd'hui quelle est ma plus grande fierté, je dirais que ce sont mes années de proche aidante avec ma mère. Parce que ça m'a permis aussi de la connaître d'une manière très différente.
Souvent, on connaît très mal nos parents. Il y a des questions qu’on ose poser à des amis, mais pas à eux. Mais moi, j'ai eu la chance de poser toutes sortes de questions à ma mère, au sujet de son enfance, de ses amours, de ses rêves.
Je l'ai connue d'une autre manière. Elle était extraordinaire parce qu'elle a toujours travaillé super fort. Quand j’étais jeune, elle était dessinatrice de mode sur la rue Chabanel le jour et elle allait à l’école le soir.
Elle travaillait sans arrêt, mais on avait toujours un repas chaud le soir. Je ne sais pas comment elle a fait parce que je réussis à peine à prendre soin de moi-même ! Elle était exceptionnelle.
Quand elle est tombée malade et quand elle a été obligée d'accepter qu'on l'aide, j’ai senti un certain lâcher-prise. C'est une autre mère que j'ai eue. Elle profitait plus du temps passé avec nous, et elle n’était pas déprimée. Je faisais ses manucures, je coupais ses cheveux.
Oui parce qu’elle me manque tellement même s’il y a eu des moments extrêmement difficiles. C’est bizarre, mais quand j’y repense, ce ne sont pas les ambulances et l’hôpital qui me reviennent en tête. Ce sont les manucures, les coiffures, les films en noir et blanc, les repas ensemble.
Le quotidien était très exigeant, mais il y avait des moments de complicité et c’est ce dont je me souviens le plus.
Je sais que ce n'est pas facile pour tout le monde et jamais je ne vais blâmer une personne qui ne se sent pas capable de continuer. C’est aux gens qui sont en train de réfléchir à le faire que je dirais d’essayer, parce que ça en vaut vraiment la peine.
Oui, on avait un petit peu d'aide. On avait quelqu'un qui restait avec maman quand on devait sortir, étant donné que je devais parfois travailler et que ma sœur travaille aussi.
Mais ce n'est pas assez pour décider de garder quelqu'un à domicile, surtout si la personne n’est pas mobile. Alors, on était vraiment assez déterminées à faire tout ce qu'on pouvait faire. Mon dos en a pris un coup. Ça a été très exigeant physiquement, pas juste émotivement.
J'entends souvent des gens dire « si ma mère souffre d’Alzheimer, ça sert à quoi d'aller la voir ? ». Je réponds toujours qu’on n’est pas obligé d'avoir une grande conversation. Prenez la main de la personne. Mettez de la musique qu’elle aime. Ça enlève le stress d'être obligé de parler, de trouver un sujet de conversation.
Mais la présence de quelqu'un d'autre, le toucher de quelqu'un d'autre, c’est tellement important. Je suis triste pour ceux qui n’en bénéficient pas.
Oui, il y a de tout, et des spécialistes pour répondre à toutes les questions et expliquer par exemple comment trouver une bonne place en résidence. Il y aura aussi des entrevues sur scène avec des personnes qui ont traversé des périodes difficiles, et qui peuvent donner des conseils. Je vais moi-même accorder une entrevue sur scène. Il y aura aussi des célébrités présentes, et toutes sortes de surprises.
Et il faut dire que la grande comédienne Béatrice Picard [NDLR : qui a 96 ans] est la marraine du Salon. J'ai un amour féroce pour cette femme que je trouve extraordinaire. Je vous suggère d’ailleurs de lire son autobiographie [NDLR : Béatrice Picard : avec l’âge, on peut tout dire] pour en apprendre sur l’histoire du Québec. Comme sa carrière a commencé au début de la télévision, on découvre tout sur les débuts du petit écran dans la province et sur ce qui se passait au Québec à cette époque. Ce n’est pas que la Marge des Simpsons ! On en apprend beaucoup sur elle, et sur toute son audace et son courage.
Salon des aînés de Saint-Jérôme Samedi 6 septembre 2025, au Quartier 50+
Béatrice Picard: avec l’âge on peut tout dire, de Sylvain-Claude Filion (Éditions La Presse, 2018, 340 p.)
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Julie est rédactrice en chef de Châtelaine et signe l’infolettre gourmande C’est exquis. Elle baigne dans l’univers du magazine depuis plus de 25 ans, ayant notamment été à l’emploi de Protégez-Vous et de L’actualité. Sa plus grande passion? La cuisine. Elle est même allée jusqu’en Italie pour apprendre à confectionner des pâtes comme les nonnas.
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