Les agglomérations se nomment Bouillante, Vieux-Habitants ou Pointe des Châteaux, et la bureaucratie tatillonne un tantinet : c’est la France. Mais la douceur de l’air, les parfums d’iode, le soleil qui tape permettent de confirmer que, pas de doute, nous sommes dans les Caraïbes. La Guadeloupe, ce sont cinq îles, dont les deux principales – Grande-Terre et Basse-Terre –, reliées par un isthme, forment un papillon un peu bizarre. Recette de vacances magiques : louer une villa. Un point de chute parfait d’où l’on rayonne vers la plage, la ville, les marchés et les musées. Tout ça sur des routes impeccables, dans la sécurité totale et en mangeant comme des rois… Bien sûr, c’est plus cher qu’un tout-inclus à Cayo Gringo, mais si l’on partage la note avec des amis, ça reste abordable.
Au départ de Pointe-à-Pitre, la traversée ne prend que 90 minutes vers le minuscule archipel des Saintes. On accoste à Terre-de-Bas pour une excursion d’une journée ou de quelques jours de paix totale. L’île, longue d’à peine 8 km, se laisse découvrir à pied et il faut moins d’une heure pour monter jusqu’au fort Napoléon par les rues où presque tout le monde marche (histoire d’apprécier le panorama). La prochaine fois, je jure de pousser une pointe vers Terre-de-Haut, pour voir de mes yeux la baie des Saintes, considérée comme l’une des plus belles au monde.
Au programme aujourd’hui : art culinaire à la guadeloupéenne, joyeux melting-pot de saveurs créoles, indiennes et européennes. Première étape : le marché aux poissons de Pointe-à-Pitre (avant 9 h). Lambi, bourse, dorade, langouste, poisson perroquet, marlin – tout ça à 6 euros le kilo (environ 9 dollars). On en profite pour exagérer… À 11 h, plus rien à faire ici, les pêcheurs remballent leur fourbi. Cap sur le marché Saint-Antoine de Pointe-à-Pitre, mieux connu sous le nom de marché aux épices. Étourdissement garanti. En 20 minutes, j’avais rempli mon sac. Des gousses de vanille longues de 18 cm, souples comme des lianes. De la pâte de cacao pur, géniale pour faire des desserts de rêve. Du rocou, un colorant orangé extrait des graines du fruit du rocouyer (ou urucum) utilisé en cuisine et dans les cosmétiques. Les Amérindiens l’employaient, paraît-il, pour se protéger du soleil, d’où l’expression « Peaux-Rouges ». Et, bien sûr, l’indispensable sauce chien, mélange de ciboulette, oignon, persil, citron, ail et piment dans lequel on marinera le poisson avant de le passer sur le gril. Des chayottes à gratiner et des tomates serviront d’accompagnement. Une heure plus tard, le festin est sur la table. Le bonheur…
Du blanc, du vieux, de l’agricole. En ti-ponche ou en planteur, le rhum est partout, bien sûr. Et le rhum guadeloupéen est le meilleur, évidemment… Voici la recette de ti-ponche de Laurent Barré, chef du Jardin Malanga, un petit hôtel de charme niché sur les flancs d’un ancien volcan près d’une localité qui s’appelle… Trois-Rivières.
Dans un verre, mettre 1 c. à thé de sucre de canne roux (si possible guadeloupéen, comme celui de la maison Gardel). Presser 1 quartier de lime, puis le déposer au fond du verre et écraser à la cuillère jusqu’à ce que le sucre se dissolve dans le jus. Ajouter 50 ml de rhum agricole de 42°. Siroter en imaginant le paysage spectaculaire qu’on voit de la piscine du Jardin Malanga…
Le parc national de la Guadeloupe occupe la plus grande partie de l’île de Basse-Terre. Un terrain de jeu plein de rivières et de cascades, d’étangs et de volcans, de baobabs, de calebassiers et de bois bandé (dont on peut aisément deviner les vertus supposées !), près de 300 espèces de fougères, des orchidées. Tout est possible, de la promenade d’une heure pour marcheurs relax ou jeunes familles jusqu’à l’ascension de la Soufrière, le volcan (actif !), plus haut sommet du pays. Au total, plus de 300 km de sentiers bien balisés, offrant aires de pique-nique et refuges.
Il pleut. Tant mieux. C’est la journée idéale pour une visite au Mémorial ACTe, seul musée au monde totalement consacré à l’esclavage. Érigé sur le site d’une ancienne usine sucrière, le musée permet de comprendre la réalité de l’esclavage, le rôle qu’il joue depuis le néolithique dans l’histoire humaine – de la Chine à la Grèce, de l’Inde aux Amériques – et qu’il a toujours dans presque toutes les régions du globe.
L’édifice, œuvre de l’architecte guadeloupéen Pascal Berthelot, est magnifique. L’exposition permanente propose un grand voyage historique et géographique unique, une expérience sensorielle et émotionnelle dont on ressort changé à jamais.
La vocation de ce centre de mémoire et de recherche est de « refermer les blessures de l’Histoire pour aider les femmes et les hommes de ce pays, de tous les pays victimes de ce crime, à avancer ensemble, quelles que soient leurs origines », disent les documents officiels. Pari réussi.
Notre journaliste était l’invitée d’Atout France, d’Air Canada et du Comité du tourisme des Îles de Guadeloupe.
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